Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du 18 janvier 2017 à 16h15
Commission des affaires sociales

Agnès Buzyn, présidente du collège de la Haute Autorité de santé, HAS :

La HAS a déjà contractualisé avec un centre de preuves dans le champ de la dermatologie, ce qui a permis de produire des recommandations très utiles sur l'acné, recommandations qui sont actualisées en permanence. Malheureusement, il s'agit pour la HAS d'une question financière : son budget a été tellement réduit qu'elle doit prélever beaucoup sur son fonds de roulement. Le National Institute for Health and Care Excellence (NICE) a un budget de plusieurs millions d'euros pour la contractualisation, à la fois avec des équipes qui ont l'expertise médico-économique et avec des équipes académiques. Pour inciter les universités et les universitaires à travailler avec nous sur une expertise qui va les mettre à contribution, il faut des moyens. Or c'est là que le bât blesse.

Madame Poletti, vous m'avez fait part de votre inquiétude en ce qui concerne la politique vaccinale en France et vous me demandez comment la HAS va contribuer à sa nécessaire modernisation maintenant qu'elle a repris les activités du CTV. C'est une question difficile. Il faut oser affronter les sujets complexes, y compris vis-à-vis du grand public. Nous sommes capables de faire de la pédagogie, et les gens sont capables de comprendre. Je m'attacherai à parler de la question vaccinale – y compris devant les médias – et m'efforcerai d'être aussi pédagogique que possible. Mais si les médecins de premier recours, qui sont très écoutés par leurs patients, ne sont pas convaincus et investis, nous ne réussirons pas. Sur cette question, les médecins se désengagent parfois, car il leur faut du temps pour expliquer. La HAS doit donner des outils aux médecins, pour les accompagner dans cette pédagogie nécessaire auprès des patients. Mais je n'engagerai pas de grandes campagnes de vaccination, parce que de toute façon ce n'est pas le rôle de la HAS mais celui de Santé publique France (SPF).

Vous m'interrogez sur l'articulation entre les fiches-repères de la CNAMTS et les recommandations de la HAS. En général, ces fiches sont issues des recommandations de la HAS. Elles sont simplifiées et déclinées par la CNAMTS, qui nous demande en général d'émettre un avis conforme avant de les distribuer.

Monsieur Richard, je n'irai certainement pas pleurer pour obtenir une augmentation du budget, au vu de la situation que nous connaissons tous ; ce ne serait ni digne ni raisonnable. Il faut seulement stabiliser les ressources que la HAS est à même d'utiliser, afin de disposer d'une vision à moyen terme. Le budget est discuté chaque année avec la CNAMTS – et a été réduit de près de 10 millions d'euros chaque année. Il s'élève présentement à 48 millions d'euros, les deux tiers ou les trois quarts étant consacrés aux salaires et à la rémunération des experts pour leur visite des établissements. Il n'y a donc quasiment plus de place pour des actions, notamment de contractualisation. Je vous rappelle que nous prenons sur nos fonds propres pour tout ce qui concerne les actions européennes, puisque nous ne sommes pas habilités à recevoir de taxes ou de contributions des industriels, contrairement à ce qui se pratique dans d'autres pays européens. Si je veux organiser la HAS et décider avec le collège, avec les salariés et avec vous-mêmes des missions principales qu'elle doit exercer, j'ai besoin d'une certaine visibilité. C'est un travail que je suis en train de mener avec mes équipes pour recentrer la HAS sur les missions les plus importantes, celles pour lesquelles la compétence scientifique de la HAS apporte une valeur ajoutée.

Vous avez raison, la HAS ne prend pas suffisamment position sur les grands sujets de santé publique. Cela est dû essentiellement à son programme de travail qui résulte, pour le moment, d'une succession de saisines ministérielles qui n'ont pas nécessairement de cohérence entre elles et qui rendent très difficile une prise de parole sur les grands enjeux. Pour pouvoir prendre la parole, il faut avoir un avis, une recommandation. La HAS n'a pas vocation à prendre la parole de manière idéologique. Si nous ne pouvons pas nous autosaisir de sujets qui nous semblent importants, nous n'avons pas la possibilité de prendre la parole. C'est pour moi un enjeu de la construction du programme de travail.

Vous souhaitez savoir quel est le bilan de « e-Satis ». Plus de 70 % des gens sont globalement satisfaits des établissements de santé, ce qui pourrait paraître un bon résultat mais qui, en réalité, pour une enquête de satisfaction, est un chiffre relativement faible. Les malades critiquent avant tout la mauvaise organisation de la sortie hospitalière. Or, cette évaluation ne se fait pas encore dans le champ de la chirurgie ambulatoire. Nous y travaillons afin qu'elle soit mise en place l'année prochaine.

Vous me demandez si la HAS a un avis sur l'obligation de vacciner le personnel hospitalier contre la grippe. Jusqu'à présent, le sujet de la vaccination n'était pas de la compétence de la HAS ; elle n'a donc pas travaillé là-dessus. À titre personnel, je n'y suis pas défavorable, et, en tant que professionnelle de santé hospitalière, je me l'impose à moi-même. Sachant que l'efficacité du vaccin chez les personnes âgées ne dépasse pas 30 %, les patients âgés ont peu de chance d'échapper à la grippe si le personnel hospitalier ne se fait pas vacciner.

La désertification médicale, sur laquelle m'interroge M. Costes, n'est pas de la compétence de la HAS, non plus que la formation initiale, qui est de la compétence des universités, des ARS et du ministère. La HAS est seulement compétente en matière de coopérations interprofessionnelles, et estime qu'il convient de mieux les développer. Vous avez raison, certains corporatismes s'expriment. La HAS peut avoir un rôle à jouer dans ce champ-là.

Madame Bouziane-Laroussi, il est très important de rappeler aux médecins généralistes leur rôle de prévention, non seulement parce qu'ils sont extrêmement écoutés, mais aussi parce qu'ils ont peu de temps pour l'exercer. Nous allons désormais intégrer systématiquement aux recommandations que nous leur adressons, ainsi qu'à tous les professionnels de santé exerçant en cabinet celle de délivrer des messages individualisés de prévention lors des consultations.

S'agissant des indicateurs de résultat, mon idée n'était pas de viser les produits de santé eux-mêmes, mais la qualité des prises en charge, qu'elles soient hospitalières ou ambulatoires, car, actuellement, nous ne mesurons pas réellement la qualité et la pertinence des soins, ce qui est pourtant indispensable si nous voulons améliorer les choses. C'est, selon moi, une condition de la soutenabilité financière du système.

Monsieur Viala, vous m'avez, vous aussi, interrogée sur la démographie médicale. La HAS n'a pas de rôle à jouer en matière de zonage qui est du ressort des ARS. Je ne suis pas non plus compétente pour juger du budget de la recherche en santé.

Concernant les difficultés d'approvisionnement en médicaments liées aux prix éventuellement plus attractifs pratiqués dans d'autres pays, et qui peuvent constituer une forme de concurrence déloyale, nous ne réglerons pas le problème tant que nous n'aurons pas résolu la question de la transparence des prix, car nous n'avons aucune idée des prix réellement pratiqués ailleurs. Entre les prix affichés et les prix réels, les marges sont telles que nous n'avons aucune vision.

Enfin, vous avez raison, l'harmonisation des critères d'évaluation des technologies de santé ne doit pas être un nivellement par le bas, et j'y veille. Je pense effectivement que le degré d'exigence de la France est très élevé et qu'il ne doit pas baisser. Nos concitoyens ne comprendraient pas que nous leur fassions prendre des risques.

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