Intervention de Stefano di Lullo

Réunion du 31 janvier 2013 à 10h30
Mission d'information sur les coûts de production en france

Stefano di Lullo, président de l'activité gestion des troubles du rythme cardiaque de Sorin SpA :

Nous attachons une grande importance à cette mission sur les coûts de production en France tant nous sommes convaincus que les technologies médicales de pointe peuvent jouer un rôle décisif dans la croissance du pays, voire dans sa stratégie de réindustrialisation.

Sorin est une ETI dans les technologies médicales de pointe pour les maladies cardio-vasculaires. Le groupe, dont les technologies médicales traitent 1 million de patients chaque année dans quatre-vingts pays, emploie 3 750 collaborateurs par le monde. Notre chiffre d'affaires s'élève à 750 millions d'euros.

Nous sommes présents industriellement en France à travers notre division de gestion des troubles du rythme cardiaque, qui représente un tiers de notre chiffre d'affaires.

Plus des trois quarts des 500 collaborateurs de Sorin France ont des emplois hautement qualifiés – ingénieurs de production, en recherche et développement et en support technique – et plus de 75 % de notre production est exportée aux quatre coins du monde. En 2011, notre groupe a investi 45 millions d'euros en recherche et développement, soit 60 % des dépenses du groupe. Avec une centaine de brevets, nous sommes le quatrième « déposeur » de brevets en France dans le domaine des technologies médicales.

Il faut savoir que 40 % du coût d'un stimulateur cardiaque sont liés à ses composants, 30 % à sa fabrication – ce sont les salaires – et 30 % à la recherche et développement, dont 80 % du coût tiennent aux salaires.

Pour Sorin, le coût du travail est donc la principale composante du coût de production, et la seule variable pour ses choix de localisation. Le coût du travail sur le site de Clamart en France est supérieur de 30 % à celui de Saluggia dans la région de Turin. Deux facteurs expliquent cet écart significatif. D'une part, les salaires italiens sont, à qualification égale, inférieurs de 20 % aux salaires français. D'autre part, les charges sont de l'ordre de 35 % en Italie contre 50 % en France. Certes, des éléments tels que la localisation peuvent moduler la pertinence de ces écarts : une usine en Île-de-France revient plus cher qu'une usine dans le Piémont. Il n'en reste pas moins que les coûts salariaux jouent nettement en défaveur de la France.

Pourquoi, dans ces conditions, le groupe Sorin a-t-il choisi de développer une forte présence industrielle en France ? L'activité que je préside est le résultat d'un rapprochement entre l'italien Sorin et le français Ela Medical, qui a été racheté par Sorin en 2001. En 2009, le groupe a inauguré à Clamart son centre d'excellence mondiale, lequel regroupe toute la production du circuit électronique, la R & D et la direction française de l'activité. Le site de Saluggia a été spécialisé dans l'assemblage final des boîtiers, qui est une activité à plus faible valeur ajoutée.

La raison ayant présidé à ce choix est l'innovation, qui est au coeur de notre activité, puisqu'elle est la valeur essentielle ajoutée à nos produits. C'est sur elle que reposent nos exportations. Or l'environnement en France est, de ce point de vue, très favorable. La rencontre du médecin et de l'ingénieur est en effet, dans notre secteur, au coeur du développement technologique. La France dispose d'un terreau très favorable à la formation d'ingénieurs de haut niveau, ainsi que d'une école de cardiologie de niveau mondial, qui bénéficie d'un enrichissement mutuel entre le privé et le public. En apportant des technologies innovantes, Sorin contribue à maintenir l'école de cardiologie à son plus haut niveau : ainsi, 1 200 patients participent à des études cliniques impliquant vingt-huit CHU et quatre-vingt-quatre centres hospitaliers en France. C'est ce partenariat, existant depuis de nombreuses années, qui explique le renforcement de notre ancrage en France.

Sorin est, par exemple, cofondateur du centre de Rennes qui a mis au point une thérapie de resynchronisation cardiaque, devenue aujourd'hui le standard pour le traitement des insuffisants cardiaques. Nous sommes également partenaires de l'IHU Liryc de Bordeaux.

Nous croyons à la nécessité de mieux structurer la filière des technologies médicales françaises en y participant de façon active. La prise de conscience des pouvoirs publics dans le cadre du Conseil stratégique des industries de santé et l'annonce par le Premier ministre d'une nouvelle réunion du CICS sont de bonnes choses et nous y travaillons activement.

La compétitivité-coût et la compétitivité-hors coût sont deux aspects indissociables de la santé d'une entreprise innovante comme la nôtre. Notre objectif est d'enclencher un cercle vertueux nous assurant des marges de manoeuvre financières suffisantes pour investir dans la R & D et gagner de nouvelles parts de marché.

Sorin ne prévoit pas de diminuer sa présence en France, bien au contraire. Toutefois, toute entreprise est amenée à s'interroger régulièrement sur son outil industriel pour tenir compte de l'évolution de la conjoncture, de l'ouverture de nouveaux marchés et des efforts de compétitivité conduits par certains pays. Les facteurs de production d'une entreprise sont aujourd'hui plus mobiles que par le passé.

Plusieurs facteurs peuvent conduire Sorin à conforter son choix d'implantation en France. Il convient de saluer tout d'abord deux mesures fiscales qui contribuent à améliorer la compétitivité des sites français. Le premier est le crédit impôt recherche – il représente pour Sorin 4,5 millions d'euros sur ses 45 millions de dépenses en R & D – ; le second est le crédit d'impôt compétitivité emploi – le seuil de 2,5 SMIC représente 15 % de notre masse salariale en France.

Une mesure fiscale n'entraîne un effet d'aubaine que lorsqu'elle ne peut pas être intégrée à une planification stratégique de long terme. Pour limiter cet effet, la politique fiscale doit donc être simple, prévisible et stable – le crédit impôt recherche est un exemple à suivre.

Une réglementation favorisant l'entrée sur le marché de l'innovation pourrait également conforter l'ancrage de Sorin en France. Il n'est évidemment pas plus question pour notre entreprise que pour les pouvoirs publics de remettre en cause la réglementation relative à la sécurité sanitaire, qui est un impératif absolu, mais dans les secteurs innovants comme les technologies médicales, le temps de l'arrivée sur les marchés est un paramètre-clef, qui peut jouer davantage que le coût du travail. Pour les startup ou les PME il est souvent important d'exister et d'être référencées sur le marché national avant de pouvoir exporter. La capacité de favoriser l'entrée sur le marché intérieur d'une entreprise française est donc un élément primordial.

Il conviendrait enfin de mieux prendre en compte le retour sur investissement à long terme des dépenses de santé dans l'économie nationale. L'objectif de soigner le plus grand nombre possible de personnes au coût le moins élevé est important, mais à la condition qu'à l'intérieur de cet objectif soit posée de manière explicite la question du retour sur investissement dans la réindustrialisation de la France. Les technologies médicales de pointe ont un rôle stratégique à jouer dans le renforcement de la compétitivité industrielle et fiscale de la France.

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