Intervention de Daniel Hochedez

Réunion du 24 janvier 2017 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Daniel Hochedez :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je suis très honoré et ému de comparaître aujourd'hui devant vous, à la suite d'une marque de confiance de M. le Président Bartolone qui a bien voulu me pressentir pour exercer les fonctions de membre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, fonctions dont il vous revient d'apprécier si je suis apte et digne de les exercer.

Je passe de l'autre côté du miroir : pendant toute ma carrière, j'ai été, dans d'autres instances de votre Assemblée, à la place de mes jeunes collègues qui entourent aujourd'hui votre président et votre rapporteur. Puis-je rejoindre la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique en tant que « personnalité qualifiée » ? La seule qualification que j'ose me reconnaître est d'avoir essayé, au long de ma vie professionnelle, d'accomplir au mieux les missions qui m'étaient confiées.

En me référant au trombinoscope de votre commission, je me suis rendu compte que je devais être un parfait inconnu pour la plupart d'entre vous. Il est vrai que j'ai quitté l'Assemblée nationale il y a maintenant trois ans et demi et que mon parcours ne m'a jamais directement conduit auprès de cette commission, même si je reconnais parmi vous des visages qui m'ont été rendus familiers dans d'autres instances de l'Assemblée. Je vais donc tâcher de vous résumer brièvement quel a été mon parcours, au-delà du curriculum vitae qui vous a été transmis et des réponses aux questions que m'a posées M. le rapporteur.

J'aurai bientôt soixante-sept ans, je suis issu d'une famille de province et je suis conscient que je dois beaucoup à l'école de la République. À vingt-et-un ans, après une maîtrise de droit et une formation à l'École nationale des impôts, j'ai exercé pendant trois ans les fonctions d'inspecteur des impôts dans un service dédié aux non-résidents, au sein duquel il fallait, outre la loi fiscale, appliquer les conventions internationales. Parallèlement, j'ai poursuivi mes études, obtenant le diplôme de l'Institut d'études politiques. Une sélection administrative m'a permis de bénéficier d'une année sabbatique pour préparer le concours de l'École nationale d'administration ; entre-temps, la réussite au concours d'administrateur m'a ouvert en 1975 les portes du Palais-Bourbon, où j'ai servi près de quarante ans – traversant dix législatures – sans lassitude et, bien au contraire, avec un plaisir et un enthousiasme toujours renouvelés.

Fonctionnaires de l'Assemblée, nous avons la chance, au cours d'une carrière qui se déroule dans les quelques milliers de mètres carrés qui nous entourent, de pouvoir nous tourner vers de multiples horizons. Jeune administrateur, je fus affecté à la commission de la Production et des échanges où j'ai notamment suivi des sujets très nouveaux pour moi – l'équipement, le logement, l'urbanisme, l'environnement – à une époque déjà fertile en réformes.

Puis, au début des années 1980, les autorités de cette maison ont décidé que l'équipe qui travaillait aux côtés du Rapporteur général de la commission des Finances ne serait plus composée de fonctionnaires du ministère des Finances – fâcheuse confusion entre contrôleurs et contrôlés – mais de fonctionnaires de l'Assemblée. J'ai donc participé à cette nouvelle équipe et nous avons défriché les matières budgétaires et fiscales face à un ministère des Finances dont il nous fallait littéralement arracher, pour le compte des parlementaires et du Rapporteur général, la collaboration et le respect.

Au milieu des années 1980, j'ai rejoint le service de la Séance où j'ai exercé pendant sept ans. Outre les travaux classiques de préparation des dossiers de séance, j'étais chargé des immunités et des incompatibilités parlementaires, sujets sensibles et juridiquement pointus qui ne sont pas sans lien avec les questions qui vous retiennent aujourd'hui. En 1988, j'ai été conduit à informer vos prédécesseurs des modalités nécessaires pour s'adapter à une innovation résultant des lois du 11 mars 1988 relatives à la transparence financière de la vie politique : la première déclaration de patrimoine exigée des élus.

Changement de perspective en 1991 : j'ai été désigné chef du secrétariat de la délégation pour les Communautés européennes, ancêtre de l'actuelle commission des Affaires européennes. Ce fut une mission passionnante : j'ai participé pendant six ans à l'élaboration et à la mise en oeuvre de procédures permettant aux parlementaires d'être informés et d'intervenir en amont dans l'élaboration d'une législation communautaire de plus en plus prégnante.

En 1997, je suis retourné à la commission des Finances en tant que chef du secrétariat du Rapporteur général. Aux activités législatives fiscales et budgétaires s'est ajouté ce qui constitue la plus grande fierté de ma carrière et de ma vie administrative : deux années de travaux pour aboutir à la rénovation, par les parlementaires eux-mêmes, de notre Constitution financière, avec l'élaboration de la loi organique relative aux lois de finances de 2001.

Ensuite, un nouveau défi s'est présenté : la direction de l'informatique de l'Assemblée. Je n'y étais guère préparé mais j'ai essayé, de 2001 à 2005, sous l'impulsion et avec le soutien du collège des Questeurs, de moderniser un outil vital pour le fonctionnement de l'institution avec, entre autres, la mise à la disposition de chaque député d'un équipement informatique dans son bureau – une première – et les développements initiaux qui ont abouti à la faculté que vous avez désormais de déposer vos amendements en ligne.

