Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 6 février 2013 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, président :

Nous avons le grand plaisir d'être en relation, grâce à une liaison vidéo, avec Sir John Vickers, économiste, directeur du All Souls College de l'Université d'Oxford, qui a présidé, en 2011, une commission indépendante sur le système bancaire au Royaume Uni, dans la perspective d'une réforme structurelle.

Je vous remercie, Sir John, d'avoir accepté de vous entretenir avec nous, et je vous prie de bien vouloir excuser les quelques minutes de retard avec lesquelles nos échanges commencent. C'est que notre Parlement est fort occupé à débattre, depuis de nombreux jours, de l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe, une mesure dont j'apprends que le Parlement britannique l'a adoptée en quelques heures…

Le législateur français s'apprête à examiner un projet de loi qui tend à imposer la séparation des activités bancaires en cantonnant les activités spéculatives dans une filiale spécifique du groupe bancaire et à créer un système de résolution des défaillances bancaires. Il s'agit principalement d'éviter la prise en charge d'un défaut par les États, et donc par les contribuables.

Vos recommandations, Sir John, tendent à la séparation radicale des activités de la banque de détail et de celles de la banque d'investissement : la banque de détail ne devrait plus avoir d'activité pour compte propre ni d'activité de tenue de marché. Vous préconisez également un niveau de fonds propres élevé pour les banques ayant des activités à risque. Vos propositions ont été largement reprises par M. George Osborne, ministre des Finances, mais la date de leur entrée en vigueur ne cesse de reculer ; on parle aujourd'hui de 2019.

Le système que vous préconisez a-t-il, selon vous, valeur universelle, quel que soit le mode de financement de l'économie – en majorité par le marché comme au Royaume-Uni et aux États-Unis, ou par l'intermédiaire des banques, comme c'est le cas en France et en Allemagne ? Pourquoi vos propositions n'entreront-elles en vigueur qu'en 2019 ?

Sir John Vickers. Je mesure l'honneur qui m'est fait d'être invité à participer à vos travaux ce matin et je vous en remercie.

Il va sans dire que pour définir les recommandations que nous allions soumettre à notre gouvernement, nous avons analysé en détail le système bancaire britannique, caractérisé par des établissements de très grande taille, lesquels ont traversé une crise très dure dont nous continuons de subir les conséquences. Je n'ai jamais prétendu que nos propositions avaient valeur universelle, mais je pense que les principes qui les sous-tendent peuvent avoir une application générale ; j'observe d'ailleurs bien des points communs entre nos propositions et celles que contient le rapport Liikanen rédigé à la demande de la Commission européenne. L'approche retenue par M. Erkki Liikanen est, par nature, plus large que la nôtre, mais il s'agit aussi de combiner réforme structurelle et renforcement de la capacité de renflouement des banques endettées. Certes, le rapport Liikanen n'utilise pas le terme de « cantonnement, » mais le principe est le même, puisqu'il préconise la séparation, au sein d'une banque universelle, des activités de dépôt et des activités de marché. De même, aux États-Unis, on parle beaucoup de la réglementation Volcker, qui prend la suite du Glass-Seagall Act, loi qui tendait déjà à réglementer l'activité de trading ; la réglementation Volcker me semble avoir également de nombreux points communs avec le texte que vous examinez en ce moment.

Croire que notre gouvernement ne cesse de repousser la date d'entrée en vigueur de la réforme bancaire est une impression fausse. En lui remettant nos recommandations, en septembre 2011, nous préconisions une application complète fin 2018 ou début 2019, en même temps que l'accord Bâle III, selon un calendrier progressif en fonction des mesures proposées. Ainsi, la réforme relative à la concurrence sera probablement mise en place d'ici un an, et le cantonnement pourrait avoir lieu avant 2019.

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