Intervention de Alain Tourret

Séance en hémicycle du 12 janvier 2017 à 9h30
Réforme de la prescription en matière pénale — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Tourret, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

C’est une bonne décision. Elle empêche qu’on échappe au « délai excessif ». N’oublions pas nos obligations européennes en matière de « délai raisonnable ». Grâce au délai butoir, nous revenons dans les limites du délai raisonnable.

Restait le problème des prescriptions en matière de presse. Dès le départ, nous avions pensé, Georges Fenech et moi-même, qu’il ne fallait pas toucher à la presse. Et notre premier texte ne contenait aucune disposition sur le sujet. Le Sénat, lui, n’acceptait de conclure un accord avec nous qu’à condition que le délai de prescription pour les infractions commises par les sites de presse en ligne passe de trois mois à un an. Finalement, c’est un délai plus court qui a été retenu puisque lorsqu’une insertion figurera à la fois dans la presse écrite et sur internet, l’écrit l’emportera. C’est donc le délai non d’un an mais de trois mois qui s’appliquera.

Alors que nous étions parvenus à un accord à la Chancellerie, j’ai appris le dépôt d’un amendement scélérat tentant de mettre par terre l’ensemble de la loi. J’appelle en effet votre attention sur le fait que son adoption ferait tomber tout le texte. En votant cet amendement, on donnerait une sacrée chance à toute la délinquance économique, qui échappe aux poursuites, parce qu’il n’est pas possible actuellement qu’elles s’exercent sur les infractions dissimulées ou complexes. Voilà la réalité !

Je me demandais comment le milieu économique allait réagir à notre proposition, qui représente un danger pour lui – les avocats d’affaires en étaient les premiers convaincus. J’ai compris ensuite que c’est par cet amendement qu’il tenterait de parvenir à ses fins. Toutes les tentatives de modifier la loi en matière de prescription ont échoué. Mazeaud a échoué. Hyest a échoué. Tous se sont cassé les reins sur les délits économiques. Et voici que les résistances réapparaissent, comme le monstre du Loch Ness, non en tant que telles, mais à la faveur d’un amendement dissimulé concernant les sites en ligne.

Je le répète avec force : il s’agit d’un amendement scélérat. S’il est voté, on m’assure qu’on pourra revenir en arrière. Voire ! On voudra vous nourrir de belles paroles. Si le garde des sceaux, qui a toute ma confiance, nous le confirme, c’est qu’il y a peut-être une possibilité, mais au fond je n’y crois guère. On nous avait de même dit en juin dernier que le texte serait adopté conforme sans encombre. On voit ce qu’il en a été.

Je vous le répète donc avec force, chers collègues : ne votez pas l’amendement. Si vous le faites, c’est toute la loi qui tombe. Or il s’agit d’un grand texte, d’initiative parlementaire.

Mesdames et messieurs les parlementaires, ne cédez pas à l’exécutif ! Monsieur le garde des sceaux, ne cédez pas au Premier ministre ! Battez-vous ! Battez-vous, monsieur le garde des sceaux, qui étiez jadis président de notre commission des lois.

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