Puis, en 2006, les autorités m'ont confié la direction d'une nouvelle structure, le service de la Culture et des questions sociales, afin de mieux mobiliser des ressources humaines dispersées et inégalement employées pour faire face, notamment, à la nécessaire augmentation des travaux de contrôle.

Dernière étape, enfin : mon retour en 2008 auprès de la commission des Finances comme directeur du service des Finances publiques, où il me revenait de gérer les collaborateurs d'une instance bicéphale dotée – innovation importante – d'un président d'opposition et d'un Rapporteur général de la majorité. J'ai ensuite pris ma retraite avec le titre de directeur honoraire.

Parallèlement, j'avais été chargé pendant une dizaine d'années de modestes travaux dirigés en droit constitutionnel – une tâche intellectuellement rafraîchissante – et je me suis aussi efforcé de contribuer à des ouvrages permettant de mieux faire connaître l'Assemblée. Depuis ma retraite, je n'ai pas complètement rompu les ponts avec l'institution, me considérant comme « réserviste » et participant en tant que de besoin à des missions de formation : ainsi, j'étais il y a peu auprès des assemblées de Madagascar dans le cadre du dernier sommet de la Francophonie. J'ai également apporté mon concours à des instances du Conseil de l'Europe où siègent parlementaires et élus locaux.

Une personne ne se résume cependant pas à une carrière – surtout achevée – et si vous me le permettez, monsieur le président, je vous dirai quelques mots de ce que je fais lorsque je ne suis pas « réserviste » pour l'Assemblée nationale. Un peu d'écriture, d'abord : j'écris des articles dans des revues locales de la terre de mes ancêtres paternels, l'Argonne. Je vais bientôt publier une biographie de l'un de vos lointains prédécesseurs, au demeurant peu connu – Robert François George, qui était député à la Constituante et maire de Varennes-en-Argonne lors de l'arrestation de Louis XVI en juin 1791. Un engagement associatif, ensuite : je participe à des actions de solidarité, à des activités mémorielles et culturelles et à des actions en direction des jeunes, particulièrement dans l'enseignement professionnel.

Cela étant dit, la question qui se pose aujourd'hui est celle-ci : suis-je qualifié pour siéger au sein de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ? Je ne suis certes pas un spécialiste de ces questions, même si je les ai un peu abordées au cours de ma carrière et si je m'y plonge activement depuis quelques jours. J'ai toutefois le sentiment que mon parcours montre que j'ai été en mesure de m'adapter et de prendre à bras-le-corps les sujets divers et parfois tout nouveaux pour moi auxquels les hasards de ma vie administrative et de l'actualité politique m'ont confronté.

Au-delà de la technique, qui s'acquiert, les compétences et l'action de la Haute Autorité exigent de ses membres des qualités qui recoupent celles qu'exigent les fonctions que je me suis efforcé d'exercer – sans trop démériter, je crois – dans les services de l'Assemblée. M. le rapporteur m'ayant invité au péché d'immodestie, j'ai cité, en réponse à son questionnaire, quelques-unes de ces qualités que je ne rappellerai ici qu'en quelques mots : neutralité et impartialité, discrétion, nécessité de pratiquer des analyses objectives, écoute et dialogue, loyauté et respect des institutions et de la volonté du législateur.

Je me permettrai de souligner un dernier point : ma longue présence, dans l'ombre, aux côtés de décideurs dans cette maison, peut m'avoir donné le recul nécessaire pour l'exercice des compétences de la Haute Autorité, dont une me paraît assez délicate : l'appréciation d'éventuels conflits d'intérêts. M. le rapporteur m'a interrogé sur ce point et je me suis efforcé de lui répondre. Dans ce domaine, j'espère pouvoir apporter la vision sans a priori d'un citoyen un peu éclairé et conscient sur les contraintes et les modes de raisonnement des femmes et des hommes qui participent à l'exercice du pouvoir.

Le mouvement législatif qui s'est poursuivi et accéléré en 2013 est à la mesure des soucis et des attentes de l'époque. Je crois que nous ne sommes pas pour autant entrés dans « l'ère du soupçon ». Si la transparence et le contrôle sont indispensables à la confiance, leur mise en oeuvre doit s'accompagner de mesure, de bon sens et de respect pour ceux qui ont été élus ou désignés pour exercer des responsabilités publiques éminentes.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, il y a quelques semaines je n'étais candidat à rien, mais M. le Président de l'Assemblée nationale m'a convié à ce que je considère comme une belle aventure, utile pour nos institutions et pour notre pays puisqu'il s'agirait d'apporter une contribution à un exercice visant à conforter, sans céder ni à l'inquisition, ni au voyeurisme ni au soupçon permanent, les bases du lien de confiance entre les citoyens et ceux qui participent à l'exercice du pouvoir.

Je me présente donc aujourd'hui devant vous comme candidat à cette fonction et je vous remercie de votre attention, en espérant que j'ai pu vous convaincre que j'ai sinon les qualités et les connaissances techniques, du moins la volonté d'exercer, conformément à la loi qui relève du seul législateur, les fonctions de membre de la Haute Autorité avec conscience, indépendance, objectivité, impartialité et discrétion, en m'efforçant d'être durant mon éventuel mandat digne de votre confiance, si vous voulez bien valider ma désignation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion