Intervention de Louis Schweitzer

Réunion du 18 janvier 2017 à 9h30
Commission des affaires économiques

Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement :

Mesdames les présidentes, Mesdames, Messieurs les députés, je commencerai par un exposé introductif consacré au PIA 3, puis je répondrai à toutes les questions que vous voudrez bien me poser.

Le PIA 3 s'inscrivant pour l'essentiel dans la continuité des PIA 1 et 2, je m'attacherai tout d'abord à rappeler les principes et méthodes sur lesquels ils reposent. Rappelons que ceux-ci ont été posés par une commission présidée par Alain Juppé et Michel Rocard, qui ont par la suite présidé notre comité de surveillance jusqu'en 2016. Et je voudrais ici rendre hommage à leur travail, exemple remarquable d'action qui a su traverser les alternances et se placer au-dessus du débat politicien.

Le PIA a pour objectif d'investir dans l'avenir, investir au sens large : l'investissement ne s'entend pas au sens comptable du terme puisque nous investissons également dans l'enseignement et la recherche en finançant des dépenses qui sont, budgétairement, des dépenses de fonctionnement. Précisons qu'il ne s'agit d'investir que dans le secteur civil : nous n'investissons pas dans ce qui est spécifiquement militaire.

Deuxième principe : nos investissements ne doivent pas s'ajouter aux investissements traditionnels du budget. La Cour des comptes a noté que certains de nos investissements se substituaient aux investissements budgétaires – cela a été le cas, par exemple, pour des avances remboursables au profit d'Airbus et de certains fabricants d'hélicoptères.

Troisième principe : nos investissements ne sont pas soumis à la régulation budgétaire et à certaines règles budgétaires traditionnelles, ce qui chagrine la Cour des comptes. Pour notre part, nous nous réjouissons de l'existence de ces mécanismes spécifiques. En revanche, nous partageons la critique de cette juridiction sur le fait que si les investissements relevant du budget de l'État sont financés par le PIA, cela revient à ne consentir aucun effort supplémentaire pour les investissements d'avenir.

Ces investissements sont gérés par la très petite équipe du Commissariat général à l'investissement, composée d'environ trente-cinq personnes. Précisons qu'elle ne s'occupe pas seulement du programme d'investissements d'avenir mais qu'elle coordonne la mise en oeuvre au niveau national du plan Juncker, avec un bon succès puisque notre pays est l'un des trois premiers bénéficiaires du plan d'investissement européen aux côtés de l'Italie et du Royaume-Uni – et je tends à penser que la Grande-Bretagne en bénéficiera moins dans les temps à venir que par le passé.

Notre équipe travaille en étroite relation avec les opérateurs qui s'occupent de toutes les opérations de gestion matérielle : une douzaine pour les PIA 1 et 2, quatre seulement pour le PIA 3 – la Caisse des dépôts, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), l'Agence nationale de la recherche (ANR) pour l'université et la recherche et Bpifrance pour les interventions auprès des entreprises.

Nos principes tiennent en trois mots : innovation, excellence et coopération.

Innovation car nous n'investissons que dans l'innovation, qu'elle soit technologique ou qu'elle repose sur un concept – autrement dit, nous considérons qu'une nouvelle approche d'un problème constitue une innovation.

Excellence car notre méthode de choix est fondée sur des jurys ou sur l'avis d'experts. Nous procédons à une évaluation a posteriori pour vérifier que les objectifs ont été atteints. Et sur ce point, il me semble que nous sommes plus fidèles à l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) que certaines autres instances.

Coopération car nous privilégions les actions qui font travailler ensemble plusieurs acteurs : les universités et les grandes écoles ; la recherche publique et la recherche privée ; les grandes et les petites entreprises. Notre conviction, qui était celle d'Alain Juppé et de Michel Rocard, est que la France compte beaucoup de domaines d'excellence mais que la coopération entre acteurs y est moins forte que dans d'autres domaines. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour renforcer ces liens.

J'évoquerai enfin une autre mission du Commissariat général à l'investissement dont on ne parle peut-être pas assez : le recensement et la contre-expertise des grands projets d'investissement public. Tous les projets d'investissement public de plus de 20 millions d'euros doivent être recensés dans un document que nous transmettons au Parlement et faire l'objet d'une évaluation socio-économique. Tous les projets d'investissement supérieurs à 100 millions d'euros doivent faire l'objet d'une contre-expertise, qu'il nous revient d'effectuer et de rendre publique.

Cette activité vient de faire l'objet d'un rapport de l'inspection générale des finances, qui salue la pertinence de la méthode, son efficacité globale, tout en formulant certaines recommandations. Il sera transmis dans les jours qui viennent au Parlement.

