Intervention de Louis Schweitzer

Réunion du 18 janvier 2017 à 9h30
Commission des affaires économiques

Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement :

Je commencerai par répondre à une question, à laquelle je n'ai pas complètement répondu tout à l'heure, sur les semi-conducteurs et la microélectronique.

Premièrement, nous financerons Nano 2017 au titre du PIA 2.

Deuxièmement, nous continuerons à soutenir l'Institut de recherche technologique Nanoelec, créé dans le cadre du PIA 1. Nous réfléchissons en ce moment à la façon de poursuivre, au-delà des dix ans initialement prévus, le financement des IRT, des instituts hospitalo-universitaires (IHU) et des instituts pour la transition énergétique, créés dans le PIA 1 mais dont, à l'évidence, le relais financier ne pourra pas être pris par d'autres acteurs au terme de l'année 2019, dernière année d'application de la convention initiale qui leur a été accordée.

J'espère que la réflexion en cours débouchera sur des mesures concrètes dans les semaines à venir, pour assurer la continuité du financement des actions déjà engagées et dont les résultats sont extraordinairement probants.

Concernant encore l'électronique hardware, nous avons lancé une réflexion sur la façon de soutenir l'innovation dans ce domaine, qui relève de choix politiques et technologiques difficiles. Je n'ai pas encore aujourd'hui la réponse à ces questions dont nous mesurons l'importance.

En ce qui concerne le PIA et le développement durable, il est vrai que l'enveloppe initialement prévue par Alain Juppé et Michel Rocard en faveur du développement durable a été continûment réduite, non pas du fait d'une volonté politique ou d'une absence de volonté politique, mais simplement faute de projets innovants. Alors qu'Alain Juppé et Michel Rocard avaient proposé d'affecter 33 % des crédits à des problématiques de développement durable, les investissements dans ce domaine, comme vous l'avez rappelé, Madame Rohfritsch, n'ont pas dépassé 15 %. Nous prévoyons, pour le PIA 3, de revenir à ce chiffre de 15 % pour les investissements directs. Ce à quoi viennent s'ajouter une deuxième tranche, l'éco-conditionnalité, et une troisième tranche, la mesure ex post de l'impact favorable sur le développement durable des investissements soutenus par le PIA. Ce qui porte le total des crédits du PIA 3 qui contribueront directement ou indirectement au développement durable à 60 %. Tout projet entrant dans le cadre de ces 60 %, fera systématiquement l'objet d'une évaluation ex post de l'impact sur le développement durable. La transparence sur ce point sera totale, d'autant que la France a émis des green bonds, et que les dépenses financées par ces obligations vertes, très prisées par les marchés financiers, sont conditionnées à un impact positif sur le développement durable. Du coup, en plus des contrôles internes menés par notre administration, ces opérations seront également soumises au contrôle des agences de notation et des agences internationales.

Cela étant, quels projets sont susceptibles d'entrer dans les 40 % restants ? Je prendrai l'exemple de la création d'un nouvel institut hospitalo-universitaire. Nos critères concernant le choix des instituts hospitalo-universitaires portent sur la pertinence de la science et la qualité des équipes médicales, et non la dimension environnementale, quand bien même il y en a une dans tout projet ; mais en toute honnêteté, je ne crois pas que l'évolution de la consommation d'électricité soit un critère totalement pertinent, s'agissant d'un institut hospitalo-universitaire – qui plus est, il variera selon les disciplines. Cela étant, nous nous y intéresserons tout de même.

En ce qui concerne la critique de M. Peillon, le CGI, au moment de ma nomination, avait été placé, à l'occasion d'un remaniement gouvernemental, sous l'autorité conjointe des ministres du Redressement productif et de l'Enseignement supérieur. Cette période fut brève : la tutelle du Premier ministre a été rétablie en septembre de la même année. Rappelons qu'Alain Juppé et Michel Rocard avaient présenté leur démission à la suite de cette évolution. Ils ont par la suite, à ma demande, accepté de reprendre leurs fonctions, mais cela n'a pas été facile…

Il est plus pratique d'être rattaché au seul Premier ministre pour la simple raison que c'est lui seul qui a, en application de la loi, la capacité de décider des dépenses. Mais tant avec Mme Fioraso qu'avec son successeur, la coopération a été bonne ; et s'il a pu y avoir des nuances, elles ont été résolues, soit par un accord, soit par un arbitrage. Je ne crois pas que la critique de M. Peillon sur l'existence d'un « ministère bis » soit justifiée, d'abord parce que nous travaillons ensemble, ensuite, parce qu'en termes de crédits, entre les universités et l'éducation, d'une part, et le PIA, de l'autre, c'est le cheval et l'alouette… En outre, je ne vois pas qu'il y ait eu de désaccord ces dernières années. Je plaide donc pour le maintien de la structure juridique actuelle.

