Intervention de Sonia Lagarde

Séance en hémicycle du 26 janvier 2017 à 9h30
Extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSonia Lagarde :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, chers collègues, beaucoup a été dit sur ce texte. Aussi, avant de commencer mon propos, souhaiterais-je apporter une clarification.

Nous ne poursuivons qu’un seul objectif : garantir aux femmes l’accès à un droit fondamental, celui de la liberté qui leur a été donnée depuis plus de quarante ans maintenant, de décider, de manière responsable, de poursuivre ou non leur grossesse.

Ce débat n’est pas celui de la liberté d’expression et nous ne devons en aucun cas entraver la liberté de parole, pas plus que nous ne devons imposer à quiconque une opinion.

Je regrette que la rédaction issue des travaux du Sénat n’ait pas permis d’effacer les craintes sur ce sujet car nous aurions pu espérer qu’elle permette de dégager une majorité, en évitant que la politique politicienne ne perturbe le bon déroulement de ce débat.

Ce texte, n’en déplaise à certains, est avant tout une affaire qui concerne les femmes et qui s’inscrit dans le respect de leur liberté de choisir.

La commission mixte paritaire ayant échoué, cette proposition de loi est à nouveau débattue dans notre hémicycle et ces aléas nous rappellent combien le sujet de l’avortement est sensible, combien le combat pour reconnaître et garantir ce droit reste long, difficile et permanent.

Long, car il a accompagné tout le XXe siècle et continue de s’écrire aujourd’hui.

Difficile car, après avoir été nié puis limité, il est encore contesté par certains.

Permanent, hélas, car il nous suffit d’observer l’Amérique de ces derniers jours, et son nouveau président dont la première action fut de signer une mesure anti-avortement.

Ce combat a été conduit ici même par une femme au courage exemplaire dont j’ai l’honneur de partager l’identité politique. En 1974, c’est bien face à la cruauté des avortements clandestins que Simone Veil, ministre de la Santé, a conduit le Parlement à légiférer.

L’enjeu d’alors n’était pas d’encourager le recours à cette voie, ce que Simone Veil avait bien compris : « Aucune femme ne recourt de gaieté de coeur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame… ».

Mes chers collègues, depuis 1974, la législation s’est adaptée au consensus social et à la situation de fait.

En 1993, c’est bien face à de nombreuses actions physiques violentes des commandos anti-IVG, que le législateur a créé un délit pénal spécifique d’entrave à l’avortement. Si d’importants progrès ont été accomplis ces dernières années pour améliorer l’accès à l’IVG, ce droit doit encore être conforté, comme en témoigne le rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, rendu public il y a quelques jours à peine.

Aujourd’hui, l’obstacle à l’interruption volontaire de grossesse ne se fait plus dans la rue, enchaînés à des grilles pour empêcher d’accéder à des centres de santé, ou en distribuant des tracts. L’entrave à l’avortement s’adapte aux évolutions de la société et il s’organise désormais principalement derrière un ordinateur, sur internet, où des femmes, souvent seules perdues, cherchent des réponses à leurs légitimes questions.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion