Depuis, la structure souffre : elle a perdu près de 22 % de parts de marché entre 2009 et 2014, près d’un tiers de ses stagiaires entre 2007 et 2012, et connu un quasi-dépôt de bilan en 2012, avant d’être sauvée in extremis par une injection de près de 200 millions d’euros de fonds publics, dans le cadre d’un plan de redressement pluriannuel.
Mais, malgré ses efforts, ceux de l’État et l’apport des banques, l’AFPA peine à se sortir de cette situation. Elle souffre d’un double hiatus : hiatus entre sa qualité d’opérateur de l’État et ses missions à l’échelle régionale ; hiatus entre la nécessité de réduire ses effectifs et ses financements tout en assurant un spectre de missions très large, alliant, je le répète, activités de service public et activités concurrentielles. Le résultat, nous le connaissons : cette structure n’est toujours pas à l’équilibre, en dépit de son plan de sauvetage, et perd du terrain face aux autres organismes de formation professionnelle.
Alors, faut-il transformer l’AFPA en établissement public à caractère industriel et commercial ? La réponse est certainement oui. Il n’y a pas lieu de s’opposer à ce changement de statut juridique car le statut d’association a très clairement montré ses limites face à l’évolution du marché de la formation professionnelle.
Avant tout, ce changement de statut apporte une réponse au problème du patrimoine immobilier de l’AFPA en prévoyant un transfert au nouvel EPIC, en pleine propriété, des biens immobiliers et mobiliers qui appartenaient jusqu’à présent à l’État. Cela règle définitivement le problème de la suspicion née de la mise à disposition à titre gracieux de ce patrimoine conséquent, qui pouvait passer pour une aide d’État déguisée dans un univers concurrentiel. En ce sens, l’ordonnance apporte une sécurité juridique à la nouvelle agence, nous sommes d’accord.
Ensuite, ce changement de statut donne lieu à une forme de restructuration en fonction des activités : l’EPIC sera avant tout chargé de la mise en oeuvre des missions de service public nouvellement inscrites dans la loi, tandis que les activités concurrentielles seront déléguées aux filiales.
Toutefois, ce changement de statut présente quelques zones d’ombre.
Tout d’abord, pour en rester au sujet des filiales, l’ordonnance soulève une question en matière de gouvernance. Si la création des filiales censées prendre en charge l’activité concurrentielle de l’État permet de clarifier les activités de l’AFPA entre missions de service public et missions de formation, elle n’est pas sans soulever de nouvelles interrogations. En effet, les régions seront acheteuses de formations tout en siégeant au sein du conseil d’administration d’un EPIC qui détient des filiales intervenant dans le champ concurrentiel. Cette question se pose en particulier pour la filiale chargée de la formation des demandeurs d’emploi. Le fait que les régions soient juges et parties fait peser un risque juridique sur cette ordonnance. Nous avions exprimé cette interrogation par la voix de notre collègue Gérard Cherpion, et le rapporteur l’avait jugée légitime. Nous souhaitons donc des précisions sur ce sujet.
Par ailleurs, sur la question du patrimoine, la sécurisation juridique des biens est une avancée mais ne règle pas le problème financier d’entretien du foncier et des bâtiments. Tout reste à faire sur les conditions de réaménagement du patrimoine transféré, parfois en état d’insalubrité. L’AFPA se trouve donc face à un défi logistique et financier. Concernant les sites non transférés, il existe également des inquiétudes. Monsieur le rapporteur, vous nous avez assuré que l’AFPA pourrait continuer à les utiliser. Mais à quel prix ? La question reste posée.
Enfin, la question de la situation financière de l’AFPA n’est toujours pas réglée. Suivant le plan de redressement, la structure aurait dû être à l’équilibre dès 2014 ; dans les faits, elle espère l’être d’ici un ou deux ans, selon son président, Yves Barou. Or le plan 500 000 formations arrivera prochainement à échéance, ce qui entraînera nécessairement des répercussions sur la trésorerie de l’AFPA.
La transition vers l’équilibre s’annonce donc délicate, alors que le contexte social de la structure reste tendu. Le plan de réduction des effectifs est supposé se poursuivre en 2017 et 2018, à raison de 300 départs par an. Ce plan de départ s’ajoute aux incertitudes des personnels, dans un contexte de réorganisation totale, du fait de la création des nouvelles filiales.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, les députés du groupe Les Républicains ne sont pas opposés à la transformation de l’AFPA en EPIC mais s’inquiètent des modalités de cette opération et de l’avenir de l’agence. En outre, je considère personnellement que c’est un rendez-vous raté car vous réglez dans l’urgence un problème juridique qui traîne depuis longtemps sans ouvrir, ce qui serait plus important, un véritable débat de fond sur la formation professionnelle des adultes elle-même et surtout sur la façon de la rendre plus efficiente.
Dans ce domaine comme dans de nombreux autres, nous croyons particulièrement à la décentralisation. La formation professionnelle des adultes doit être calée au plus près des besoins des entreprises et des territoires. Vous auriez dû être plus audacieux et faire davantage confiance, plus encore que par le passé, aux échelons local et régional.