Intervention de Marie-Noëlle Battistel

Réunion du 11 janvier 2017 à 16h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Noëlle Battistel, rapporteure pour avis :

Madame la présidente, Monsieur le président de la commission du développement durable, chers collègues, la proposition de loi d'adaptation du code minier au droit de l'environnement a été déposée à l'Assemblée nationale en novembre 2016. Elle sera examinée la semaine prochaine par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, saisie au fond, dans le cadre de la procédure accélérée.

La réforme du code minier n'est pas une idée nouvelle. Elle a été annoncée par le Gouvernement il y a cinq ans, sous la précédente législature. En 2013, M. Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, a confié à M. Thierry Tuot, conseiller d'État, la mission de réformer le code minier. Le groupe de travail constitué sous son égide pour réunir les parties prenantes a remis ses conclusions au Gouvernement en décembre 2013 mais aucun projet de loi n'a été déposé depuis.

À l'approche de la clôture de la XIVe législature, il aurait été regrettable que le travail effectué par les ministères, les parlementaires et les personnes ayant participé aux consultations ne donne pas lieu à la réforme du code minier souhaitée par l'ensemble des acteurs. Afin de la mettre en oeuvre, la présente proposition de loi se fonde donc sur les travaux menés par le Gouvernement et par le Parlement.

Ce texte a ainsi l'ambition de moderniser le code minier en prenant en compte les principes constitutionnels de la Charte de l'environnement et la nécessité d'adapter ce code à celui de l'environnement.

Il vise trois objectifs principaux.

Le premier est la valorisation de l'activité minière en France.

La réforme du code minier doit apporter stabilité, attractivité et équilibre économique à l'activité minière en France et l'encadrer de manière durable. Bien que celle-ci soit peu développée aujourd'hui, sa relance n'est pas exclue, du fait de l'existence potentielle de gisements exploitables principalement situés dans les fonds marins et en outre-mer, au large des côtes de la Guyane, de Nouvelle-Calédonie ou encore de Saint-Pierre-et-Miquelon et de la Terre-Adélie : gisements de pétrole, de terres rares, de sulfures hydrothermaux comme l'argent, le zinc et l'or, ou d'encroûtements cobaltifères. Il s'agit non pas de prôner une vision passéiste de ce que fut la France industrielle des années 1950-1970, mais de s'interroger sur l'opportunité de mettre en oeuvre une stratégie minière ambitieuse et respectueuse de l'environnement et des populations.

Demain, l'activité minière pourrait constituer une source importante de développement économique, d'autant que l'envolée des prix des terres rares et des autres métaux stratégiques a fait prendre conscience de la dépendance et de la vulnérabilité de notre économie à l'égard de l'approvisionnement en matières premières minérales non énergétiques. Au-delà de la question de l'opportunité d'exploiter le riche potentiel minier dont dispose la France, il est nécessaire que nous sachions précisément ce que renferme notre sous-sol.

Le deuxième objectif est une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux dans le code minier.

Celui-ci remonte à 1810. Il a établi les fondements du droit minier et posé les jalons de la définition d'une activité de nature industrielle et productive, à une époque où les préoccupations environnementales n'étaient pas manifestes. Il prévoit ainsi – exemple significatif – la possibilité d'octroyer des permis exclusifs de recherches tout comme des titres de concession sans que soit conduite une véritable évaluation environnementale.

La proposition de loi préserve l'autonomie de la législation minière tout en permettant une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux aux différents stades des procédures d'octroi des titres miniers ou des autorisations de travaux.

La réforme du code minier se situe dans le prolongement d'autres grands chantiers de cette législature, qu'il s'agisse de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 ou de l'accord de Paris sur le climat entré en vigueur le 4 novembre 2016.

Le troisième objectif est celui d'une plus grande participation du public

La réforme du code minier offre ainsi une chance de faire progresser l'idée d'une « démocratie écologique ». La proposition de loi cherche à attaquer le problème à la racine en renforçant l'association des populations et des élus locaux aux décisions prises en matière minière. La participation du public doit être assurée dès l'instruction de la demande de permis exclusif de recherches ou de tout autre accord permettant de marquer le début de la phase de recherches d'une substance minière.

En conciliant ces trois objectifs, la proposition de loi tente de trouver le meilleur équilibre possible.

L'article 1er ratifie l'ordonnance du 20 janvier 2011, laquelle procède à la recodification, à droit constant, de la partie législative du code minier. Un projet de loi de ratification de cette ordonnance a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 11 avril 2011 mais il n'a jamais été adopté, alors même que des modifications du code minier sont intervenues par la suite.

L'article 2 instaure une évaluation environnementale systématique pour les titres d'exploration comme pour les titres d'exploitation. Il en précise le contenu et les exigences. Il instaure également ce qui peut être qualifié de véritables « clauses de sauvegarde environnementales », en distinguant les situations dans lesquelles les titres peuvent être refusés, en raison notamment d'un doute sur leur innocuité environnementale.