Venons-en au PIA 3. Si nous lançons un troisième volet, c'est qu'à la mi-2017, pour l'essentiel, le PIA 1 et le PIA 2 seront totalement engagés, soit juridiquement, soit de fait – j'appelle engagements de fait des sommes qui sont réservées pour des programmes mais qui n'ont pas encore été juridiquement engagées. Je souligne au passage que l'un de nos efforts principaux a été d'accélérer et de simplifier le processus d'engagement des crédits. Il ne s'agit pas de renoncer à l'exigence, mais de faire en sorte que nos partenaires n'aient pas des centaines de pages à remplir et que les personnes chargées des dossiers ne se sentent pas obligées de les soumettre à trois instructions successives. Entre le moment où le porteur d'un projet dépose son dossier et le moment où il est informé de la décision d'affectation des crédits, il se passe moins de trois mois en moyenne.

Il nous a paru que ce qui avait justifié le PIA 1 et le PIA 2 était toujours d'actualité. Non seulement l'économie est de plus en plus une économie de la connaissance, qui implique un investissement sur le long terme, mais la rigueur budgétaire n'a pas achevé ses effets.

Pour préparer ce PIA 3, auquel nous réfléchissons depuis plus de deux ans, nous avons soumis le Commissariat général à l'investissement et le PIA à une évaluation menée par un comité d'experts externes constitué par France Stratégie et présidé par Philippe Maystadt, ancien vice-Premier ministre belge et ancien président de la Banque européenne d'investissement. Ce comité a validé l'approche d'ensemble et a formulé des propositions que nous avons bien sûr mises en oeuvre dans le PIA 3. Nous avons aussi procédé à de nombreuses consultations. Le projet de PIA 3 a été ensuite soumis au Parlement et voté dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2017.

Ce PIA 3 se situe, pour l'essentiel, dans la continuité des PIA 1 et PIA 2, mais comporte certaines différences sur lesquelles je vais revenir.

Doté de 10 milliards d'euros, il met fortement l'accent comme les deux PIA précédents sur l'enseignement, la recherche et la valorisation de la recherche, lesquels représentent 5,9 milliards, 4,1 milliards étant consacrés aux entreprises.

La répartition des crédits par nature est la suivante : 4 milliards de subventions et d'avances remboursables ; 2 milliards de dotations décennales qui, comme leur nom l'indique, sont des subventions versées sur dix ans ayant pour objet de financer des actions au long cours d'enseignement et de recherche ; 4 milliards de fonds propres.

Il y a souvent des malentendus sur les fonds propres. On dit souvent que les crédits du PIA n'entreraient pas dans le calcul du déficit budgétaire au titre de la comptabilité nationale ; en réalité, seuls les fonds propres – autrement dit 4 milliards – n'y sont pas intégrés. Et ce n'est pas parce qu'ils sont alloués dans le cadre du PIA, mais tout simplement parce que, au regard du célèbre critère des 3 %, un investissement fait par l'État, dès lors qu'il est considéré comme un « investissement avisé », autrement dit d'une rentabilité comparable avec ce qu'exigerait un investisseur privé, et réalisé aux côtés d'investisseurs privés, n'entre pas dans le calcul du déficit de 3 %.

Le PIA 3 ne comprend pas de crédits pour la couverture de l'intégralité du territoire en réseaux de très haut débit (THD), mais le CGI pilote la poursuite de ce plan, qui doit s'achever en 2022 et qui est financé à partir d'autres crédits budgétaires. Le rythme de développement ne fléchit pas, on observe même plutôt une tendance à l'accélération.

Une enveloppe de 500 millions d'euros est prévue pour les investissements co-décidés avec les régions : 250 millions de subventions et d'avances remboursables ; 250 millions de fonds propres. Il s'agit d'un changement significatif par rapport au PIA 1 qui ne comportait aucun crédit régionalisé et par rapport au PIA 2 qui n'en comportait que 50 millions. Cette multiplication par dix tient compte, très naturellement, du nouveau rôle des régions.

Pour l'enseignement supérieur et la recherche, l'enveloppe s'élève à 2,9 milliards d'euros ; pour la valorisation de la recherche, à 3 milliards ; pour les entreprises à 4,1 milliards. Point important à souligner, il n'y a pas de répartition par ministère et par secteur : l'aéronautique, l'industrie spatiale ni aucun autre secteur particulier n'ont droit à une enveloppe réservée. Les financements sont attribués en fonction de la qualité des projets, de leur caractère porteur d'avenir. C'est à ce titre que le PIA 3 soutiendra des projets relevant du domaine aéronautique et spatial, comme de tous les secteurs innovants.

Nous avons deux priorités transversales. La première est le numérique : presque tout fait intervenir, à des degrés divers, le numérique, dont on voit bien qu'il modèle notre avenir. La seconde est le développement durable, auquel 60 % des crédits du PIA 3 contribueront directement ou indirectement. Certains crédits iront à des actions ayant pour objectif principal le développement durable. Leur montant exact n'a pas été fixé : il sera de l'ordre de 1,5 milliard d'euros. D'autres actions seront soumises à ce que l'on appelle une « éco-conditionnalité » : les porteurs de projet devront préciser explicitement en quoi leur action contribue au développement durable, de façon mesurable.

Enfin, nous financerons des actions indirectes. Il est clair que toute modernisation industrielle de bon sens se traduit par un effort de réduction des dépenses d'énergie et des consommations de matières premières, par une efficacité accrue dans l'utilisation des ressources naturelles et un développement de l'économie circulaire.

