Intervention de Bruno Sido

Réunion du 29 novembre 2016 à 18h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Bruno Sido, premier vice-président de l'OPECST :

Merci Monsieur le président, je voudrais saluer mes collègues, Mesdames et Messieurs les vice-présidents, Mesdames et Messieurs les députés, Mesdames et Messieurs les sénateurs et, naturellement, vous toutes et vous tous. Je voudrais vous saluer parce que, pour nous, le Conseil scientifique est très important.

Permettez-moi, tout d'abord, de m'associer aux paroles de notre président, Jean-Yves Le Déaut, pour féliciter les nouveaux membres et dire aux membres du Conseil scientifique dont le mandat se termine, que leur contribution a été très précieuse pour l'Office, qu'il s'agisse de leur participation aux réunions du Conseil scientifique, des conseils prodigués ou des contacts procurés – et c'est très important – d'auditions animées par tel ou tel d'entre eux ou encore de leur présence dans des groupes de travail auprès des rapporteurs. Un grand merci donc.

Je ne peux citer chacun, mais j'ai une pensée particulière pour M. Jean-François Minster qui, dès 2001, en sa qualité de président de l'IFREMER, a fait partie du groupe de travail placé auprès du sénateur Marcel Deneux pour le rapport sur « Les changements climatiques en 2025, 2050, 2100 ». M. Michel Petit faisait également partie de cette équipe. Il s'agissait alors du premier rapport parlementaire sur ce thème cher à Mme Valérie Masson-Delmotte ou à M. Jean-Pierre Gattuso. Je dois dire que ce rapport a marqué une étape importante.

Une pensée particulière également pour les membres du Conseil scientifique, anciens ou nouveaux qui, en 2014, ont aidé Mme Anne-Yvonne Le Dain, députée, et moi-même, à l'occasion du rapport intitulé : « Sécurité numérique et risques : enjeux et chances pour les entreprises ». Je pense tout particulièrement à MM. Gérard Berry, Michel Cosnard, Antoine Petit et Daniel Kofman.

Je me réjouis en particulier de voir que le Conseil scientifique renouvelé compte encore des personnalités éminentes aptes à nous aider à approfondir les questions liées au numérique et, tout particulièrement, à sa sécurité, qui constituera très probablement, de plus en plus, la fragilité majeure de nos sociétés contemporaines.

Merci donc à tous et croyez bien que, à mes yeux, les membres sortants du Conseil scientifique restent totalement dans le champ d'action de l'Office, car il connaît leur efficacité et ne manquera donc pas de les solliciter en tant que de besoin, s'ils l'acceptent, bien entendu. Je serais donc heureux qu'ils ne se considèrent pas comme des sortes de retraités de l'Office, mais qu'ils consentent plutôt à mettre à profit leur expérience parmi nous pour développer de nouveaux potentiels de coopération.

Comme l'ont déjà fait cette année MM. Bruno Revellin-Falcoz et Gérard Roucairol, en approfondissant les relations avec l'Académie des technologies qui leur est chère, tout en s'inspirant d'ailleurs en partie du partenariat qui existe depuis une dizaine d'années avec l'Académie des sciences – dont l'OPECST a été l'invité d'honneur la semaine dernière à l'occasion du 350e anniversaire de la création de cette académie – sous l'impulsion énergique, vous la connaissez, du Pr Dominique Meyer, membre du Conseil scientifique.

Il pourrait s'agir, par exemple, pour ces anciens membres du Conseil scientifique – ce qui, à ma connaissance n'a pas été vraiment fait jusqu'alors – d'évaluer a posteriori les auditions publiques et les rapports d'étude de l'OPECST, à la lumière notamment des réactions des milieux concernés, afin que nous puissions améliorer les méthodes de l'Office. Ce peut-être en particulier le cas de nos méthodes d'évaluation quand il s'agit pour nous, comme la loi en fait l'obligation, d'évaluer périodiquement la stratégie nationale de recherche.

