Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, l’ordonnance transformant l’AFPA en établissement public, dont le présent projet de loi prévoit la ratification, constitue à la fois un aboutissement et un point de départ.
Cette ordonnance marque l’aboutissement du processus de refondation de l’AFPA engagé par notre majorité en 2012, lorsque nous avons constaté que l’association était fragilisée dans ses fondements et placée au bord du défaut de paiement. Nous pouvons désormais mesurer le chemin parcouru par l’AFPA en une législature : son redressement est certes lent mais tangible et déterminé.
Cette ordonnance constitue également le point de départ d’une nouvelle AFPA, dénommée depuis le 1er janvier dernier « Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes ». De solides garanties juridiques sont désormais posées pour permettre à l’AFPA de mener à bien simultanément ses missions de service public et ses activités relevant du secteur concurrentiel, alors que les besoins en qualification ne cessent de croître dans notre pays.
Chacun de nous connaît, sur son territoire, le rôle majeur joué par l’AFPA, qui garantit, depuis la Libération, l’accès à la qualification et l’adaptation aux mutations du marché du travail pour les salariés et les demandeurs d’emploi.
L’association a toutefois vu son fonctionnement bouleversé par le nouveau paysage de la formation professionnelle, qui a connu deux évolutions majeures.
D’abord, la décentralisation de la formation professionnelle a conduit l’AFPA à exercer ses missions dans un cadre régionalisé, tout en restant jusqu’à récemment placée sous la tutelle de l’État. Or le modèle économique de l’AFPA n’a pas survécu à la fin du financement direct de l’association par l’État, en 2009 : la réorganisation de la commande publique, désormais confiée aux régions, s’est traduite par des financements plus aléatoires que les recettes antérieures de l’État, lesquelles étaient stables, conséquentes et prévisibles, il faut le reconnaître.
L’ouverture du secteur de la formation professionnelle à la concurrence constitue la deuxième transformation majeure. On peut s’interroger, et ce fut mon cas, sur la lecture extrêmement stricte, voire radicale, de la directive services, alors opérée par le Conseil de la concurrence. Cette interprétation a servi de base au gouvernement de l’époque pour soumettre l’ensemble de la commande publique à la concurrence. Ce nouveau contexte a placé l’AFPA face à de nouvelles exigences entrepreneuriales et concurrentielles, étrangères à son histoire et à son mode de fonctionnement, il faut bien le dire, alors que la directive offrait, de mon point de vue, la possibilité d’exclure de son champ d’application le traitement des publics les plus éloignés de l’emploi.
Faute d’accompagnement suffisant de la part des pouvoirs publics ou d’une vision stratégique claire dans ce nouveau contexte, l’AFPA n’a pas opéré sa reconversion ou ne l’a fait que tardivement et à marche forcée. Il en est résulté un déséquilibre financier chronique, menaçant l’existence même de l’AFPA.
L’improvisation en matière de politique patrimoniale n’a fait qu’aggraver les difficultés. La précédente majorité avait prévu le transfert des biens immobiliers de l’État à l’AFPA à titre gratuit et sans contrepartie particulière, notamment en matière d’exécution de missions de service public. Cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel l’année suivante, laissant la direction de l’AFPA dans la plus profonde incertitude sur les plans immobilier et financier.
Voici donc la situation dans laquelle se trouvait l’AFPA à la fin de la législature précédente : l’association se trouvait au bord du défaut de paiement, sans vision stratégique ni plan de redressement ; on sentait que se préparait une sorte de vente à la découpe, que nous avons dénoncée à l’époque.
Ensuite, à partir de 2012, un choix radicalement différent a été opéré, avec la mise en oeuvre d’un plan de refondation de l’AFPA, présenté le 15 novembre 2012, et le soutien financier du Gouvernement, à hauteur de 200 millions d’euros, sous l’impulsion du Premier ministre d’alors, Jean-Marc Ayrault.
Une nouvelle direction a alors pris les commandes de l’AFPA, sous l’égide d’Yves Barou, s’engageant dans une politique déterminée de réduction des coûts fixes, avec notamment la baisse des effectifs et le report de certaines dépenses. Des efforts importants ont donc été consentis et maintenus jusqu’à aujourd’hui. Je tiens à souligner, à cet égard, le travail accompli par Yves Barou.
Notre majorité a également souhaité clarifier la politique patrimoniale de l’AFPA en prévoyant, dans la loi du 5 mars 2014, la possibilité pour les régions de demander à l’État la cession de ses biens, dans le cadre de projets de site conclus avec l’AFPA. Peu d’entre elles y ont eu recours. La loi du 17 août 2015 a réglé la question en prévoyant le transfert des biens immobiliers de l’État à l’AFPA dans le cadre d’une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance, qui nous rassemble aujourd’hui.
Voilà donc, mes chers collègues, le point de départ de la nouvelle agence qui a vu le jour au début du mois, en lieu et place de l’association bien connue. L’ordonnance du 10 novembre 2016, dont le projet de loi prévoit la ratification, en définit les principales caractéristiques, que je rappellerai ici en quelques mots et qui n’appellent pas de modification de notre part.
Le premier chapitre de l’ordonnance définit, comme vient de le rappeler Mme la secrétaire d’État, les missions et l’organisation de la nouvelle agence. Les missions historiques de l’AFPA sont confortées, avec en premier lieu la formation et la qualification des personnes les plus éloignées de l’emploi, mais aussi la participation à l’élaboration et à l’ingénierie de la politique de certification du ministère du travail.
