Intervention de Fanny Dombre Coste

Réunion du 25 janvier 2017 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFanny Dombre Coste, rapporteure :

Chers collègues, cette législature aura permis de réelles avancées sur le front de la moralisation de la vie publique. Tout d'abord, les lois organique n° 2013-906 et ordinaire n° 2013-907 du 11 octobre 2013, relatives à la transparence de la vie publique, ont marqué une avancée significative pour le respect des règles éthiques par les responsables publics. Ensuite, la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, a renforcé les sanctions liées aux atteintes à la probité. Enfin, la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi « Sapin II », récemment adoptée, a permis de réaliser de nouveaux progrès en matière de transparence et de modernisation de la vie économique et de lutte contre la corruption.

Pour autant, notre pays et ses institutions font face à une défiance inédite, à laquelle nous devons continuer de répondre. Cette perte de confiance atteint directement les conditions du débat démocratique et sert de terreau aux mouvements populistes. Nous ne pouvons plus laisser prospérer les doutes quant à l'intégrité des responsables publics. La collectivité a le droit, voire le devoir, de contrôler la probité de ses élus, tout comme elle en contrôle désormais l'enrichissement.

Les recommandations sont nombreuses en la matière. Pour n'en citer qu'une, parce que c'est celle qui a inspiré les présentes propositions de loi, le Service central de prévention de la corruption suggérait, en 2013, d'instituer une nouvelle condition d'éligibilité des personnes aux mandats publics. C'est la proposition que nous faisons aujourd'hui, c'est-à-dire la présentation d'un casier judiciaire vierge de certaines mentions limitativement énumérées. Comment pouvons-nous justifier que près de 400 professions – parmi lesquelles celles de médecin, d'infirmière et de policier – soient soumises à cette exigence et que nous-mêmes, élus, en soyons exemptés ?

C'est sur cette logique que reposent les propositions de loi. Elles ne prévoient pas une peine d'inéligibilité automatique, qui aurait été censurée par le Conseil constitutionnel comme le fut l'article L. 7 du code électoral dans la décision n° 2010-67 QPC du 11 juin 2010 ; elles mettent en place une nouvelle condition d'éligibilité. L'objectif n'est pas de sanctionner plus durement un coupable, mais de garantir que les candidats aux charges publiques font montre d'une bonne moralité.

Nous nous sommes appuyés pour leur rédaction sur deux dispositions du bloc de constitutionnalité : d'abord le dernier alinéa de l'article 3 de la Constitution, qui dispose que les conditions pour être électeur, et donc éligible, sont déterminées par la loi ; ensuite, l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui prévoit que « tous les citoyens (…) sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ». Le droit de vote est très largement garanti à tous les citoyens sous la triple condition de majorité, de nationalité et de capacité. En revanche l'éligibilité est susceptible de recevoir des restrictions sur le fondement des vertus de chacun.

En dépit de ce que pourrait laisser supposer une lecture sommaire, le dispositif proposé diffère totalement de celui de l'ancien article L. 7 du code électoral. Comme l'a remarqué le Conseil constitutionnel, il s'agissait bien alors d'une peine : l'interdiction d'inscription sur les listes électorales était consécutive à la condamnation pénale dont elle découlait directement. Il n'en va pas de même du mécanisme envisagé aujourd'hui : si la condamnation pénale mène à une restriction de l'éligibilité, le processus n'est pas direct. La condamnation est d'abord inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ; sa mention fait obstacle à l'éligibilité dans un deuxième temps. Cette inscription n'a aucun caractère punitif et ne soulève d'ailleurs aucune difficulté lorsqu'elle induit l'impossibilité d'accéder à un ensemble de professions, au premier rang desquelles la fonction publique, alors même que la liberté d'y entrer a rang constitutionnel.

Les remarques de certains collègues lors du dépôt de ces propositions de loi, mais également les auditions que j'ai menées ces derniers jours en tant que rapporteure, nous conduisent, Mme Françoise Descamps-Crosnier et moi, à vous proposer des amendements importants.

Tout d'abord, sur le champ des condamnations, il nous a semblé important de prendre en considération le cas des élus locaux, malheureusement parfois condamnés dans l'exercice de leurs missions pour des faits involontaires. Nous avons donc fait le choix de retenir uniquement les crimes, les manquements à la probité, les fraudes fiscales et électorales et les délits sexuels.

Afin d'assurer l'effectivité technique de la mesure, nous prévoyons, hormis pour l'élection présidentielle, un contrôle à la fois a priori et a posteriori sur le principe du droit commun. Si la préfecture venait à constater qu'une personne n'était pas en règle avant l'élection, elle refuserait d'enregistrer sa candidature ; si elle le constatait après l'élection, elle prononcerait une démission d'office. Tout cela a lieu sous le contrôle du juge administratif, voire du Conseil constitutionnel pour les parlementaires.

Il est prévu que la mise en application des deux propositions de loi se fasse de façon étagée, après les élections générales survenant suite à la promulgation des textes. Cela évitera que des élus soient déchus de leur mandat alors même que la règle d'éligibilité n'était pas en vigueur au moment de leur élection.

Mes chers collègues, ne nous trompons pas : il n'est pas question de jeter l'opprobre sur l'ensemble de la classe politique. Une très large majorité d'élus sont exemplaires ; c'est une infime minorité qui jette le discrédit sur tous les autres. Pourtant, la confiance n'est pas accessoire mais indispensable. Elle est une condition de survie de notre démocratie représentative. C'est pourquoi je vous engage à soutenir ce texte à mes côtés.

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