Intervention de Jean-Michel Rey

Réunion du 23 janvier 2013 à 16h45
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Michel Rey, président du syndicat Défense CGC :

Reçus pour la première fois par la représentation nationale, nous tenons à remercier la Commission pour cette audition.

Nous voulons, pour commencer, exprimer toute notre solidarité envers nos collègues militaires concernés par des opérations extérieures et envers leurs familles.

L'année 2013 sera marquée par l'élaboration d'un nouveau Livre blanc pour la défense et la sécurité nationale, ainsi que d'une nouvelle loi de programmation militaire, qui engageront la nation sur plusieurs années.

Avec 23,3 % des suffrages exprimés lors de l'élection de représentativité d'octobre 2011, l'alliance formée par Défense CGC et l'UNSA Défense est devenue la deuxième force syndicale du ministère de la défense. Elle détient quatre sièges sur dix au comité technique ministériel.

Dans ses valeurs et ses modes d'action, Défense CGC est attaché au respect des droits de l'homme, du principe de légalité, de conditions de travail assurant le bien-être physique, mental et social du personnel et d'une juste répartition des richesses entre tous les acteurs.

Défense CGC a pris acte de l'engagement du Président de la République de porter une attention particulière, dans le cadre des travaux de refonte du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, aux questions relatives au recrutement, à la formation et à la gestion des ressources humaines, ainsi qu'au respect des droits des personnels, à la prise en compte de la spécificité de leur métier et à leur lien avec la nation.

Dans ce contexte d'ouverture de l'action gouvernementale et dans le respect de son engagement vis-à-vis du personnel civil qu'elle représente, Défense CGC se veut porteuse d'un dialogue responsable, innovant, toujours constructif, mais sans faiblesse, conciliant développement économique, service public, progrès social et développement durable.

Notre perception du contexte de la défense est sans détour : le personnel civil qui sert la communauté de défense, représentant environ 67 000 personnes, soit 23 % des effectifs du ministère, est en état de souffrance, sa place étant de plus en plus remise en cause et ses conditions de travail ne cessant de se dégrader. Plus de vingt ans de restructurations permanentes et consécutives ont mis à mal la valorisation de son engagement. C'est aujourd'hui le découragement qui prédomine.

Dans ce contexte, il apparaît nécessaire pour Défense CGC de réaffirmer que le personnel civil a toute sa place au sein du ministère et que son engagement à servir les missions du ministère est indiscutable.

Défense CGC ne cherche pas à opposer la communauté des personnels civils à celle des personnels militaires. Ces derniers ont vocation à intervenir en situation de conflits armés ou de sécurité intérieure et bénéficient à ce titre d'un entraînement et d'un statut particuliers. Les personnels civils ont vocation, quant à eux, à assurer l'administration générale et les soutiens communs au profit de l'ensemble du personnel civil et militaire. Ils ont aussi toute leur place dans la fonction technique, dont le rôle est essentiel pour l'efficacité de notre défense.

La recherche d'une complémentarité entre les communautés militaire et civile au travers d'une véritable stratégie de recrutement et d'emploi doit être un axe directeur du Livre blanc et de la loi de programmation militaire à venir.

Enfin, dans le contexte d'un climat social tendu, du mauvais état des finances publiques et d'une forte croissance des dépenses militaires liée à un contexte géopolitique fragile, la défense ne doit pas être la variable d'ajustement du budget, tout comme la paix sociale ne doit pas être un frein aux changements nécessaires.

La défense a déjà payé un lourd tribut aux restructurations, perdant sa propre capacité industrielle et réduisant à un seuil critique son niveau de compétence technique. Aller plus loin, en imposant par exemple à la Direction générale de l'armement (DGA) de nouvelles réductions de format, pourrait la placer en situation de perte irrémédiable de compétences, compromettant ainsi à terme sa capacité d'arbitrage, alors que, plus que jamais, le choix des systèmes et équipements de défense doit se faire en fonction d'un contexte géopolitique et selon des critères d'emploi et de performances, et non en fonction de stratégies d'emploi dépassées ou non validées, voire des seuls intérêts industriels.

