L'égalité entre les femmes et les hommes est une politique qui a progressé depuis plusieurs dizaines d'années en France. Les formations de gauche ont largement joué un rôle moteur dans chaque avancée en faveur d'une égalité, non seulement de principe, mais de réalité. Depuis 2012, plusieurs lois ont ainsi intégré l'objectif d'égalité et ont prévu des sanctions en cas de manquement. Ces lois furent adoptées à l'initiative du Gouvernement ou des parlementaires, et souvent sous l'aiguillon bien utile de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de notre assemblée. Elles le furent aussi grâce à la combativité et à la présence active des femmes élues.
Notre collègue Marie-George Buffet souhaite « agir concrètement en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ». Or, je l'ai dit, il y a eu des avancées sur l'égalité professionnelle entre femmes et hommes depuis 2012, et des avancées concrètes, même si l'arsenal répressif qui y est attaché peut lui sembler trop doux.
Notons aussi, au passage, qu'à un mois de la fin de la législature, la discussion en première lecture d'une proposition de loi permet, ne serait-ce que par le jeu de la navette entre les assemblées, de douter sérieusement de son caractère concret, même si les intentions en sont tout à fait louables et sincères. C'est pourquoi, tout au long de l'examen de ce texte, le groupe Socialiste, écologiste et républicain (SER) prônera la responsabilité et la cohérence avec ses travaux lors de cette législature.
Ainsi, nous rejetterons les articles 1 à 6 et l'article 9 qui remettent en cause les équilibres récemment trouvés, soit par les partenaires sociaux dans le cadre des accords nationaux interprofessionnels, soit par le législateur dans le cadre de dispositions législatives récemment adoptées.
Pour ce qui est de l'article 1er, il introduit une obligation de résultats sur la négociation annuelle obligatoire relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail. Or le principe même de négociation est incompatible avec l'idée d'obligation de résultats. La négociation ne peut aboutir qu'à deux hypothèses : soit un accord est conclu entre les parties, soit aucun accord n'est conclu et un procès-verbal de désaccord est établi.
L'article 2 propose une pénalité à l'encontre des entreprises de cinquante salariés et plus qui ne transmettent pas d'informations permettant d'apprécier la situation comparée des femmes et des hommes dans l'entreprise ; or une telle pénalité existe déjà.
Les articles 3, 4, 5 et 6 remettent en cause les équilibres conclus par les organisations syndicales et patronales et encadrés et améliorés par le législateur, ou adoptés par lui.
Quant à l'article 9, le groupe de travail, lancé à l'automne 2014, sur la lutte contre les discriminations dans le monde du travail a émis, dans son rapport remis en mai 2015, de fortes réserves concernant la proposition d'instauration d'un registre d'embauche. Il préconise plutôt de poursuivre la réflexion avant toute mise en oeuvre, « si on veut déboucher sur des mesures crédibles, car opérationnelles ». Ce même article 9 crée une obligation de notification des droits garantis dans le code du travail en matière de lutte contre les discriminations. Or cette obligation existe par l'article L. 1142-6 du code du travail, qui dispose que, dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l'embauche, les candidats sont informés, par tout moyen, des dispositions pénales existant en matière de discrimination.
Toutefois, toujours dans un souci de cohérence, nous adopterons l'article 7 étendant le congé maternité. Il anticipe des dispositions européennes à venir ; il s'inscrit dans un mouvement d'amélioration de la protection des femmes enceintes, dans la continuité, notamment, de la loi travail qui a porté de quatre à dix semaines la période de protection contre le licenciement.
Enfin, concernant l'article 8, l'allongement du congé de paternité, devenu, grâce à notre majorité en 2012, « congé de paternité et d'accueil de l'enfant », nous paraît opportun. Mais cet allongement doit rester réaliste et raisonnable au regard des dépenses qu'il engendre. C'est pourquoi nous nous abstiendrons pour le vote en commission et proposerons, en séance publique, un amendement cohérent avec ce que nous proposions dans une précédente proposition de loi en 2010, soit un allongement de trois jours, portant ce congé de onze à quatorze jours et de dix-huit à vingt et un jours en cas de naissances multiples. Notons également que les trois jours de naissance s'ajoutent à ce congé.
Vous l'avez compris, le groupe SER ne pourra pas voter en l'état ce texte.