Intervention de Marie-Claire Aoun

Réunion du 15 décembre 2016 à 11h15
Mission d'information sur les relations politiques et économiques entre la france et l'azerbaïdjan au regard des objectifs français de développement de la paix et de la démocratie au sud caucase

Marie-Claire Aoun, directrice du centre « Énergie » de l'Institut français des relations internationales (IFRI :

Cette politique contracyclique est plutôt saluée par les institutions internationales, mais son effet reste très limité.

Les pays producteurs de pétrole, à l'exception, peut-être, de la Norvège, ne parviennent pas à diversifier leur économie et restent extrêmement dépendants de la rente pétrolière. C'est le cas de l'Azerbaïdjan.

L'échec des politiques de diversification s'explique par une série de mécanismes économiques. Selon une théorie largement diffusée dans la littérature de l'économie politique, les ressources pétrolières permettent de retarder toute réforme démocratique dans ces pays. Dans les périodes où les cours du pétrole sont élevés, on redistribue la rente pétrolière à la population : on augmente fortement les dépenses sociales, les salaires des fonctionnaires et les primes, on finance un système largement fondé sur le secteur public et on parvient ainsi à calmer les revendications démocratiques. Dans ces conditions, on n'arrive pas à développer les secteurs qui créent de la valeur ajoutée. Inversement, l'absence ou le déficit de démocratie a un impact négatif sur la croissance économique – ce que certains exemples semblent confirmer, mais d'autres non : on peut notamment penser à la Chine. En tout cas, la rente pétrolière conforte les régimes en place, ainsi que nous pouvons le constater dans les pays du Moyen-Orient. Dans les périodes où les cours sont bas, comme ces deux dernières années, ces régimes se sentent parfois déstabilisés parce qu'ils n'ont plus les moyens d'apaiser les revendications démocratiques.

Selon cette même théorie, la rente pétrolière alimente aussi la corruption. Je n'ai pas étudié de manière précise le cas de l'Azerbaïdjan de ce point de vue. Quoi qu'il en soit, la situation s'est très sensiblement améliorée au cours des dernières années : il y a désormais une transparence accrue dans l'industrie pétrolière, et les initiatives visant à rendre les revenus pétroliers plus transparents se sont multipliées. Les compagnies pétrolières sont désormais obligées de rendre publiques toutes les sommes qu'elles versent aux États, ceux-ci étant pour leur part obligés de rendre publiques toutes les sommes qu'ils reçoivent. Le respect de ces exigences fait partie des critères appliqués par les institutions internationales lorsqu'elles accordent des prêts. L'Azerbaïdjan s'inscrit lui aussi dans ce mouvement de transparence accrue. Son fonds souverain n'est pas nécessairement un modèle de transparence, mais il est considéré comme un exemple de bonne gestion des revenus pétroliers, ce qui est assez unique dans le paysage des pays producteurs de pétrole.

Pour en revenir au potentiel pétrolier de l'Azerbaïdjan, n'oublions pas que nous sommes dans un contexte d'épuisement des ressources pétrolières à long terme. Dès lors, ainsi que le souligne le récent rapport du FMI, il est urgent que l'Azerbaïdjan engage des réformes pour diversifier son économie et créer de nouvelles sources de revenus, à plus forte raison dans le contexte actuel de faibles prix du pétrole.

Je préfère ne pas m'exprimer sur les points plus précis que vous avez soulevés concernant l'Azerbaïdjan, monsieur le président, car ils ne relèvent pas de mon domaine de compétence.

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