Intervention de Patrick Mennucci

Réunion du 24 janvier 2017 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Mennucci, rapporteur :

Monsieur le président, mes chers collègues, le 28 avril 2016, l'Assemblée nationale adoptait définitivement, à l'unanimité, en deuxième lecture, la proposition de loi renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme. Ce texte était nécessaire. Avant son adoption, les outils visant à prévenir les violences dans les enceintes sportives et à leurs abords apparaissaient insuffisamment efficaces. Or, face à la multiplication des incidents survenus à l'occasion de rencontres sportives, parfaitement intolérables et profondément contraires aux valeurs du sport, les pouvoirs publics ne pouvaient pas rester inactifs.

La loi du 10 mai 2016 renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme a donc opportunément donné aux clubs sportifs les moyens de mieux assumer leurs obligations en matière de sécurité et modifié, pour le rendre plus efficace, le régime des interdictions de stade – de nature administrative surtout mais aussi judiciaire.

Par ailleurs, le législateur s'est attaché à faciliter les modalités du dialogue entre les supporters, les clubs et les pouvoirs publics en même temps qu'il a confié aux premiers un rôle plus important dans l'organisation des manifestations et compétitions sportives ainsi que dans la promotion des valeurs du sport.

Pour produire pleinement leurs effets, certaines dispositions de la loi devaient être complétées par des mesures réglementaires. C'est pourquoi nous avons souhaité, Guillaume Larrivé et moi, procéder à l'évaluation de la mise en application du texte dans les conditions prévues à l'article 145-7, alinéa 1, du Règlement de l'Assemblée nationale.

Avant de faire état des décrets pris pour l'application de la loi qui figurent en annexe du rapport, nous rappellerons brièvement les principales dispositions du texte adopté en avril dernier. Je présenterai les dispositions destinées à doter les clubs sportifs et les pouvoirs publics d'outils plus efficaces pour prévenir les violences dans les stades et à leurs abords.

À titre liminaire, il faut rappeler qu'avant la loi du 10 mai 2016, les clubs disposaient de marges de manoeuvre limitées pour éloigner des stades les personnes n'y ayant pas leur place. Certes, il leur incombait d'en refuser l'accès aux personnes interdites d'y pénétrer. Mais, pour le reste, un flou juridique entourait les conditions dans lesquelles ils pouvaient refuser de vendre un billet ou interdire l'accès au stade aux personnes qui, sans être sous le coup d'une interdiction de stade, présentaient, au regard de leur comportement, une menace pour la sécurité des autres spectateurs, des sportifs ou de l'arbitre.

C'est pourquoi l'article 1er de la loi a inséré, à l'article L. 332-1 du code du sport, une disposition qui ouvre aux clubs la possibilité de refuser ou d'annuler la délivrance de titres d'accès à ces manifestations ou d'en refuser l'accès aux personnes qui auraient contrevenu ou contreviendraient aux dispositions des conditions générales de vente ou du règlement intérieur relatives à la sécurité desdites manifestations. Parallèlement, et pour garantir l'effectivité du dispositif, le législateur les a autorisés à établir un fichier de façon qu'ils soient en mesure de conserver une trace des comportements irrespectueux des dispositions en question. Un décret en Conseil d'État pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) devait préciser les conditions dans lesquelles les clubs peuvent mettre en oeuvre un tel fichier.

Ce décret a été pris le 28 décembre 2016. Il définit, dans une nouvelle section du chapitre II du titre III du livre III de la partie réglementaire du code du sport, les règles qui s'imposent aux clubs dès lors qu'ils décident d'élaborer un fichier de ce type. Concrètement, il dresse la liste exhaustive des informations qui peuvent y être mentionnées : identification des individus concernés, motifs de l'enregistrement, décisions prises par les clubs ; il fixe la durée maximale de conservation des informations en question ; il donne le détail des personnes qui peuvent y accéder ou en avoir simplement connaissance ; il organise la traçabilité des opérations de consultation du fichier ; il impose aux clubs de porter à la connaissance du public plusieurs informations relatives au fichier.

Les articles 3 et 4 de la loi ont, pour leur part, modifié le régime de l'interdiction de stade. Le premier a porté la durée de l'interdiction administrative de stade, prévue à l'article L. 332-16 du code du sport, de 12 à 24 mois, voire 36 mois – et non plus 24 – dans le cas où la personne aurait déjà fait l'objet d'une telle mesure au cours des trois années précédentes. Le second a prévu, aux articles L. 332-15 et L. 332-16 du même code, que les organismes sportifs internationaux pourraient désormais être destinataires de l'identité des personnes faisant l'objet d'une interdiction judiciaire ou administrative de stade dès lors qu'une équipe française participerait à la manifestation qu'ils organisent.

Enfin, l'article 5 de la loi a défini de nouvelles règles applicables à la vente des cartes annuelles d'abonnement aux stades, cartes qui ne peuvent plus être vendues que par le club, une société commerciale mandatée par lui à cet effet ou un comité d'entreprise, ainsi que le prévoit le nouvel article L. 332-1-1 du code du sport. Ce même article précise que ces titres d'accès peuvent être nominatifs.

Je me félicite que le décret nécessaire à l'entière application de l'article 1er de la loi ait été pris. J'ajoute que les dispositifs créés par la loi du 10 mai 2016 qui visent à mieux prévenir les violences commises lors des rencontres sportives commencent à être utilisés. Il faut que les clubs se les approprient pleinement, ce que la publication des mesures réglementaires ne manquera pas de favoriser, et j'espère que le travail que nous avons accompli avec Guillaume Larrivé pourra y contribuer.

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