Intervention de Alain Bocquet

Réunion du 17 janvier 2017 à 17h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Bocquet, rapporteur :

Je comprends tout à fait l'interrogation qui est la vôtre et il est vrai qu'en matière de lutte contre l'évitement fiscal, il s'est fait plein de choses ces dernières années. Mais, ce que nous avons constaté, avec mon frère, le sénateur Éric Bocquet, dans l'expérience d'écriture du livre que nous avons écrit ou dans celle des travaux parlementaires que nous avons consacrés à cette thématique, c'est qu'il y a un certain décalage entre les avancées réalisées et la réalité concrète parfois. Les États-Unis, par exemple, pourfendent l'évasion fiscale en Suisse, mais certains de leurs territoires, comme l'état du Delaware, sont des paradis fiscaux.

Pour résumer, la question que nous nous sommes posée et qu'il faut, je crois, se poser est celle des solutions. Il existe, évidemment, des solutions nationales, mais cela ne suffit pas à répondre à l'enjeu planétaire que constitue l'évasion fiscale. Le G20 est actif dans ces domaines, certes, mais il regroupe les pays les plus cossus et si l'enceinte de l'OCDE est plus large, les pays en développement ne sont pas associés. Les ONG ont joué un rôle d'alerte important sur ce point.

En réfléchissant à ces questions, il m'est apparu que ce qui s'est passé, s'agissant du climat, était intéressant. Cela a mis des années et des années, le sujet est progressivement monté en puissance et est devenu stratégique en mettant autour de la table de nombreux acteurs : pas seulement les États, également les représentations parlementaires, les ONG, les experts. Après, il faut poursuivre les efforts pour les réalisations concrètes. Je le sais, ce combat est un combat long, qui mobilisera sans doute plusieurs générations et c'est, avant tout, une question de rapports de force mondiaux. Et cela est d'autant plus important que ces phénomènes vont sans doute s'aggraver, comme en témoignent les orientations annoncées par la Grande-Bretagne et les États-Unis : c'est un club de milliardaires qui a pris le pouvoir et qui risque de faire de ces deux pays des paradis fiscaux.

Je rêve que la France soit à la tête de ce combat mondial contre l'évitement fiscal, que notre pays soit moteur et que d'autres États s'associent à lui pour que nous puissions maîtriser la finance. Il s'agit là d'enjeux démocratiques et je rêve que l'on cesse de dire que l'argent est le nerf de la guerre mais qu'on dise qu'il est le nerf de la paix.

Voilà quel est l'esprit de notre résolution. C'est une idée, qui mérite, à mon sens d'être portée et qui n'est, bien évidemment, pas contradictoire avec les travaux de l'OCDE et du G20. Si l'Assemblée adoptait cette résolution et qu'un futur Président de la République, quel qu'il soit, portait cette idée, je pense que notre pays s'illustrerait et cela correspond par ailleurs à nos valeurs et à notre histoire.

Il faudrait davantage démocratiser la finance pour permettre plus facilement aux populations de s'y intéresser et de s'emparer de ces questions qui sont complexes et souvent peu accessibles. Je tire d'ailleurs mon chapeau aux ONG qui mènent ce combat ainsi qu'aux lanceurs d'alerte qui nous informent sur ces pratiques.

C'est ce combat que nous souhaitons mener, c'est un combat transversal : jusqu'à présent, les rapports ont été votés, à l'Assemblée comme au Sénat, à l'unanimité. Nous pouvons ensuite discuter des modalités techniques mais il y a quelques enjeux sur lesquels nous pouvons tous nous retrouver, comme cette idée de créer un COP de la finance et de la fiscalité mondiales.

Je terminerai par cette citation d'Albert Camus : « il n'y a ni justice ni liberté possibles lorsque l'argent est toujours roi ».

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