Intervention de Jeanine Dubié

Réunion du 21 décembre 2016 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié, rapporteure :

Monsieur le président, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à vous remercier de m'avoir accueillie dans votre commission, puis de m'avoir désignée comme rapporteure de cette proposition de loi.

Le groupe RRDP, auquel j'appartiens, a souhaité inscrire ce texte dans sa niche parlementaire, car nous pensons qu'il constitue l'un des textes les plus importants de la législature dans le domaine du sport. Il complète en cela deux textes que nous avons adoptés en 2015 et 2016, relatifs aux sportifs de haut niveau et aux supporters.

La proposition de loi des sénateurs Dominique Bailly et Didier Guillaume, largement inspirée des travaux de la Grande conférence sur le sport professionnel français impulsée par le secrétaire d'État chargé des sports, que je remercie pour sa présence, comporte un important volet destiné à renforcer et préserver l'éthique du sport.

En effet, une fois ce texte adopté et entré en vigueur, les fédérations devront instituer des comités d'éthique et de déontologie.

Les présidents de fédérations, de ligues, du comité olympique et du comité paralympique devront adresser des déclarations de patrimoine et d'intérêts à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), mesure qui apparaît tout à fait naturelle aux vues des missions de service public que remplissent ces organismes.

Les ligues pourront se constituer partie civile pour mieux lutter contre les atteintes directes et indirectes portées aux intérêts des associations et sociétés sportives et des sportifs professionnels.

Les fédérations se verront reconnaître le droit d'organiser des contrôles et de prononcer des sanctions pour tous les faits qui relèveraient de la fraude technologique.

Les interdictions de parier, applicables aux acteurs des compétitions sportives, seront étendues à l'ensemble des compétitions de la discipline concernée afin d'éviter tout conflit d'intérêts.

Les infractions de corruption active et passive dans le domaine du sport engloberont la totalité des comportements délictuels existant dans ce domaine.

Enfin, les pouvoirs des directions nationales de contrôle de gestion (DNCG) seront considérablement renforcés ; elles contrôleront désormais l'activité financière des agents sportifs, de même que les projets d'achat, de cession ou de changements d'actionnaires des clubs.

Toutes ces mesures concourent à préserver l'éthique du sport et à renforcer la transparence, mais elles ont aussi pour effet, notamment en ce qui concerne le contrôle opéré par les DNCG, de rassurer les investisseurs, ce qui ne peut que concourir activement à la compétitivité des clubs.

C'est là le second volet de ce texte, qui prête, il est vrai, un peu plus à débat, comme j'ai pu le constater au cours des auditions que j'ai conduites.

L'article 6 confère ainsi à la société sportive un droit d'usage du numéro d'affiliation de l'association sportive ; ce numéro, qui lui est délivré par la fédération lors de son affiliation, lui appartiendra et lui permettra notamment de s'inscrire à des compétitions sportives. Les sociétés sportives en ont donc besoin elles aussi, pour les activités qui leur ont été confiées par l'association. Il s'agit ici de sécuriser les relations qui lient les associations à leurs sociétés sportives, pour rassurer les investisseurs sur le fait que le club dans lequel ils investissent pourra, sans obstacle, participer à des compétitions.

L'article 7, tel qu'il a été modifié par le Sénat, a fait l'objet d'un certain nombre d'interrogations de la part des clubs professionnels et des sportifs. Je crois qu'il faut ici clarifier le message adressé par cette disposition : il ne s'agit pas de diminuer les cotisations patronales payées par les clubs pour accroître leur compétitivité – le Gouvernement pourrait très bien le faire directement –, mais de remédier à une situation juridique qui n'est pas telle qu'elle devrait être.

La rémunération des sportifs professionnels comprend, à mon sens, deux éléments distincts : d'une part le salaire, qui résulte de leur présence sur le terrain, aux entraînements, etc., et de leurs performances sportives ; d'autre part le droit à l'image, qui dépend de leur notoriété et des recettes commerciales générées lorsque le club utilise leur nom, leur image, leur signature ou leur voix, par le biais de publicités, de ventes de maillots, etc.

