Intervention de Patrice Carvalho

Séance en hémicycle du 11 janvier 2017 à 21h30
Débat sur le socle européen des droits sociaux

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Carvalho :

Monsieur le Président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires européennes, chers collègues, le débat qui nous occupe aujourd’hui intervient dans le cadre d’une consultation lancée par la Commission européenne dans le but de formuler des propositions sur un socle européen des droits sociaux. C’est un projet indispensable, je dirais même urgent, tant l’Europe est devenue aux yeux de nos concitoyens le symbole des politiques d’austérité, du dogme de la concurrence non faussée et des régressions sociales.

Au moment de célébrer le soixantième anniversaire du traité de Rome et les trente ans du programme Erasmus, un constat s’impose : l’Europe n’est plus porteuse d’espoirs. Pire, elle fait figure de repoussoir pour un nombre croissant d’Européens. Le Brexit en est la dernière expression.

Cette initiative est donc salutaire. Elle ne saurait toutefois faire oublier qu’au même moment cette même commission, appuyée par les gouvernements libéraux et socio-libéraux, continue d’imposer des mesures d’austérité à plusieurs pays européens. La Grèce continue d’être le laboratoire de ces politiques qui se traduisent concrètement par un affaiblissement des services publics, la perte de droits sociaux ou la baisse des pensions de retraite et entraînent pauvreté, chômage et inégalités.

En France, depuis la ratification en 2012 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG, traité budgétaire qui généralise l’austérité et que devait renégocier le candidat Hollande, le Gouvernement s’empresse de suivre scrupuleusement les dernières recommandations européennes en matière économique et sociale. Comment ne pas évoquer la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », ou la loi « Travail » ? Ces textes n’ont fait que reprendre à leur compte les préceptes bruxellois de non-concurrence et de « flexisécurité », contribuant ainsi à la casse des professions réglementées et à l’affaiblissement des protections des travailleurs.

À l’inverse, au sein de notre groupe, nous n’avons cessé depuis le début du quinquennat d’exiger une réorientation des politiques européennes vers plus de justice sociale, tout comme nous dénonçons la mise en concurrence sociale organisée, via l’explosion du nombre des travailleurs détachés.

Dans ce cadre, la refonte de la directive sur les travailleurs détachés de 1996 apparaît comme la première des priorités. Force, en effet, est de constater que les modifications apportées en 2014 à la directive et transposées dans notre droit dans le cadre de la loi visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, dite loi Savary, n’ont pas permis de réguler le travail détaché, qui ne cesse de progresser en Europe et en France. Une nouvelle tentative de révision de la directive a été engagée cette année par la Commission européenne mais elle se heurte à l’opposition des pays de l’Est. Le nouveau texte, qui comporte de timides avancées, risque de ne jamais voir le jour.

Dans ce contexte, le socle européen des droits sociaux doit, selon nous, poursuivre un seul objectif : l’harmonisation sociale vers le haut.

Se pose ensuite la question du contenu du socle. Sur ce point, je voudrais vous faire part de plusieurs remarques. Nous considérons tout d’abord que le socle ne peut se contenter d’être la somme de droits individuels : il doit également reconnaître les droits collectifs – je pense au droit à la négociation collective ou au droit des travailleurs de participer aux décisions économiques de l’entreprise. En ce sens, la recommandation du Conseil économique social et environnemental – CESE –, selon laquelle ce projet doit intégrer les conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail et la Charte sociale européenne, nous paraît judicieuse.

Nous sommes également favorables à l’instauration d’un salaire minimum européen. Il s’agit d’une mesure intéressante, à condition qu’elle soit assortie d’objectifs précis de convergence et s’accompagne d’un alignement des charges sociales, faute de quoi elle débouchera sur une Europe sociale à la carte, comme on le constate pour le travail détaché.

D’autres mesures sont indispensables : l’harmonisation des droits au chômage, des droits à la retraite et de la couverture santé, la promotion de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou encore le développement de dispositifs en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes.

Enfin, ce projet de socle européen doit aller de pair avec une harmonisation fiscale au travers de la convergence des différentes bases d’imposition sur les sociétés, qui diffèrent fortement selon les pays. Il s’agit d’un enjeu majeur car sans cela l’harmonisation sociale vers le haut restera lettre morte.

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