Je n'y insiste pas davantage car je voudrais surtout vous dire quelques mots pour introduire la présentation du rapport du M. Pierre Corvol sur l'intégrité scientifique – un sujet qui m'est cher.

Dès le dernier renouvellement du Conseil scientifique intervenu en juillet 2013, j'avais souhaité que celui-ci soit plus étroitement associé non seulement au traditionnel tour de table approfondi sur la recherche de nouveaux thèmes d'investigation pour des rapports d'étude de l'Office et sur les études en cours, mais également que le Conseil conduise une réflexion de fond sur le thème de l'intégrité scientifique.

Pourquoi ?

La problématique de l'intégrité scientifique, en général, et ses relations avec l'OPECST, en particulier, c'est l'histoire d'une pyramide inversée, c'est-à-dire en équilibre précaire sur sa pointe. Celle-ci symbolise les découvertes des chercheurs les plus éclairés dont les avancées sont ensuite reprises par d'autres chercheurs, des experts, des politiques, des entrepreneurs, des enseignants, des journalistes, puis par la société tout entière. Les uns et les autres en tirent des conclusions, de nouvelles pistes de recherche, des motifs et des modalités d'action et traduisent, pour et dans la société, ce que les chercheurs les plus éminents ont découvert les premiers, non sans étonnement parfois.

Cette image de la pyramide aide à comprendre que c'est seulement de l'inaltérable exigence d'intégrité scientifique que la pointe de la pyramide inversée tire sa solidité et sa stabilité. Sans cette intégrité, c'est l'ensemble de l'édifice de la recherche et de ses ramifications dans la société qui s'effondre.

Or, vous l'avez compris, la démarche militante de l'OPECST en faveur du respect de l'intégrité scientifique est très intéressée car, quelque part entre la pointe et la base de la pyramide, se situe l'interface constituée par l'Office.

C'est sur la base d'une centaine d'auditions d'experts par rapport que l'Office tente la vulgarisation des connaissances les plus actuelles pour éclairer les parlementaires – c'est notre rôle – et, d'ailleurs, tout citoyen curieux sur les nouvelles problématiques scientifiques et technologiques, afin que les lois puissent bénéficier d'avis et de documents sur les évaluations et les choix scientifiques et technologiques à opérer.

Fort opportunément, certains membres de ce conseil, Mme Claudie Haigneré, M. Hervé Chneiweiss et M. Cédric Villani notamment, ont tout de suite été très impliqués dans le groupe de travail sur l'intégrité scientifique rattaché au Mouvement universel de la responsabilité scientifique (MURS), organisation indépendante créée en 1974.

La démarche de l'Office a donc rencontré celle de ce groupe. De ce fait, l'Office et son secrétariat ont pu participer à plusieurs réunions en 2014, 2015 et 2016, dont celle du 19 mai 2015, à l'Institut Henri Poincaré, sous la présidence de M. Jean Jouzel, à laquelle participait notamment M. Claude Huriet, ancien sénateur et ancien membre de l'OPECST et, évidemment, M. Pierre Corvol, que je remercie d'être présent parmi nous ce soir.

À l'occasion de ces réunions, j'ai appris qu'existait, depuis 2010, un rapport, excellent et fort complet, de M. Jean-Pierre Alix, chercheur au CNRS, intitulé : « Renforcer l'intégrité de la recherche en France », qui débouchait sur huit recommandations opérationnelles de qualité. Malheureusement, encore en 2015, le ministère de la Recherche, à l'origine de cette commande, ne s'était guère empressé d'y donner suite.

C'est pourquoi, en juillet 2015, j'ai posé au ministre chargé de la recherche une question orale sans débat pour tenter de comprendre les raisons de l'inaction ministérielle alors que l'intégrité scientifique connaissait des reculs, hélas. Cette question est venue en séance plénière du Sénat le 27 janvier 2016. La réponse gouvernementale fut peu convaincante.