En ce qui concerne l'équilibre territorial, je le répète, l'aménagement du territoire ne fait pas partie de notre mission, même si nous avons plaidé pour une enveloppe régionalisée conséquente, ce en quoi le Gouvernement et le Parlement nous ont suivis.

Dans le domaine de l'enseignement et de la recherche, nous ne focalisons pas sur les IDEX et les I-SITE. Quand je parle d'écoles universitaires de recherche, de nouveaux cursus universitaires, d'actions en faveur de la recherche, toutes nos actions sont ouvertes à des universités qui ne sont pas de grandes dimensions : il y a des domaines d'excellence dans presque toutes les universités et presque toutes les écoles. Nous ne sommes pas focalisés sur quelques grands pôles qui auraient le monopole de l'excellence et de l'intervention du CGI. Cela étant, l'exigence d'excellence s'adresse à tous, mais nous avons la conviction que l'excellence n'est pas le privilège de quelques-uns.

Quant au nucléaire, reconnaissons-le, nos interventions dans ce domaine ont été critiquées par la Cour des comptes et le comité Maystadt lorsqu'il s'est agi de financer des actions qui relevaient auparavant de l'État – ainsi les réacteurs ASTRID et Jules Horowitz. Il n'est pas exclu que ces financements se poursuivent dans le cadre du PIA 3 si aucune décision n'est prise à ce jour ; nous voudrions toutefois que l'on s'attache à éviter d'accroître sans cesse le surcoût de ces actions pour le budget de l'État, d'autant qu'en ce qui concerne le réacteur Jules Horowitz, les isotopes sont vendus dans le monde entier sous monopole : il serait dommage que la France prenne à sa charge tous les surcoûts et subventionne tous les États qui les acquièrent dans le monde !

Par ailleurs, une réflexion est en cours sur un éventuel soutien à un petit réacteur nucléaire. Je ne sais pas si elle aboutira. Il faut s'assurer que le modèle est économiquement viable et qu'il répond à tous les critères de sûreté qu'exige le nucléaire. La réponse, à ce jour, n'est pas évidente, mais c'est un sujet que nous suivons avec beaucoup d'attention.

Oui, nous sommes toujours inscrits dans une stratégie de complémentarité, avec le plan Juncker, que le PIA est chargé d'animer dans notre pays, et la France y réussit bien. Nous nous réjouissons que le plan Juncker soit doublé dans les années à venir.

Souhaiterions-nous que ce plan aille plus vers l'investissement à risque et l'innovation ? Aujourd'hui, la complémentarité tient au fait que, de notre côté, nous sommes très orientés vers l'innovation, tandis que le plan Juncker est un peu plus conservateur. Nous ne serions pas attristés qu'il devienne un peu plus audacieux… Peut-être y aura-t-il une évolution dans ce sens. En tout cas, nous le souhaitons.

Oui, nous pouvons financer des projets de modernisation des actions de l'administration, pour peu qu'ils soient tout à fait innovants. C'est un peu limite, mais force est de constater que les budgets des administrations ne sont pas conçus pour financer les vraies innovations : le mécanisme budgétaire, reconnaissons-le, n'est pas propice à l'innovation. Nous pouvons, même si cela restera très marginal, envisager de mener des actions dans ce sens dans le cadre du PIA 3, comme nous l'avons fait dans le cadre du PIA 2.

En ce qui concerne l'énergie marémotrice, nous avons financé un projet. Nous n'excluons pas de continuer à financer des projets dans ce domaine, de même que nous continuons à financer des projets visant à ce que les énergies renouvelables intermittentes donnent lieu à des stockages qui, d'une part, n'accroissent pas trop le coût, et d'autre part, ne créent pas leurs propres problèmes environnementaux : le recyclage des batteries n'a pas encore donné à ce jour toute satisfaction à cet égard. C'est donc un véritable enjeu.

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