L'armée française doit être dimensionnée, entraînée et dotée d'équipements et d'un soutien logistique opérationnel performants, adaptés à ses missions de défense et de sécurité nationale. Elle doit être respectée et reconnue dans son rôle. Il est à ce titre important de renforcer le lien armées-nation.

Les emplois à caractère non opérationnels doivent être « civilianisés » et valorisés au travers de parcours professionnels attractifs.

Nous souhaitons pouvoir débattre avec les membres de la Commission du rôle, de la place et de la gestion des personnels civils et nous avons dégagé à cette fin trois axes de réflexion, présentés dans les fiches qui vous ont été distribuées : la « civilianisation », le nécessaire changement de culture permettant d'accompagner les changements et les axes directeurs en matière de gestion des ressources humaines.

Avant d'engager le débat, nous évoquerons tout particulièrement la « civilianisation ». Nous nous efforcerons ensuite de répondre ici même, dans la mesure du possible, aux questions que les membres de la Commission voudront nous poser. À défaut, nous nous engageons à leur apporter une réponse écrite à la suite de l'audition.

Le personnel civil du ministère de la défense, qui comporte 38 % de personnels féminins, se compose pour 54 % de fonctionnaires, pour 33 % d'ouvriers de l'État et pour 13 % de contractuels. Il représente, comme nous l'avons dit, 23 % des effectifs du ministère.

Un emploi civil se définit, selon les termes du rapport établi en juin 2003 par le général Jean-René Bachelet et M. Jean-Pierre Champey sur Le rôle et la place du personnel civil au sein du ministère de la défense, comme « tout poste qui ne requiert ni le service des armes ni l'intégration dans un dispositif opérationnel ou susceptible d'être engagé sur un théâtre d'opération ou sur les bâtiments de la marine ». En 2008, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a sacralisé le rôle du personnel civil dans le ministère, précisant que « le soutien et l'administration lui sont confiés ».

Alors que cet objectif semblait partagé par tous, les bonnes intentions sont restées à l'état de projet, cédant face à certains lobbies. En effet la réduction du format des armées engagée il y a plusieurs années et qui s'est accélérée avec la loi de programmation militaire pour 2009-2014 a bloqué toute avancée. Les corporatismes ont pris le dessus, au détriment de l'intérêt commun.

Ainsi, la logique d'affectation des personnels en fonction de la définition qui vient d'être rappelée a été mise à mal. La ressource de postes diminuant, il est devenu primordial pour les personnels militaires de se réserver de plus en plus de postes « de respiration », au détriment des personnels civils. Si cette logique est recevable lorsqu'il s'agit de postes en alternance avec des postes opérationnels, elle devient inacceptable en deuxième partie de carrière, lorsqu'il n'y a plus d'alternance et qu'elle se traduit par l'occupation d'un emploi civil par un personnel militaire.

Il est indiscutable qu'un personnel militaire coûte bien plus cher qu'un personnel civil, compte tenu notamment du poids de la formation nécessaire pour entretenir sa capacité opérationnelle et de son régime de pension. De plus, si les civils ne sont pas soumis statutairement aux mêmes obligations que les militaires, leur bonne intégration dans les groupements de soutien des bases de défense (GSBdD) est fondamentale. Leur présence permanente assure une continuité de service à des unités dont la programmation est souvent bousculée par les impératifs opérationnels. À ce titre, ils constituent un rouage indispensable au bon fonctionnement du ministère et des armées.

Alors que l'objectif de « civilianisation » dans le soutien était de 60 %, on compte aujourd'hui 42 % de personnels civils, dont moins de 1 % de postes de cadres de catégorie A. Pour 2012 étaient prévus le gain de un poste de catégorie A, mais la perte de cinquante-neuf postes en catégorie B et de vingt-trois en catégorie C.

D'une manière générale, les postes d'encadrement sont peu gréés par des personnels civils, non parce que ceux-ci n'en ont pas la capacité, mais parce que la préférence est donnée à des personnels militaires. Le manque de mobilité reproché aux personnels civils n'est qu'un prétexte, car une mobilité excessive nuit à la performance des services, notamment dans les domaines du soutien et de l'administration. Nous assistons même aujourd'hui à une remilitarisation de postes dévolus aux personnels civils dans de nombreux domaines.

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