Nous avons toutefois indiqué que nous souhaitions renforcer les actions du PIA dans trois domaines d'avenir, où la France a des atouts : les industries agricoles et agroalimentaires, le tourisme, les industries de sécurité, qui restent, hélas ! un domaine de progrès technologique continu – c'est l'éternelle lutte du gendarme et du voleur –, et dans lequel notre pays est remarquablement bien placé.

Voilà pour le cadre général du PIA 3. Je vous donnerai maintenant quelques éléments sur sa mise en oeuvre en 2017.

Les crédits pour 2017, comme vous le savez, ne comprennent pas de crédits de paiement. Dans le cadre de la loi de finances initiale, le Parlement a voté 10 milliards d'autorisations d'engagement ; il est prévu que les crédits de paiement seront budgétés sur cinq ans, par tranche de 2 milliards, de 2018 à 2022. Il faut savoir que la consommation des crédits de paiement est relativement lente : nous aurons engagé 47 milliards d'euros de dépenses à la mi-2017, mais nous aurons décaissé moins de 20 milliards d'euros. Les actions au long cours donnant lieu à des décaissements progressifs, il s'ensuit un décalage naturel entre le rythme d'engagement des dépenses et celui des paiements.

En 2017, nous n'allons donc pas procéder à des paiements au titre du PIA 3 mais nous engagerons des actions au long cours afin d'éviter toute rupture avec l'exécution des PIA 1 et 2. J'ai indiqué que le délai normal entre le dépôt d'un projet et le premier versement était de trois mois. Toutefois, certains projets appellent une procédure plus longue : c'était le cas, par exemple, des initiatives d'excellence (IDEX) soutenues par les universités. La procédure s'étale sur une année : la préparation des dossiers réclame un temps assez long et la sélection par un jury se déroule en deux tours. Ainsi c'est seulement en février de cette année que l'action du PIA 2 pour les IDEX donnera lieu à une décision de principe.

Ces actions seront orientées majoritairement vers l'enseignement et la recherche.

Nous lancerons plusieurs actions au premier trimestre de cette année.

Pour l'enseignement universitaire, il s'agira d'une action en faveur de la constitution d'écoles universitaires de recherche et d'une autre en faveur des nouveaux cursus à l'université. Cette dernière action a pour but de favoriser la réussite du premier cycle d'un public hétérogène d'étudiants en encourageant des innovations pédagogiques car nous voyons bien qu'un enseignement identique pour les étudiants, sans appui, conduit à un taux d'échec anormalement élevé. Nous souhaitons également, dans la continuité des PIA 1 et 2, développer le numérique dans les enseignements universitaires, qui nous paraît offrir des possibilités d'amélioration pédagogique et renforcer l'efficacité des formations.

Pour la recherche, deux actions sont prévues : l'une sera centrée sur des thèmes choisis avec les organismes de recherche et les universitaires, l'autre sur les équipes remarquables, ce qui correspond à une demande forte des chercheurs qui appellent à des soutiens privilégiant la qualité des équipes et non la définition a priori de thèmes de recherche. Cela nous permettra de faire davantage pour les sciences humaines et sciences sociales que nous ne l'avons fait jusqu'à présent.

Toujours durant ce premier trimestre, nous mettrons en place un appel à projets pour la constitution de trois nouveaux instituts hospitalo-universitaires, à la suite des six instituts déjà créés dans le cadre du PIA 1. Associant recherche publique, hôpitaux et entreprises, ils constituent une remarquable réussite, mais il est clair que nous ne couvrons pas tous les secteurs où la France est au meilleur niveau mondial.

Nous allons également lancer un appel, non à projets, mais à manifestation d'intérêt pour ce que nous appelons les territoires d'innovation et de grandes ambitions. L'idée est de concentrer sur un territoire, qu'il soit urbain, rural, de petites villes ou de grandes villes, un ensemble d'actions d'innovation qui ait non seulement un effet positif en matière de développement durable, mais aussi un effet mesurable et réel en termes de qualité de vie pour les habitants de ces territoires. Ces expériences se limiteront probablement au départ à une douzaine de territoires, mais elles ne sauraient rester au stade d'objets non reproductibles ; elles doivent pouvoir être largement diffusées.

Pour finir, j'évoquerai l'appel à projets pour les opérations régionalisées. Nous disposons d'une enveloppe de 250 millions d'euros de subventions et d'avances remboursables et de 250 millions de fonds propres. La priorité sera donnée aux avances remboursables. Dans la ligne du PIA 2, les crédits seront répartis entre les régions qui devront apporter des crédits d'un montant égal. Un système de codécision entre le président du conseil régional et le préfet permettra de décider, au niveau local, de l'emploi de ces crédits qui devra se faire, bien évidemment, conformément à l'esprit du PIA. À ce stade, nous envisageons trois domaines d'intervention : les entreprises innovantes, le renforcement des filières industrielles, les actions de formation professionnelle – c'est une des priorités du pays.

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