Intervention de Serge Letchimy

Réunion du 10 janvier 2017 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Letchimy :

J'allais dire « ouf » ! Il est bon que les professionnels du secteur de l'audiovisuel et du cinéma ultramarins se soient enfin rassemblés, car longtemps les revendications ont été dispersées. De même, notre réunion de ce jour est une excellente initiative : elle place les enjeux sur le plan politique, tant il est vrai que ce sont des décisions politiques qui sont en cause. Et certains candidats gagneraient à intégrer ces questions dans leur programme de campagne.

L'enjeu n'est pas que financier, il est vital, sociétal, et profondément ancré dans l'évolution des différents pays.

Ainsi c'est à juste titre que les telenovelas ont été évoquées ; je connais la même tragédie lorsque le directeur d'un hebdomadaire martiniquais affirme qu'il ne peut vendre son journal qu'à la condition qu'il affiche du sang. J'ai mené une bataille contre ce genre de publications afin que puissent être diffusés au quotidien des débats de fond, portant sur les idées et les valeurs. Hélas, si la première page n'affiche pas de manchette sanglante, le journal n'est pas vendu.

La diffusion est ainsi abandonnée à la loi du marché, en toute méconnaissance des réalités économiques de la production.

Par ailleurs, et je l'ai entendu à l'instant, l'audiovisuel et la production cinématographique n'ont jamais été considérés comme une filière économique intégrée. M. Rogemont, grand défenseur de l'outre-mer, a bien montré comment, à travers France O, nous sommes tous tombés dans les travers d'une certaine conception de la diversité. Le terme de diversité est un fourre-tout qui peut signifier n'importe quoi ; au point de pouvoir devenir un concept, les dévoiements de France O montrent que plus on se rengorge de diversité dans l'Hexagone, mieux on est dans sa peau, et plus on est mal outre-mer.

Nous n'incarnons pas seulement une diversité, nous avons une profondeur culturelle, une histoire, des pays et une richesse, tout cela doit être valorisé. Cette esthétique de la diversité me gêne beaucoup. Elle explique la pauvreté des moyens mis en oeuvre dans l'accompagnement de la naissance d'une filière. Lorsque j'étais président de région, j'ai soutenu bien des combats pour le financement, et une convention a été passée avec le CNC ; de son côté, la région a structuré son dispositif d'aides.

Les travaux des États généraux doivent être l'occasion de clarifier la place de la production audiovisuelle et cinématographique dans l'économie de l'outre-mer, qui doit être placée au même rang que le numérique, le tourisme, la biodiversité et la richesse océanique. Or tel n'est pas le cas aujourd'hui, et nous devons aller beaucoup plus loin. Si nous cherchons des vecteurs de croissance et de développement pour nos pays, nous ne devons pas rester dans l'économie de comptoir existant aujourd'hui, mais trouver les filières susceptibles d'être créatrices d'activité dans le champ du modernisme comme le numérique, l'imagerie, la production, etc.

Nous sommes à l'an zéro de cette démarche, aussi les professionnels doivent-ils s'organiser et créer une vraie plateforme, et la personne que nous aurons choisi de placer à sa tête devra exposer un programme clair. Il faut cesser de jouer avec France O et ses 15 % ou 20 %, une masse financière de soutien à la production est disponible : elle doit être ouverte à tous, y compris à l'exportation. Pourquoi ne produirions-nous pas des telenovelas bòkay — ce qui signifie « près de chez nous » ?

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