L'article 3 établit une procédure renforcée d'information et de concertation du public. Elle pourra être engagée en début d'instruction, par le représentant de l'État, s'il estime que la manière dont le demandeur compte procéder à l'exploration ou à l'exploitation soulève des enjeux environnementaux significatifs ou si les deux tiers des communes concernées le demandent. Elle pourra également être engagée en cours d'instruction, si l'analyse des avis exprimés au cours de l'enquête publique le justifie. La procédure renforcée sera conduite par un groupement participatif d'information et de concertation, qui pourra avoir recours à des experts et à des évaluations spécifiques. Le public sera consulté pour une durée de trente jours ; le groupement participatif rendra ses conclusions et formulera des recommandations dans un délai de quatre mois.

L'article 4 remédie à l'absence, en France, d'une politique minière nationale claire et prospective. Il prévoit l'élaboration d'un document stratégique par l'autorité administrative compétente. Ce rapport formalise la « politique nationale des ressources et des usages miniers », c'est-à-dire les orientations nationales de gestion et de valorisation des ressources connues ou estimées. L'article crée également le Haut Conseil des mines, lieu du dialogue stratégique entre les parties prenantes de l'exploration et de l'exploitation du sous-sol. Pour que la politique minière nationale soit un outil de planification stratégique accepté par tous, il est indispensable que les débats sur ces sujets soient transparents et inclusifs. Cette même volonté de transparence des décisions et des débats a conduit les parlementaires à inscrire dans la proposition de loi la création d'un registre national, mis à la disposition du public sur internet, qui recense les décisions administratives prises en application du code minier.

L'article 5 cherche à assurer une meilleure sécurité juridique aux exploitants et aux détenteurs de titres miniers. Il crée une nouvelle procédure de recours qui prévoit que toute personne peut saisir la cour administrative d'appel compétente d'une demande de confirmation de la procédure suivie, dans un délai de deux mois à compter de la publication ou de l'affichage de la décision administrative. Cette validation a pour but de purger le risque d'annulation des titres miniers pour non-respect de la procédure. Une fois la procédure déclarée régulière par la cour administrative d'appel, le moyen « vice de forme ou de procédure » ne pourra plus être soulevé à l'appui d'un recours contentieux ultérieur, que ce soit par voie d'action ou par voie d'exception. Si la procédure est jugée irrégulière, la cour enjoint à l'autorité administrative d'adopter les mesures nécessaires à la régularisation de la procédure.

L'article 6 vise à améliorer le fonctionnement de l'après-mine, question à laquelle je suis particulièrement sensible puisque les anciennes mines du plateau matheysin se trouvent dans ma circonscription – je connais les problèmes qui peuvent se poser en ce domaine. L'article facilite l'indemnisation des victimes de dégâts miniers en permettant que l'action en responsabilité soit engagée à l'encontre de la société mère de l'exploitant. Cette procédure vise à empêcher d'éventuelles tentatives de rapatriement de profits dans une structure étrangère laissant exsangue la société française d'exploitation au moment où sa responsabilité est engagée. La proposition de loi crée également une mission de solidarité nationale dénommée « mission d'indemnisation de l'après-mine » et la confie à un fonds.

Si l'équilibre trouvé par le texte est globalement satisfaisant, j'aimerais aujourd'hui, en tant que rapporteure, soumettre à notre commission des amendements permettant, à mon sens, de rendre cette réforme plus juste et plus efficace. Nous débattrons tout à l'heure de chacun d'entre eux mais je veux indiquer ici les principales orientations que j'ai retenues.

Je propose de soumettre à la procédure d'évaluation environnementale l'ensemble des candidats à l'octroi d'un titre, et non pas uniquement le candidat retenu, de manière à en faire un véritable critère de sélection. Il me semble par ailleurs indispensable de préciser que le refus de titre minier n'est pas simplement possible, mais obligatoire, dès lors qu'un doute sérieux sur les conséquences environnementales le justifie, de même que doit être obligatoire la transmission d'un cahier des charges précisant les conditions spécifiques à respecter par le demandeur.

En matière de concertation et de consultation du public, je souhaite que les informations relatives à la procédure de consultation soient indiquées dans un journal local, et non uniquement par voie électronique, de manière à permettre à chacun d'en prendre connaissance. Je souhaite également que les rapports fournis par les experts soient transmis au demandeur du titre. En outre, il me semble nécessaire de préciser que l'avis du groupement est un avis simple et motivé et que l'autorité administrative de l'État compétente pour accorder les titres miniers devra rendre publiques les raisons qui l'ont conduite à en tenir compte ou à s'en écarter.

En matière d'association des élus locaux et des populations, je défendrai un amendement permettant aux personnes publiques d'engager la responsabilité des explorateurs et exploitants ayant méconnu le code minier, lorsque ces faits ont causé un préjudice direct ou indirect au territoire sur lequel elles exercent leurs compétences.

Enfin, en matière d'après-mine, je souhaiterais agir sur le volet de la prévention de deux façons : en étendant la liste des intérêts à protéger lors des travaux d'exploration ou d'exploitation minière et en élargissant le champ des risques résiduels miniers à considérer lors de l'arrêt des travaux, de manière à prévenir les dommages miniers.

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