Intervention de Anne-Yvonne Le Dain

Réunion du 29 novembre 2016 à 18h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Yvonne Le Dain, députée :

J'étais dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale pour la discussion de la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères à l'égard de leurs sous-traitants, qui est une manière française de répondre à la catastrophe du Rana Plaza, qui pose la question de la responsabilité morale et, désormais, pénale des grandes entreprises quand elles ne prennent pas garde à la manière dont leurs fournisseurs travaillent, qui peut aboutir à des catastrophes humaines ou environnementales. Au Rana Plaza, ce sont 1 300 personnes qui sont mortes. Je suis venue ici aussitôt après le vote.

Je voulais dire que puisque la loi « Informatique et Libertés » est en révision, car les normes européennes sont en train de changer et il faut l'adapter de manière homogène dans tous les pays européens. Une audition de la présidente de la CNIL a eu lieu la semaine dernière au Sénat. Nous démarrons une mission parlementaire à ce sujet très bientôt à l'Assemblée nationale, sachant que c'est essentiel puisque nous présenterons notre rapport avant la fin du mois de février 2017, pour préparer une loi future qui devra être mise en oeuvre. La France est assez novatrice en la matière. Que tous ceux qui ont évoqué ces points n'hésitent pas à nous contacter car c'est maintenant qu'il faut le faire, et non plus tard ; c'est dans les trois mois à venir.

Je voudrais dire également qu'il y a une alliance à construire en ce qui concerne l'avenir. Je vais avoir recours à une métaphore un peu stupide, vous me pardonnerez.

Au XVIIIe siècle, il y avait la noblesse, l'Église et le tiers-état. Au XXIe siècle, il y a les médias, la très haute administration et le politique, mais nous sommes à nouveau trois. Je pense que les scientifiques sont en position 92.b. Ce que je viens de dire est horrible. Le monde scientifique, avec les présidents qui sont ici, tente de restaurer cette idée de prestige et non pas seulement d'importance du mot scientifique ; car tout le monde dit que c'est important, mais tout le monde s'en mêle pour dire ce qui est bien, ce qui est mal, ce qui est interdit, ce qui est faisable, ce qui ne l'est pas, pour aboutir à des textes extrêmement compliqués. On l'a vu dans le débat sur les OGM. De nombreux débats ont impacté des questions scientifiques soit directement dans l'hémicycle, soit par des biais variés qui peuvent être la manière dont le droit construit le droit et la manière dont la technique construit le droit.

J'attire l'attention des scientifiques que vous êtes sur le fait que le droit échappe parfois à tout le monde, il se passe des choses dans des instances indépendantes pouvant aboutir au fait d'empêcher la pensée d'exister, d'empêcher la science d'avancer, alors que la vitesse est déjà différente entre la France et l'Europe, entre cette partie ouest du continent européen et l'autre côté de l'Atlantique. Je pense aussi à l'Inde et à la Chine, qui vont très vite, au Brésil, qui ne va pas si lentement, et au Japon.

Il y a, je pense, une alliance objective à mettre en place pour cette compétition et l'OPECST est un lieu pour le faire de manière à rappeler que la science va vite et que les scientifiques pensent, qu'ils ont une pensée, qu'ils ne sont pas décérébrés. Je vous invite, et je nous invite aussi, à avoir une pensée construite, morale – ce que je viens de dire est horrible – qui peut aider le législateur.

Ce que je viens de dire est un peu philosophique, mais on a tendance à considérer les scientifiques comme des techniciens et qu'ils n'ont qu'à faire. Ce n'est qu'une question de temps ou d'échelle de valeur. C'est une question profondément ontologique, profondément philosophique – et donc politique.

N'oubliez pas que, aujourd'hui, les plus importants sont les médias, ensuite la très haute administration, qui a passé des concours à dix-huit ans et qui sait tout et, ensuite, éventuellement, le politique. Mais, en réalité, c'est vous qui êtes les premiers.

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