Nous sommes tous d'accord pour dire que l'on a changé de paradigme. En France, nous avons perdu en agilité et en flexibilité au cours des dernières années et notre moral est au plus bas, ce que les Italiens ont du mal à comprendre étant donné nos résultats macroéconomiques et au sein de ma société : ils sont frappés du décalage entre les résultats établis par des algorithmes financiers et notre propre perception.
J'ai également le sentiment que nous ne travaillons plus assez ensemble. En Italie, les liens sont bien plus étroits entre les parlementaires qui font la loi et le monde de l'industrie. Basés à Rouen, nous constatons un manque d'attractivité de la région, qui résulte de la proximité de Paris : nous avons du mal à faire venir des talents en Haute-Normandie. Or nous ne parvenons pas à travailler au niveau local avec le législateur et d'autres sociétés pour résoudre ce problème. Les Italiens réussissent mieux que nous dans ce domaine. Au lieu de faire de même, nous subissons individuellement les injonctions gouvernementales relatives au handicap, aux seniors, aux stagiaires, etc., et nous n'osons pas agir de peur des taxes afférentes.
Le coût du travail est plus élevé pour Ferrero France qu'en Italie ; en revanche, le prix est compétitif car nous disposons d'un véritable savoir-faire que nous nous efforçons de développer. Lorsque l'on parle de compétitivité, on invoque le coût, mais il faudrait aussi tenir compte de la valeur du travail. Nous avons 1 200 salariés qui travaillent en moyenne trente-cinq heures par semaine, ce qui équivaut à quelque 40 000 heures de travail hebdomadaire. Pour améliorer notre compétitivité et notre attractivité, mieux vaudrait chercher à optimiser la valeur de ces 40 000 heures plutôt que de se livrer à des calculs complexes sur les charges.
Nos consommateurs sont français mais nos clients sont internationaux, et ils font pression sur les prix. Ce qui nous renvoie à la LME. Pour notre part, nous nous intéressons plus au pouvoir d'achat qu'à l'effet de la volatilité des matières premières sur l'équilibre de notre compte d'exploitation.
Dans notre cas, la saisonnalité est très marquée : nous transportons quatre fois plus de marchandises au moment de Noël et de Pâques que le reste de l'année. Il nous serait donc utile de pouvoir recourir à des CDI de quelques mois, éventuellement cumulables avec d'autres sociétés – ce qui nous obligerait à travailler ensemble au niveau local.
En ce qui concerne la pression fiscale, la famille Ferrero est inquiète car on assiste en France à des débats anxiogènes, qu'il s'agisse de la taxe sur la bière, de l'amendement dit Nutella ou des profits nutritionnels. Or ces débats sont franco-français. Il n'est pas facile de faire comprendre à un groupe international, a fortiori italien, que l'huile de palme pose un problème crucial. En outre, l'année dernière, une fois l'impôt prélevé, il n'est rien resté des 10 millions d'euros de résultats supplémentaires que Ferrero France avait obtenus. Il est possible de l'expliquer à la famille en faisant valoir les textes législatifs en vigueur, mais cette situation sera difficile à supporter à long terme.