Intervention de Dominique Potier

Réunion du 11 janvier 2017 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier, rapporteur :

Tout d'abord, j'adresse à tous mes meilleurs voeux, sous l'auspice de la concorde car je pense que les deux sujets que nous abordons aujourd'hui, le combat pour la régulation du foncier agricole considéré comme un bien commun et non seulement comme une propriété privée, et le biocontrôle en tant qu'arme d'une agroécologie qui restera une marque de ce quinquennat, peuvent nous rassembler très largement.

C'est une proposition de loi déposée en 2013 par le groupe Socialiste, républicain et citoyen (SRC) qui a permis de poser la question d'une nouvelle donne en matière de foncier. La déréglementation intervenue lors des précédentes législatures avait ouvert des brèches : montée d'un certain individualisme, d'une compétition dans le monde agricole, course à l'agrandissement, et, à partir de 2008, arrivée de fonds spéculatifs sur le marché foncier, au-delà même des zones frontalières et des zones à haute valeur ajoutée, comme le vignoble, où ces démarches étaient déjà banalisées. Nous avons ainsi constaté une perte de contrôle dans ce qui a longtemps été un défi national partagé par tous, une logique patrimoniale et social-démocrate permettant d'affecter le foncier à ceux qui en ont le plus besoin plutôt qu'à ceux qui ont les plus grands moyens. C'est cette tradition qui a permis une modernisation équilibrée de notre agriculture.

Face au constat d'une rupture, nous avions déposé une proposition de loi pointant trois limites à dépasser. La première était un cadre de l'installation privilégiant le jeune exploitant de manière excessive, avec une logique du fusil à deux coups : le jeune s'installe sans reconnaître son héritage paternel ou maternel et récupère ensuite cet héritage au nom du droit familial. Cet abus a été corrigé dans la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt.

La deuxième limite avait trait au phénomène sociétaire qui nous réunit ce matin. Nous avions fait un premier pas dans la loi d'avenir en matière de transparence et d'information des mouvements fonciers au sein des sociétés et esquissé la possibilité pour les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) d'intervenir en cas de cession de 100 % des parts sociales, mais ce système pouvait être aisément contourné et nous avons donc formulé des propositions dans notre proposition de loi.

Enfin, nous avions évoqué une réflexion à venir sur les abus du travail à façon. De nombreux agriculteurs ne prennent pas leur retraite et continuent d'être exploitants, ou bien ce sont ce que M. Daniel Prieur, de la FNSEA, a baptisé les « agriculteurs contemplatifs », qui, habitant parfois dans une grande ville ou à Paris, gèrent par téléphone une exploitation, bénéficiant des aides de la politique agricole commune (PAC), sans jamais mettre les pieds sur leurs terres ou rarement. Cette question sera réglée par le statut de l'agriculteur, un chantier ouvert dans la loi d'avenir mais encore loin d'être achevé.

Je me réjouis que, dans le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, le ministre Stéphane Le Foll et le rapporteur Germinal Peiro aient créé un volet foncier s'inspirant de notre proposition de loi : renforcement du pouvoir des SAFER, élargissement de la collégialité de leurs décisions, règlement sur l'installation qui ne priorise pas de manière absolue l'installation des jeunes mais donne à ces derniers à choisir entre le patrimoine familial et l'acquisition nouvelle… C'était un premier pas très important, consacrant après des années de déréglementation un début de retour à la régulation.

Force est de constater, cependant, que nous n'avons pas été assez loin. Au moment de l'affaire de la multinationale chinoise dans l'Indre, le pays a été saisi d'une vague d'émotion. Il peut y avoir dans cette émotion une part de sentiment anti-étranger qui n'est pas le nôtre, mais je ne suis pas choqué de voir le sens commun s'émouvoir que des capitaux étrangers deviennent propriétaires de façon massive de terres céréalières. Le sujet est revenu dans le débat public et a pu être abordé dans le cadre de la loi Sapin II. Je remercie la commission des affaires économiques d'avoir porté dans ce débat des amendements sur le phénomène sociétaire.

Nous avons réuni à deux reprises l'ensemble des forces agricoles – SAFER, Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), Coordination rurale, Confédération paysanne, Jeunes Agriculteurs, FNSEA – et nous avons obtenu un quasi-consensus, mises à part des réserves de la Coordination rurale, sur les propositions que nous avons élaborées à la suite d'échanges fructueux avec l'opposition. Nous avons eu à coeur d'élargir ce consensus au Sénat et je salue la complicité de M. Daniel Gremillet, sénateur des Vosges et rapporteur, qui a abouti aux mêmes conclusions, tout en précisant nos intentions. Sa vigilance a permis d'améliorer le texte. Lors de la commission mixte paritaire (CMP) sur Sapin II, l'accord a été total sur ces questions.

Le Conseil constitutionnel a malheureusement considéré que ces dispositions n'avaient pas leur place dans la loi Sapin II. Il fallait donc agir très vite et je salue la présidence du groupe et celle de la commission qui ont permis le dépôt en huit jours d'une proposition de loi les reprenant très précisément. Je donnerai un avis favorable à quelques amendements d'ordre technique, inspirés par les organisations syndicales. Ce dernier texte agricole de la législature est aussi l'occasion de traiter quelques questions non fondamentales, mais il ne s'agit pas de rouvrir le débat sur ce que nous avons déjà discuté de manière approfondie.

Le Gouvernement nous a par ailleurs demandé de porter des questions ayant trait au biocontrôle. Certains trouveront qu'elles ont un caractère réglementaire ou anecdotique, mais je ne partage pas cette analyse. Les dispositions proposées touchent à la sécurité des personnes, à la simplification de la vie des entreprises et à la promotion du biocontrôle, qui représente un apport majeur. Ce n'est pas M. Antoine Herth, auteur d'un rapport ayant fait autorité et que nous avons repris dans le plan Écophyto 2, qui me contredira. Le biocontrôle représente aujourd'hui environ 5 % des solutions alternatives aux solutions traditionnelles de l'agrochimie et a vocation à monter à 15 %. Dans ce domaine, la France est très bien placée, en matière de recherche et développement, de brevets, de startups.

Le principal intérêt de ce véhicule législatif pour le Gouvernement est de rétablir le certificat d'économie de produits phytosanitaires (CEPP) inspiré des certificats d'économies d'énergie. C'est une des propositions phares du Gouvernement en matière agricole. Il s'agit d'introduire une relation B-to-B (Business to Business) entre entreprises. Les agro-fournisseurs auront des objectifs de réduction des produits phytosanitaires avec leurs clients et ces certificats devront concourir à l'objectif de réduction de 25 % de l'utilisation de ces produits dans les cinq ans. Cette logique était une des originalités du rapport Écophyto 2, que j'ai eu l'honneur de remettre à Manuel Valls, alors Premier ministre.

Après avoir fait l'objet d'une habilitation dans la loi d'avenir, le CEPP a été attaqué par certaines organisations, sur des problèmes relevant plus de la forme que du fond. Je continue de penser que le Gouvernement a conduit un travail de consultation publique de qualité, mais le Conseil d'État a rendu sa décision sur l'ordonnance et nous n'avons pas à la commenter. La présente PPL sera l'occasion de reprendre sous la forme d'un amendement du Gouvernement en séance le CEPP, qui, une fois inscrit dans la loi, ne sera plus contestable. Le monde syndical, en partie réticent au départ, s'est mis en mouvement : des coopératives et des opérateurs privés se sont déjà inscrits dans la dynamique et nous demandent que cette disposition ne soit pas remise en cause.

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