Intervention de Louis Schweitzer

Réunion du 18 janvier 2017 à 9h30
Commission des affaires économiques

Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement :

Monsieur Fasquelle, vous m'avez d'abord interrogé sur les territoires d'innovation. Sachez que nous allons procéder en deux étapes : la première sera un appel à manifestation d'intérêt – hors de tout projet construit – destiné à voir où sont les gisements. La seconde étape verra l'appel à projets proprement dit. En aucun cas, il n'est question d'exclure les territoires ruraux, qui constituent pour nous un domaine prioritaire. Mais il faut avoir conscience qu'avec douze projets au niveau national, il n'y aura pas un projet par région. Ce sera sélectif. L'idée est que cela soit extensible…

Vous avez évoqué le secteur du tourisme. Il ne s'agit pas de construire des hôtels, des installations, des équipements – nos crédits n'y suffiraient pas. Il s'agit d'introduire de l'innovation, dans le numérique, par exemple dans la recherche de nouveaux clients, dans l'offre de services aux touristes, ou en évitant que des entreprises étrangères ne perçoivent 20 % des recettes de tous les hôtels français. Telle est notre orientation.

Sur la part qui revient au dialogue dans le cadre de la préparation du PIA 3, nous avons bien sûr discuté individuellement avec un certain nombre de régions, et avec Régions de France qui les représente collectivement. C'est sur la base de ces discussions que nous avons défini les secteurs dont j'ai parlé tout à l'heure, et réparti les crédits ; cette répartition devrait être rendue publique dans les semaines qui viennent.

Concernant l'enseignement supérieur, vous savez que les IDEX sont sélectionnées à partir des propositions d'un jury. Et la thèse du Commissariat général à l'investissement – qui est aussi celle du Premier ministre – est que le Premier ministre prendra nécessairement une décision conforme aux propositions du jury, ce qui en garantira la force. Je ne pourrai donc pas répondre à votre question avant que le jury n'ait auditionné l'université de Lille, et conclu sur ce projet.

Enfin, il y a bien sûr des évaluations en fin de projet, qui ne sont faites qu'au moment où ils arrivent à leur terme. Comme la plupart de ces projets s'étalent dans le temps, ces cas de figure sont peu nombreux. Il y a aussi des évaluations à mi-parcours – je pense à des institutions comme les instituts de recherche technologique (IRT), les instituts pour la transition énergétique (ITE) ou les sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) – réalisées par des experts. Ces évaluations portent sur les résultats obtenus et ont des conséquences sur la poursuite de l'allocation des crédits.

Monsieur Bachelay, vous avez parlé de la gouvernance. Nous nous attachons, même si nous ne sommes pas soumis à la régulation budgétaire, à informer régulièrement le Parlement, à l'écrit comme à l'oral, de façon que ces crédits n'échappent pas au contrôle parlementaire.

Pourquoi certaines actions n'ont pas été reconduites dans le PIA 3 ? Dans certains domaines, comme celui de la création de SATT, d'IRT ou d'ITE, l'analyse et le dialogue nous ont amenés à conclure qu'il n'y avait pas de demandes de nouvelles créations. Dans ces cas-là, nous poursuivons le financement des institutions existantes, sous réserve qu'elles confirment leurs compétences et leur efficacité, mais nous ne proposons pas d'en créer de nouvelles.

Par ailleurs, nous plaidons pour éviter de financer des actions ne relevant pas du PIA, ou en tout état de cause pour éviter qu'elles ne se poursuivent – je pense notamment aux actions de substitution budgétaire. Ainsi, le PIA 3, tel qu'il a été voté au Parlement, n'en comprend aucune, contrairement aux PIA 1 et 2. Maintenant, est-ce à dire que son exécution n'en comprendra pas ? Je ne peux le garantir : je rappelle que le CGI est un service du Premier ministre, et que nous ne sommes pas une autorité indépendante. Cela dépendra des décisions gouvernementales et parlementaires sur l'avenir du PIA.

J'en viens à l'action intitulée « Grands défis » : il s'agit de financer, à un niveau plus élevé en fonds propres, des opérations majeures. Or si nous sommes assez bons en France dans l'accompagnement du démarrage des entreprises innovantes, nous le sommes nettement moins dans le financement d'opérations qui impliquent des fonds propres de plusieurs dizaines de millions d'euros. Notre ambition est d'acquérir cette capacité. La liste de ces opérations n'est pas définie aujourd'hui. Cela implique d'abord un projet, et des investisseurs privés pour accompagner.

