Intervention de Stéphane Demilly

Réunion du 11 janvier 2017 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Demilly :

C'est doux euphémisme que de dire que la COP13, treizième conférence des parties de la Convention sur la diversité biologique, qui s'est tenue à Cancún, du 4 au 17 décembre, a fait moins de bruit que la COP22 qui s'était déroulée un mois auparavant à Marrakech… Plusieurs médias ont d'ailleurs souligné que cette COP13 se déroulait dans l'indifférence générale. Vous-même, madame la secrétaire d'État, avez beaucoup parlé de l'AFB et assez peu des résultats de Cancún, alors qu'il s'agissait du premier point de notre ordre du jour, ce qui est assez symptomatique.

Les chiffres sont pourtant terribles et les enjeux immenses. La biodiversité est en effet gravement menacée : les espèces terrestres ont ainsi décliné de 38 % et les espèces marines de 36 % depuis 1970. Cette érosion de la nature affecte l'humanité tout entière et bouleverse profondément et durablement tous les équilibres fragiles de la vie sur notre planète.

Il est loin, l'enthousiasme mondial de la conférence de Rio de 1992, qui a vu l'adoption de la Convention sur la diversité biologique, laquelle n'a d'ailleurs pas connu le moindre début de mise en oeuvre concrète. Que dire enfin des vingt objectifs d'Aichi, qui constituent le « Plan stratégique pour la diversité biologique 2011-2020 » et dont seulement 5 % ont été atteints six ans plus tard ?

À ce rythme, il y a peu de chances pour que la perte de biodiversité soit stoppée à l'horizon 2020, comme cela avait été initialement fixé. Alors, si la prise de conscience mondiale sur le climat est bien réelle et si la France a démontré sa volonté par l'adoption du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, force est de constater que le chemin est encore long, très long, pour que le monde s'empare concrètement et sérieusement des enjeux liés à la biodiversité. Madame la secrétaire d'État, vous qui étiez présente à la COP13, comment expliquez-vous ces difficultés et l'absence d'une prise de conscience suffisamment forte pour passer, enfin, des paroles aux actes ?

D'ici à la COP14, qui se tiendra en Égypte en 2018, les États devront rendre un rapport sur les progrès qu'ils ont accomplis. Si l'on ne peut que saluer la démarche, que penser cependant de l'absence de cadre contraignant et quelle valeur accorder à cet exercice d'autoévaluation par les États de leur action ? La COP13 a rappelé que le doublement des financements internationaux dédiés à la protection de la biodiversité aurait dû être atteint en 2015 ; elle a donc de nouveau exhorté les pays à tenir leurs engagements en la matière. Le président de France Nature Environnement, qui faisait partie de la délégation française à Cancún, s'est d'ailleurs, à son retour, déclaré déçu et très pessimiste pour l'avenir.

Je conclurai par un mot sur le secteur agricole, un secteur en pleine crise, très concerné par les questions de biodiversité. La Déclaration de la COP13 insiste ainsi sur le fait que la protection de la diversité ne concerne pas uniquement les ministères de l'environnement, mais l'ensemble des ministères et des secteurs économiques impliqués. Maria Helena Semedo, directrice générale adjointe de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a ainsi déclaré : « Le secteur agricole et celui de la biodiversité ont souvent été considérés comme distincts et parfois même conflictuels, pourtant ils sont inextricablement liés. L'agriculture a, de nature, souvent recours à la biodiversité, mais a également le potentiel de contribuer à la protéger… Maintenant que la communauté internationale a démontré son engagement à connecter les deux, nous pouvons véritablement commencer à bâtir des ponts, à supprimer les murs et à nous attaquer aux défis mondiaux, de manière plus concertée et cohérente. »

Si nos débats sur le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité ont parfois pu être vifs en raison de divergences d'approche, de méthode et de calendrier notamment, chacun a également pu constater à quel point les agriculteurs français étaient conscients des enjeux et avaient à coeur d'agir. Les mots de Maria Helena Semedo me semblent donc très importants, et je forme le voeu, en ce début d'année, que le pragmatisme en la matière puisse l'emporter au profit d'un travail en partenariat.

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