En 2016, le thème de l'intégrité scientifique est toujours d'actualité, plus que jamais même car nombre d'incidents ont montré qu'il s'agissait d'une préoccupation de premier ordre, en France comme à l'étranger : larges plagiats dans des thèses, manipulation des illustrations, erreurs statistiques grossières… si tant est que ce soient des erreurs, d'ailleurs.

Or, même un soupçon de manquement à l'intégrité peut porter atteinte à la réputation nationale et internationale, d'un chercheur, voire de la recherche de son pays. Face à cette situation, il convient à la fois de réagir rapidement et de garantir les droits de la défense du chercheur.

Les travaux du groupe de travail du MURS sont donc particulièrement bienvenus. Permettez-moi de rappeler, à ce propos, la tenue le 29 janvier 2016, du colloque de Bordeaux intitulé : « L'intégrité scientifique : parlons-en ! ».

Car il n'a pas été évident de briser le silence et de s'interroger sur les causes qui conduisent, dans le monde entier, des chercheurs, parfois d'excellente réputation, à finir par commettre des entorses, semble-t-il de plus en plus fréquentes et graves, au respect scrupuleux de l'intégrité scientifique.

À la suite de ce colloque bordelais, le nouveau secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche a demandé à M. Pierre Corvol, professeur émérite au Collège de France, ici présent, de bien vouloir élaborer un nouveau rapport sur ce thème. Ce travail a été remis au ministre en juin 2016 et son auteur a fort aimablement accepté de venir vous le présenter aujourd'hui, ce dont je le remercie très vivement.

Ce rapport, intitulé « Bilan et propositions de mise en oeuvre de la charte nationale d'intégrité scientifique » a été commenté par son auteur de nombreuses fois depuis cet été dans différentes enceintes et c'est pourquoi, à l'occasion de la réunion du Conseil scientifique de ce jour, qui est marquée par le renouvellement d'une large partie de ses membres, il paraissait indispensable d'approfondir sur cette base la réflexion entamée en 2013.

À noter que, à titre personnel, je reste convaincu qu'aucun rapport et aucun organe de discipline interne à un organisme de recherche ou à une université ne pourront suffire seuls à endiguer totalement le flot montant des mauvaises habitudes qui ont maintenant cours dans la recherche, cet état de fait résultant en partie des facilités techniques procurées par la numérisation des outils de recherche.

Depuis 2013, donc, le Conseil scientifique a fait le point sur l'avancée de cette question lors de chacune de ses réunions.

Parallèlement, de nombreuses initiatives concrètes ont été prises, notamment par les grands organismes de recherche et les universités pour mieux cerner les manquements à l'intégrité scientifique et leur donner la suite qu'il convient. C'est ainsi que le CNRS dispose maintenant d'une charte d'expertise, de même que les instituts de recherche et les universités.

Souhaitons au passage que le monde de la recherche universitaire n'oublie pas d'honorer ses engagements face à ses doctorants en cessant de fermer les yeux sur la facilité consistant à confier l'encadrement de travaux de thèse à des universitaires non titulaires de l'habilitation à diriger des recherches (HDR).

Plus largement et plus positivement, chacun a maintenant admis que la formation des étudiants – peut-être même des élèves dès le lycée, voire avant – devait inclure une réflexion sur l'intégrité scientifique et sur les moyens de la faire primer sur d'autres considérations. Cela concerne tant les jeunes que les plus anciens. Cela rejoint également le thème de l'indépendance de l'expertise traité, pour ce qui concerne la santé et l'environnement et les lanceurs d'alerte, par la loi du 16 avril 2013. Cela a été pris en compte par les grandes institutions de formation et de recherche qui ont souhaité approfondir les exigences de l'intégrité scientifique.

Des chartes de l'expertise ont vu le jour à l'initiative des cinq académies, de la Conférence des présidents d'université ou de grands organismes de recherche. Cela est très prometteur. Des conférences internationales sur l'intégrité scientifique se multiplient. Faut-il aller plus loin ? Je le crois et peut-être le Pr Pierre Corvol va-t-il nous expliquer de quelle manière.

Voilà, Monsieur le président, ce que je voulais dire en préambule.

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