Nous avons effectivement ramené les délais d'instruction à trois mois, et franchement, je ne pense pas que l'on puisse les réduire davantage. Au niveau régionalisé, pour des opérations plus limitées, on peut arriver à un délai de deux mois, mais cela me paraît constituer une limite absolue.

Vous vous êtes interrogé sur la rénovation énergétique des bâtiments. C'est une action que nous avons menée dans les PIA 1 et 2. Bien qu'elle soit utile, nous n'envisageons pas de la poursuivre. En effet, elle ne comporte pas de part d'innovation. Elle est d'ailleurs cofinancée avec le budget et relève des crédits budgétaires ordinaires.

Nous faisons un effort pour associer les PME.

D'une part, certaines actions sont directement orientées vers les PME : non seulement des actions régionales, que j'ai déjà mentionnées, mais aussi d'autres actions que nous lançons au niveau national vers les PME innovantes.

D'autre part, lorsque nous faisons des appels qui concernent les grandes entreprises, nous faisons en sorte que ces grandes entreprises répondent conjointement avec des PME et des entreprises moyennes. C'est une façon d'encourager une approche de l'investissement par filière. Je l'ai encore dit tout à l'heure, cette approche par filière ne me semble pas suffisamment présente en France.

Enfin, je rappelle que nous ne finançons pas directement la défense. Nous pouvons financer des actions qui ont un impact sur la défense, mais nous ne sommes pas en financement direct.

Madame Dubié, les PME sont pour nous une priorité. La principale critique du comité Maystadt portait sur ce que l'on a appelé les « débudgétisations ». Nous nous battons, et le comité de surveillance soutient notre combat. J'espère que le Parlement fera de même. C'est un effet continu…

Ensuite, nous avons constaté que notre effet de levier sur des financements autres que ceux du PIA était en moyenne supérieur à 1. Concrètement, là où nous investissons 1, au moment de la contractualisation, les autres financements sont supérieurs, de l'ordre de 1,1, dont un peu plus des deux tiers de financements privés.

Bien sûr, dans certains secteurs, il n'y a pas de cofinancements privés ; c'est le cas des universités ou de certaines actions de recherche publique. Mais quand nous allons vers les entreprises, le financement privé représente en général au moins deux fois le financement du PIA. C'est un sujet que nous suivons très attentivement.

J'en viens au domaine des industries agricoles et alimentaires (IAA). Nous y avons investi 120 millions dans le cadre du PIA 2. Et l'intérêt de ces actions nous a conduits à souhaiter y développer nos interventions dans le cadre du PIA 3. Rappelons que c'est un domaine où la France a un « atout d'image », qu'elle n'a pas dans les industries mécaniques : elle un « atout de territoire ». Reste que les Allemands nous dépassent en matière d'exportation de produits agricoles et alimentaires, ce qui est anormal.

Nos interventions ont favorisé des efforts de réduction des dépenses énergétiques, de modernisation des abattoirs, et un certain nombre d'actions sectorielles innovantes. Et nous nous sommes rendu compte que les IAA, jusqu'alors un peu isolées du monde du progrès industriel, s'y intègrent désormais. Nous avons constaté une vraie évolution, à la fois des organisations professionnelles, des entreprises et des administrations, sur la nécessité d'intégrer la modernisation des IAA à la modernisation économique en général.

À propos du numérique, je ne sais que vous dire, si ce n'est qu'il est partout… Nous avons des actions numériques spécifiques, notamment des concours d'innovation numérique, qui permettent de solliciter des projets de start-up, mais aussi d'accompagner ces start-up dans leur croissance et aux étapes de celle-ci.

Le principe est de démarrer, lorsque quelqu'un a une idée, avec une subvention, qui peut aller jusqu'à 200 000 euros. Ensuite, pour transformer l'idée en prototype et en plan de marketing, on peut accorder une avance remboursable qui va jusqu'à 2 millions. Enfin, pour transformer le prototype en fabrication industrielle et le plan marketing en démarchage des clients, on peut apporter des fonds propres qui vont jusqu'à 20 millions d'euros. L'idée est d'accompagner de façon continue les entreprises qui croissent. Quelques entreprises passent toutes les étapes – un, deux et trois. Mais il est possible, pour certaines, de rejoindre directement la deuxième ou à la troisième étape. Tout dépend de leur situation.

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