À mon sens, ce deuxième élément de rémunération ne doit pas être considéré comme un élément salarial. En cela, le statut du sportif se rapproche de celui du mannequin ou de l'artiste du spectacle qui touche une rémunération pour sa prestation physique, puis des redevances pour les recettes générées par l'utilisation de son image. Cette proposition avait déjà été avancée par Jean Glavany dans son rapport intitulé « Pour un modèle durable du football français », remis à la ministre chargée des sports au mois de janvier 2014.

La philosophie du dispositif proposé par le Sénat n'a donc rien de choquant. Ce que nous devons garantir, en revanche, c'est sa cohérence et sa bonne utilisation. Au cours des auditions, j'ai entendu les inquiétudes formulées par les représentants des sportifs et des entraîneurs qui craignaient que ce dispositif n'aboutisse à un système d'optimisation sociale. Je proposerai donc des amendements afin d'encadrer ce dispositif et de veiller à ce que cette redevance ne se substitue pas à une partie du salaire, privant ainsi le joueur des prestations sociales afférentes.

Le Sénat a adopté deux articles additionnels relatifs aux relations entre les clubs et les collectivités territoriales en matière d'équipements sportifs. Ces nouveaux dispositifs trouvent leur fondement dans le constat suivant : au regard du contexte financier que nous connaissons, il serait intéressant d'ouvrir la voie à des dispositifs permettant aux associations ou sociétés sportives qui en ont les moyens de prendre directement en charge leurs infrastructures.

L'article 7 bis A propose de plafonner la participation financière des collectivités à hauteur de 50 % pour les enceintes sportives utilisées principalement par des clubs professionnels. Si j'en comprends les motivations, ce plafond ne me semble cependant pas opportun. Non seulement je m'interroge sur sa constitutionnalité au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales, mais il me semble beaucoup trop restrictif et son application au 1er juin 2017 pourrait poser de sérieux problèmes à de nombreux projets en cours et à venir. Au final, il me semble qu'il est encore un peu tôt pour ce genre de mesures trop contraignantes à court terme.

C'est pourquoi il est d'autant plus important de privilégier d'autres types de solutions pour favoriser le transfert de responsabilité financière vers le monde sportif.

Le Gouvernement a proposé au Sénat un mécanisme de garantie d'emprunt par les collectivités territoriales qui le souhaiteraient, dont je salue le pragmatisme ainsi que les précautions qui l'entourent. Ce dispositif n'a pas vocation à bouleverser dans l'immédiat le financement du sport en France ; le but est d'introduire une souplesse, un modèle alternatif dont j'ai pu constater lors de mes auditions qu'il facilitera l'émergence de projets intéressants financés par les clubs.

L'article 9 s'attache à l'objectif largement partagé de promouvoir davantage le sport féminin en créant une nouvelle instance de dialogue permanente.

L'article 12, adopté à l'initiative des sénateurs, propose de mettre en place par voie d'accord entre les professionnels de nouvelles mesures de lutte contre le piratage des retransmissions sportives. Le principe du dispositif est intéressant, même si sa rédaction actuelle pose quelques difficultés de compatibilité avec le droit européen et la législation actuelle ; nous vous proposerons de les résoudre par voie d'amendement.

Vous l'aurez compris, il s'agit d'un texte qui se veut équilibré, dont les objectifs sont largement partagés et dont je ne vous cache pas qu'il est très attendu par le monde du sport. Cette proposition de loi n'a pas pour ambition de révolutionner le sport professionnel, mais de répondre à des enjeux concrets en reprenant une douzaine de propositions qui ont fait l'objet d'un consensus lors de la Grande conférence du sport professionnel. Je vous proposerai donc bien évidemment de l'adopter, sous réserve de quelques améliorations.

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