L’ordonnance définit également d’autres missions de l’AFPA, qui constituent le « complément normal de ses missions de service public », comme l’expertise sur l’émergence des nouveaux métiers et des nouvelles compétences, ou, au plan territorial, sur les nouvelles compétences en lien avec le marché du travail local, ou encore l’appui aux opérateurs du conseil en évolution professionnelle, qui doit se développer pour consolider la mise en place du CPF et du CPA – le compte personnel de formation et le compte personnel d’activité. Je pense aussi, bien évidemment, aux deux nouvelles filiales de l’AFPA, chargées, pour la première, de la formation des demandeurs d’emploi et, pour la seconde, de la formation des salariés et du rapport avec les entreprises.
S’agissant de l’organisation, l’agence sera dirigée par un directeur général nommé après avis du CNEFOP et administrée – il importe d’y insister, comme vous venez de le faire, madame la secrétaire d’État – par un conseil d’administration quadripartite, associant l’État, les régions, les partenaires sociaux et des personnalités qualifiées ; c’est en effet ce quadripartisme qui pilote désormais la formation professionnelle dans notre pays. La nouvelle directrice générale de l’AFPA, nommée au début du mois, a pris ses fonctions et j’ai pu avoir un rapide échange de vues avec elle. J’ajoute qu’a aussi été institué un médiateur national de l’AFPA, qui sera le correspondant du défenseur des droits.
Le second chapitre de l’ordonnance contient les dispositions transitoires, relatives notamment aux transferts des biens immobiliers de l’État et des contrats de travail conclus antérieurement par l’association.
Je souhaite insister particulièrement sur l’enjeu du transfert à l’AFPA, à titre gratuit, de 116 sites immobiliers, s’ajoutant aux deux sites déjà acquis par la région Bourgogne-Franche-Comté. Contrairement au transfert prévu sous la précédente législature, celui-ci prévoit explicitement l’affectation des sites aux missions de service public et, dans ce cadre, leur possible mise à la disposition d’autres organismes de formation.
À ce titre, il conviendrait peut-être, madame la secrétaire d’État, que vous nous confirmiez la possibilité pour les régions de subventionner les centres, par exemple pour la mise aux normes ou la modernisation des plateaux techniques ou des hébergements. Il importe en effet, je pense, de pouvoir renforcer ces plateaux techniques et ainsi la nouvelle politique de mise en commun sur les territoires.
L’ordonnance crée donc les conditions d’un renforcement juridique et organisationnel de l’AFPA, notamment au regard du droit de l’Union européenne. Je tiens ici à saluer l’étroite concertation entre le ministère du travail et la Commission européenne, qui permet de clarifier le statut juridique de l’AFPA et d’éviter l’enclenchement de toute procédure relative à l’existence d’aides d’État – sinon, le transfert de patrimoine aurait pu être interprété ainsi. Je tiens donc à rassurer la représentation nationale à propos de la sécurité juridique du dispositif, qui devrait nous rassembler, sur tous les bancs.
Je constate du reste que l’opposition s’est abstenue lors de l’examen du texte en commission et je veux y voir l’absence de proposition alternative de sa part. J’espère que nous parviendrons tous aujourd’hui à nous rassembler pour cette ratification.
Je ne méconnais cependant pas les difficultés qui attendent la nouvelle agence.
Sur le plan financier, en particulier, la situation de l’AFPA reste extrêmement fragile, avec des besoins de trésorerie qui se maintiennent à un niveau élevé et la nécessité de faire remonter le nombre de stagiaires, malgré l’effet positif, mais encore limité pour l’AFPA, du plan 500 000 formations. Ces inquiétudes m’ont d’ailleurs été confirmées par les syndicats de l’AFPA lors de leur audition, la semaine dernière.
Je ne nie pas non plus le difficile équilibre à trouver entre la mise en oeuvre régionalisée de la formation professionnelle et la nécessité de garantir une couverture cohérente, à l’échelle nationale, des missions de service public.
La seule création d’un nouvel établissement public n’est donc pas, en soi, une garantie suffisante pour assurer l’avenir de l’AFPA. Elle en crée toutefois les conditions nécessaires et offre toutes les souplesses à l’agence pour reconquérir les parts de marché perdues. Elle lui permet notamment de bénéficier de droits spéciaux octroyés par les régions qui le souhaiteraient, dans le cadre d’un SIEG – service d’intérêt économique général – pour la formation ou l’insertion des publics les plus éloignés de l’emploi.
Ainsi, les fondements du redressement de l’AFPA et de son adaptation au nouveau contexte économique sont désormais posés. Nous devrons observer attentivement les premiers pas de la nouvelle agence mais nous pouvons d’ores et déjà, chers collègues, lui renouveler toute notre confiance en procédant à la ratification de cette ordonnance.
Le 02/02/2017 à 18:45, Bérénice Bon Mas a dit :
Monsieur, si vous souhaitez que votre "chantier" AFPA réussisse il est fondamentale que l'AFPA propose pour tous des formations diplômantes et de qualité. C'était le point d'achoppement qui ne leur a pas permis d'être concurrentiel. Aujourd'hui le moindre recrutement se fait sur la base de diplômes. L'AFPA pourrait être l'interlocuteur privilégié en matière de formation pour pôle emploi si cette dernière était en capacité de former de façon qualitative et diplomante les chômeurs, par ce biais vous pourriez faire de sérieuses économies et vous permettriez au chômeurs de réellement trouver un emploi.
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