Je crois avoir perçu un plus grand intérêt pour ces données, et une plus fréquente utilisation de celles-ci. Et j'espère – nous ferons tout pour cela – que la mise en place de l'INDS et les textes d'application de la loi pourront prolonger ces demandes et ces recommandations.
Vous nous avez également posé une question sur la sous-utilisation des bases de données, sujet qui nous avait préoccupés lorsque nous travaillions au sein du Haut Conseil de la santé publique. Pour faire comprendre cette sous-utilisation relative, quelques rappels s'imposent.
Les bases de données médico-administratives, le SNIIRAM, le PMSI et d'autres, sont des bases de données de gestion, qui sont faites pour piloter le système, mais pas pour faire des études. Réaliser des études à partir de ces informations peut être très utile, mais nécessite un apprentissage important et des connaissances spécifiques – non seulement des connaissances statistiques, mais aussi sur la manière dont le système d'assurance maladie est géré, puisque c'est le résultat de cette gestion qui figure dans les bases. C'est souvent assez complexe.
Il y a quelques, années j'ai dirigé l'Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES), pionnier de l'utilisation des bases de données de l'assurance maladie, bien avant l'existence du SNIIRAM. L'Institut menait chaque année, puis tous les deux ans, une enquête en population générale qui était générée et appariée avec les données de l'assurance maladie. S'y étaient développées des compétences spécifiques sur le traitement de ces données, et j'ai pu mesurer la difficulté d'analyse de ces bases. Il faut, par exemple, aller repérer un ensemble de prestations s'apparentant à des indemnités journalières d'assurance maladie, car cela n'apparaît pas ainsi dans la base. Cela suppose un apprentissage important. Jusqu'à il y a peu, les compétences étaient rares, et elles étaient localisées sur ces données. Je peux citer la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), qui a beaucoup développé l'exploitation des données ; l'IRDES ; certaines équipes de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) – celle qui a lancé la cohorte Constances possède une très bonne connaissance de ces sujets.
Je pense que l'ouverture de ces bases permettra à ces compétences de se disséminer et de se renforcer au fil des années. Un certain nombre d'équipes de l'INSERM ou de centres hospitaliers universitaires (CHU) ont commencé à travailler sur ces données, ainsi qu'il ressort des demandes actuellement adressées à l'IDS.
Tout cela fait son chemin. Mais il faut un certain nombre de mois et d'années pour développer de réelles compétences permettant de travailler sur ces données. Par exemple, on a attendu dix bonnes années pour savoir exploiter utilement le PMSI. Et c'était un apprentissage nécessaire.
Dans le cadre du rapport du Haut Conseil de la santé publique, nous avions constaté que cet usage se développait peu à peu.
Nous avions également observé une réaction qui, semble-t-il, est en train de changer. À l'époque – notre premier rapport date de 2009 – de grandes interrogations s'étaient fait jour dans le monde scientifique sur la possibilité de conduire des analyses scientifiques de bonne qualité avec ces bases qui, justement, n'étaient pas faites par des chercheurs pour des chercheurs.
Le monde de l'épidémiologie a beaucoup évolué sur ce sujet, notamment parce que les spécialistes en épidémiologie sociale, comme ceux de la cohorte Constances, ont prouvé que c'était possible. Un certain nombre de travaux menés, par exemple, sur les médicaments et sur la variabilité des pratiques, ont démontré tout leur intérêt.
Il a donc fallu progresser en matière d'apprentissage du traitement des données, mais aussi convaincre que ces données étaient effectivement utiles pour des travaux de recherche et d'évaluation.