Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, voilà un projet de loi composé d’un article unique qui vise à ratifier une ordonnance afin de créer un établissement public pour la formation professionnelle des adultes, en remplacement de l’AFPA. Nous sommes dans une procédure accélérée : il était temps, les jours étaient comptés, puisque nous avons atteint la limite pour pouvoir ratifier.
Mes chers collègues, dans une carrière politique et de service public déjà longue – même si elle n’est pas encore tout à fait terminée –, il y a plusieurs choses que je ne suis jamais parvenu à comprendre.
D’abord, certaines institutions publiques sont étranges. Comment est-il possible qu’une association gère l’AFPA ? C’est une absurdité, qui ne s’explique que par l’histoire : une association financée et contrôlée par l’État, cela n’a évidemment aucun sens. Des dispositifs compliqués existent aussi dans le monde privé – comme les sociétés en commandite ou les sociétés en participation – mais ils ont toujours une logique. En revanche, une association associant l’État avec l’État pour gérer un service public, cela n’a pas de sens. C’est donc une excellente chose que le projet de loi y apporte une issue salvatrice.
La deuxième chose que je n’ai jamais comprise – je ne vous dirai pas tout ce que je n’ai pas compris dans la vie publique car ce serait trop long –, c’est l’incroyable complexité de la formation professionnelle en France. Du reste, l’histoire de l’AFPA en témoigne. Créée dans une période de plein-emploi pour pallier les évolutions des métiers par la formation, elle s’est ensuite, par la force des choses, repositionnée massivement sur la formation des demandeurs d’emploi. Accessoirement, il est parfois arrivé qu’on se serve de la mise en formation pour alléger la statistique du chômage – ce n’est naturellement pas le cas aujourd’hui. Elle en revient maintenant à sa vocation fondamentale : la qualification des employés en prenant en compte les transformations. Entre-temps, elle a dû faire face à deux défis : la décentralisation de la formation professionnelle et l’irruption massive de la concurrence dans ce domaine.
Enfin, le troisième point que je ne comprends pas – et je m’arrêterai là – est la faible importance accordée en France, au fond, à la formation. Les faits sont parfois assez surprenants : un certain rejet de l’apprentissage – même si ce dernier a progressé, notamment sous le gouvernement actuel – ; des formations initiales oscillant entre généralités non-professionnelles et spécialisations absurdement outrées n’ayant aucun sens ; un oubli profond de ce qu’était la notion d’éducation permanente, alors que c’est elle qui nous permet d’exister intellectuellement, voire d’exister tout court.
Je suis toujours frappé de constater, surtout à l’étranger, combien la formation peut presque être la raison d’être d’une entreprise. De grandes entreprises informatiques, notamment en Inde, pays que je connais bien, donnent à leur siège l’appellation de « campus ». Ce ne sont ni des universités ni des lieux voués à la formation, mais une grande partie de leur activité consiste à former en permanence des employés pourtant déjà incroyablement qualifiés et très compétents.
J’en reviens au sujet : notre AFPA. L’association nationale, qui n’avait aucun sens, est donc remplacée par un établissement public industriel et commercial, structure parfaitement adaptée puisqu’il s’agit d’intégrer dans le service public de l’emploi cette activité très importante qu’est la formation des personnes privées d’emploi – mais également des salariés – et de pouvoir, en particulier, encaisser des recettes en fonction des prestations rendues.
Le conseil d’administration comprendra des représentants de l’État, des régions, des organisations syndicales de salariés, des organisations professionnelles, enfin, de tout ce qui fait que les conseils d’administration de France et de Navarre se ressemblent… Peut-être regrettera-t-on un peu le pouvoir discrétionnaire de nomination par arrêté des ministres de tutelle mais, très honnêtement, je pense que cela se passera plutôt bien en pratique : le choix de personnes représentatives se fait généralement de façon consensuelle.
Quelques problèmes demeurent peut-être mais plusieurs questions fondamentales sont réglées, dont la dévolution du patrimoine immobilier de l’État, lequel pourra être mis à disposition de cet établissement public de l’État, ce qui est assez logique.
Tout a été dit à propos de l’activité de l’AFPA à proprement parler, de ses difficultés financières, du soutien du gouvernement actuel afin d’assurer sa survie – sans les actions qui ont été menées, plus aucune question ne se poserait puisqu’il y aurait défaut, faillite ou extrêmes difficultés.
Je connais bien l’exemple corse : les centres de formation de l’AFPA, bien répartis géographiquement sur l’île, ont accompagné, en 2015, 2 500 actifs – plus de 1 000 salariés et 1 400 ou 1 500 demandeurs d’emploi –, dans des domaines professionnels très variés, à savoir le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, les services à la personne, le bâtiment, la gestion ou l’administration des entreprises. Pendant plusieurs années, au Salon de l’agriculture de Paris, le restaurant du beau stand de la Corse était d’ailleurs tenu par des stagiaires de l’AFPA, dans des conditions pourtant difficiles – il n’est jamais aisé de cuisiner dans un espace extraordinairement réduit et de faire face à la presse, à la foule d’un grand salon – ; c’était une gageure pour la direction de l’AFPA et ses stagiaires mais cela marchait extrêmement bien. En 2016, avec 8 000 personnes, cet établissement répond vraiment à la mission qui est la sienne, en Corse comme dans les autres régions.
Le Gouvernement a donc conduit un plan de sauvetage de l’AFPA – appelons les choses par leur nom ! – et il faut maintenant revenir à l’équilibre en constituant des produits suffisants pour faire fonctionner la machine de la formation professionnelle, grâce aux redevances de services rendus, c’est-à-dire aux ressources tirées de la clientèle. Cela s’accompagne évidemment d’un certain nombre de difficultés et de restructurations, comme on dit – c’est-à-dire de réductions d’emplois – mais je pense que cela se passera convenablement.
Mes chers collègues, madame la secrétaire d’État, je n’ai pas besoin de le dire : le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste – même si je suis le seul présent, ce qui est déjà beaucoup – votera évidemment, sans la moindre hésitation, cet excellent projet de loi, qui vient à point nommé et même, si j’ose dire, sur le fil du rasoir.