Intervention de Cécile Untermaier

Réunion du 25 janvier 2017 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier, rapporteure :

J'interviens à nouveau devant vous sur les obligations déontologiques applicables aux membres du Conseil constitutionnel. Lorsqu'il a été saisi du projet de loi organique relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, dans lequel des dispositions semblables avaient été introduites, le Conseil constitutionnel a considéré, en effet, que le véhicule législatif choisi n'était pas le bon. L'objet de la présente proposition de loi organique est, précisément, de les intégrer à notre droit à travers un support adapté.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, le Conseil constitutionnel est à peu près dépourvu de régime déontologique de nature à prévenir les conflits d'intérêts parmi ses membres et à y mettre fin, alors qu'il y est tout aussi exposé que d'autres institutions. L'ordonnance du 7 novembre 1958 impose des obligations assez limitées : elle n'envisage la protection de l'indépendance des membres du Conseil et de la dignité de leur fonction que sous l'angle des incompatibilités professionnelles.

Pourtant, sous cette législature, nous avons adopté des instruments nouveaux – déclarations d'intérêts et de situation patrimoniale – auxquels sont assujettis des publics nombreux : les lois organique et ordinaire du 11 octobre 2013 sur la transparence de la vie publique concernent les ministres, les parlementaires, les exécutifs locaux, les membres d'une autorité administrative indépendante et certains emplois publics ; la loi du 20 avril 2016 sur la déontologie dans la fonction publique inclut dans son champ d'application les agents publics, les militaires et les fonctionnaires ainsi que les membres des juridictions administratives et financières ; la loi organique du 8 août 2016, dont j'ai eu l'honneur d'être la rapporteure, vise les magistrats des juridictions judiciaires ainsi que les membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) ; dernièrement, la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a modifié le régime applicable aux juges des tribunaux de commerce.

Comme je vous l'ai indiqué, notre Commission a déjà approuvé un dispositif comparable à celui que je vous propose aujourd'hui, à l'occasion de la discussion du projet de loi organique relatif au statut des magistrats. Ces dispositions avaient été votées dans le cadre de la commission mixte paritaire, qui fut conclusive. Autrement dit, le Sénat avait partagé l'objectif de l'amendement proposé par l'Assemblée nationale. Nous avons été surpris que le Conseil constitutionnel censure ce dispositif en raison de sa procédure d'adoption. Ce faisant, le Conseil a infléchi sa jurisprudence en considérant que des dispositions ne pouvaient être introduites dans une loi organique dès lors qu'elles relèvent d'autres habilitations constitutionnelles que celles sur le fondement desquelles le projet ou la proposition de loi a été initialement déposé. Dont acte.

Pour autant, il va de soi que le législateur organique conserve toute latitude de modifier, dans un véhicule ad hoc, les obligations qui s'imposent aux membres du Conseil constitutionnel, ainsi que celui-ci l'a lui-même rappelé dans sa décision du 28 juillet 2016. Avec la présente proposition de loi organique, je vous invite à leur appliquer – président, membres de droit, membres nommés – les mêmes standards de transparence qu'au reste de la justice. Ceux-ci seraient tenus d'établir une déclaration d'intérêts, dont le régime, notamment le contenu et les sanctions pénales, serait défini de manière identique à ce qui figure dans la loi organique du 8 août 2016 pour les magistrats et les membres du CSM. Cette déclaration d'intérêts serait mise à la disposition des autres membres du Conseil, mais elle ne serait pas communiquée aux tiers.

Les membres du Conseil constitutionnel devraient également transmettre à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) une déclaration « exhaustive, exacte et sincère » de situation patrimoniale, obligation qui incombe désormais à presque tous les acteurs de la sphère publique.

En la matière, ma proposition de loi reprend les termes des lois du 11 octobre 2013 et transpose les dispositions retenues – contenu, pouvoirs de contrôle de la HATVP, sanctions pénales – pour les seuls membres du CSM. Je vous rappelle, en effet, que le juge constitutionnel a censuré le régime de déclaration de situation patrimoniale des magistrats judiciaires : il a estimé que celui-ci introduisait une différence de traitement entre certains magistrats soumis à cette obligation et les autres au sein d'une juridiction ; pour autant, il n'a pas considéré que l'obligation de déclaration de patrimoine en elle-même méritait sa censure.

En revanche, j'ai renoncé à étendre ces obligations déontologiques au secrétaire général ou aux services du Conseil constitutionnel, dont le régime relève exclusivement du pouvoir réglementaire. Je ne vous propose pas non plus de définir en détail les instruments et les procédures internes au Conseil constitutionnel permettant de prévenir les conflits d'intérêts : selon moi, il appartiendra au pouvoir réglementaire ou à de bonnes pratiques d'y pourvoir.

Je soumettrai néanmoins au vote de la Commission quelques amendements destinés à compléter et à améliorer le texte, sur le fond et sur la forme.

À l'instar des autres propositions de loi examinées ce matin, celle-ci ne pourra sans doute pas achever son parcours parlementaire avant que notre assemblée et le Sénat ne suspendent leurs travaux. Mais je gage que le texte que nous voterons, j'en suis sûre, dans quelques instants, pourra inspirer utilement le travail de la prochaine Assemblée nationale.

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