Intervention de Sonia Lagarde

Séance en hémicycle du 26 janvier 2017 à 9h30
Extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSonia Lagarde :

En première lecture, les opposants à cette proposition de loi ont soulevé l’argument de la liberté d’expression, mais il ne s’agit pas de cela.

Et quand bien même la liberté d’expression serait fragilisée, la Cour de cassation a précisé dès 1996 que la liberté d’opinion et la liberté de manifester ses convictions peuvent « être restreintes par des mesures nécessaires à la protection de la santé ou des droits d’autrui ».

L’objectif que nous défendons est simple : les femmes qui se posent des questions, ou qui ont déjà fait leur choix, doivent pouvoir disposer d’une information la plus juste possible car s’il existe des positions différentes, elles méritent chacune d’être respectées.

Cette proposition de loi n’encourage nullement le recours à l’avortement. Elle vise simplement à sanctionner les pratiques de dissimulation opérées par certains sites internet.

L’article unique complète le délit d’entrave tel que nous le connaissons et le code de la santé publique le définit déjà à l’article L. 2223-2.

Nous l’avons dit en première lecture, l’équilibre est ténu entre la liberté d’expression et le droit d’interrompre sa grossesse. Sur ce point, le travail de nos collègues sénateurs aurait permis de rassurer les plus sceptiques quant aux éventuels risques d’inconstitutionnalité.

La rédaction issue du Sénat ne changeait pas la définition du délit en ce qui concerne les motivations des auteurs de l’infraction – « empêcher ou tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur une IVG » – mais elle condamnait tous les moyens par lesquels peuvent s’exercer les pressions morales et psychologiques.

Mes chers collègues, je le redis avec gravité, ce texte nous rappelle que ce droit donné aux femmes est toujours contesté.

Il est contesté en Europe, en Pologne, en Espagne, mais aussi en France où, dimanche dernier, des milliers de militants hostiles à l’avortement se sont rassemblés. Le combat, commencé dès les années 1960, se poursuit encore.

Alors que ce droit ne semble pas essentiel pour certains, nous ne devons jamais oublier que le combat a d’abord été mené par les femmes, pour les femmes.

Enfin, rappelons qu’au-delà de la conservation de ce droit acquis, il est essentiel de poursuivre les actions de prévention, notamment auprès du jeune public, pour que l’interruption volontaire de grossesse ne soit pas le seul ultime recours.

Aujourd’hui, la France se caractérise par l’importance des échecs contraceptifs, du fait notamment d’un défaut d’observance. En 2009, 72 % des IVG étaient pratiquées sur des femmes sous contraception.

On le sait, le recours à la contraception de rattrapage ou pilule du lendemain reste trop faible. Chez les femmes de 18-24 ans, près de la moitié des grossesses sont des grossesses non désirées, aussi est-il nécessaire d’intensifier encore les campagnes de prévention.

Il est tout aussi indispensable de repenser la formation du personnel médical, pour qu’elle évolue et permette de mieux préparer les médecins généralistes et les sages-femmes au rôle qu’ils sont appelés à jouer en matière de prévention et d’accompagnement.

Mes chers collègues, sur un sujet de cette nature, qui touche à l’intime et aux convictions de chacun, je peux comprendre que des divergences puissent apparaître, mais dans leur grande majorité, les députés du groupe UDI sont favorables à ce texte.

À titre plus personnel, je sais tout le travail qui reste malheureusement à faire pour arriver, ne serait-ce que dans cet hémicycle, à une égalité parfaite, mais aussi à l’égalité salariale, à diplôme égal, à une égalité tout simplement naturelle entre les femmes et les hommes. Bien des comportements doivent évoluer et puisque les acquis restent fragiles, il revient à nous, législateurs, de les conforter, de les préserver sans cesse.

Je dédie mon vote favorable aux femmes.

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