Intervention de Jean-François Mary

Réunion du 18 janvier 2017 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-François Mary, conseiller d'état :

Je commencerai par trois remarques liminaires.

Je suis comme vous frappé par le fait que le législateur a beaucoup élargi, dans la période récente, les compétences du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Pour ma part, je ne suis pas hostile – c'est un réflexe personnel, intellectuel – à l'idée d'une évolution des compétences de cette institution, dans un sens comme dans l'autre d'ailleurs, à condition, cela va sans dire, d'éviter les à-coups.

Je souligne aussi que le législateur, comme le pouvoir réglementaire, peuvent intervenir, notamment pour ce dernier, par le biais des cahiers des charges. Ceux-ci sont des textes fondamentaux, mais je ne pense pas que les textes réglementaires doivent être trop précis, trop développés, trop abondants.

Quant au CSA, l'augmentation du nombre des plaintes qui lui sont adressées a été soulignée : il est sain à mon sens qu'un nombre croissant de téléspectateurs veillent à la qualité des programmes et réagissent s'ils le jugent opportun. Les Français ne sont pas passifs devant leur télévision, et c'est plutôt réconfortant ! Mais le CSA doit s'adapter et porter une grande attention à la façon dont il peut corriger les excès les plus critiquables – je ne reviens pas sur les exemples qui ont été donnés, car mon rôle n'est pas de condamner tel ou tel programme – sans porter atteinte à la liberté d'organisation et de programmation des chaînes elles-mêmes. Placer judicieusement ce curseur doit être à mon sens une préoccupation permanente du CSA, mais ce n'est certainement pas facile.

Enfin, la question de l'indépendance est revenue plusieurs fois. Le CSA nomme les présidents des sociétés de l'audiovisuel public, et il doit aussi contrôler leur action ; il a réussi jusqu'à présent, je crois, à tenir les deux bouts de la chaîne, et le contrôle n'a pas été négligé. Je n'ai pas d'idée toute faite sur ces questions. Ce qui est essentiel, c'est de garantir l'indépendance de l'audiovisuel public, donc de ses dirigeants. Il existe en Grande-Bretagne ou en Allemagne d'autres manières d'assurer cette indépendance : ainsi, outre-Rhin, c'est un Haut Conseil pluraliste qui détient cette mission, et l'on ne peut pas dire que l'audiovisuel public allemand ne soit pas indépendant. Il y a plusieurs façons de garantir l'indépendance.

Monsieur Françaix, vous évoquez l'équilibre entre chaînes publiques et privées. J'y suis comme vous très attaché. S'agissant de l'équilibre entre chaînes payantes et chaînes gratuites, la télévision numérique terrestre (TNT) a permis, vous le savez, de proposer un nombre croissant de chaînes gratuites. Parmi celles qui ont été autorisées en 2012, certaines ont un niveau d'audience correct. Il est donc possible d'atteindre des équilibres satisfaisants.

Quant à la presse écrite, sa situation n'est pas symétrique de celle de l'audiovisuel : elle n'appartient pas au domaine public – ce qui est très positif à mon sens – et la réglementation n'est dès lors pas la même. Je ne pense pas qu'il faille préconiser un changement de ces principes fondamentaux.

Il est essentiel d'assurer la circulation des oeuvres : cela passe par le soutien à la création, mais aussi par la chronologie des médias – question qui ne relève pas du CSA.

Le rôle du CSA – cela a été dit plusieurs fois – est d'articuler la régulation économique et la régulation juridique. Quant à l'évolution du cadre réglementaire, c'est au législateur que cette mission revient.

Monsieur Kert, il me semble qu'il est encore difficile de commenter la situation de la nouvelle chaîne publique d'information Franceinfo, surtout dans un contexte où certaines chaînes privées d'information évoluent d'une façon que je qualifierai de contrastée. On ne peut qu'envisager avec sympathie ce projet qui vise à créer des synergies entre différentes sociétés de l'audiovisuel public, télévision et radio. Je prends donc note de vos remarques, tout en restant, vous l'entendez, très prudent. L'information est l'une des vocations principales du service public : il n'est pas illogique que celui-ci dispose d'une chaîne qui y soit entièrement consacrée. Nous devrons néanmoins nous montrer attentifs.

S'agissant de la production cinématographique, j'appartiens à une génération ancienne qui préfère les films aux séries télévisées – même si j'entends dire de toutes parts que les séries permettent une véritable création audiovisuelle, et que je me réjouis de l'éveil de la fiction télévisée française. Je n'aborderai pas ici le financement du cinéma, qui relève du CNC. Mais je note qu'il y a eu en 2016 213 millions d'entrées dans les salles de cinéma, ce qui constitue la deuxième meilleure année depuis cinquante ans ; même si neuf films américains figurent parmi les dix premiers, la part de marché des films français est d'environ un tiers, ce qu'il faut saluer. Cinéma et séries constituent deux démarches différentes, qui se portent plutôt bien en ce moment, même si la vigilance reste de mise. Mais nous sortons ici quelque peu des compétences du CSA.

Vous proposez enfin du CSA une vision tout à fait nouvelle, tout à fait intéressante, avec de nouvelles missions notamment économiques. Ces débats reviendront certainement devant vous. N'oublions pas non plus tout ce que peut faire le Gouvernement.

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