Le ministère de l'Éducation nationale a fait de la question du harcèlement une priorité depuis au moins cinq ans, d'abord pour répondre à la problématique du harcèlement hors ligne et entre pairs, qui touche près de 700 000 élèves, dont 380 000 de façon sévère. L'existence d'un lien fort avec les cybervictimations nous a conduits à associer ces deux formes de violence. Il s'agit d'un phénomène spécifique de grande ampleur.
L'avènement des nouvelles technologies ouvre de nouvelles possibilités d'apprentissage et joue un rôle essentiel dans le processus de socialisation ; il ne s'agit donc pas de faire leur procès. Il n'en demeure pas moins qu'elles favorisent les risques de cybervictimation en surexposant les filles. L'usage d'internet est de plus en plus précoce ; 70 % des jeunes reconnaissent la nécessité d'interactions en ligne avec leurs amis, ce dont on ne saurait faire fi. En moyenne, les élèves de l'enseignement primaire et secondaire sont connectés pendant 185 minutes par jour ; selon une enquête menée en 2015, 14 % des élèves de huit à dix ans rapportent des faits de cyberviolence répétés en raison d'une mauvaise maîtrise technique de ces outils et d'un manque de compétences sociales pour gérer les conflits. Au collège, dans une enquête menée en 2015, près d'un élève sur deux était victime de cyberviolences, et près de 6 % parlent de cyberharcèlement.
Autrement dit, les nouvelles technologies sont une caisse de résonance du harcèlement classique, et les victimes sont souvent les mêmes : une fois sur deux, les victimes de harcèlement hors ligne sont aussi victimes sur internet. De plus, ces cyberviolences se diffusent entre pairs. L'idée selon laquelle les victimes subissent le harcèlement de personnes extérieures est une idée reçue : au contraire, la victimation est relayée par les pairs, à 26 % dans la classe même et à 36 % dans le collège. Il en résulte un impact sur le climat scolaire, la perception de ce climat qu'ont les élèves qui sont victimes ayant une incidence néfaste en termes d'absentéisme et de décrochage, en particulier, puisque selon une enquête, 17 % ne se sont pas rendus à l'école par peur de cette violence.
Plusieurs études confirment la tendance selon laquelle la victimation en ligne touche davantage les filles, lesquelles sont surexposées au risque de violences à caractère sexuel et sexiste. La sphère numérique augmente en effet le risque de banalisation des faits de sexisme ordinaire ; de ce point de vue, le Centre Hubertine Auclert a récemment publié une enquête très instructive. De plus, les filles sont deux fois plus souvent que les garçons victimes de rumeurs, d'insultes concernant l'apparence physique et de la diffusion de photographies intimes sur les réseaux sociaux.