Intervention de Alexandra Koulaeva

Réunion du 12 janvier 2017 à 10h00
Mission d'information sur les relations politiques et économiques entre la france et l'azerbaïdjan au regard des objectifs français de développement de la paix et de la démocratie au sud caucase

Alexandra Koulaeva, responsable du bureau Europe de l'Est et Asie centrale de la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH :

Il n'était assorti d'aucune motivation.

Nous continuons de nous rendre en Azerbaïdjan, mais de façon moins ouverte. Nous entretenons parallèlement des relations très étroites avec nos organisations partenaires qui travaillent de plus en plus clandestinement du fait de la répression de ces dernières années.

Nous avons publié de nombreux rapports faisant état, en Azerbaïdjan, d'une répression sans précédent contre les défenseurs des droits de l'Homme, les blogueurs et les opposants politiques. Il s'agit des trois groupes contestataires les plus réprimés ces derniers temps.

La plupart des défenseurs des droits de l'Homme arrêtés en 2014-2015 ont été relâchés grâce aux pressions internationales – la forte mobilisation de la FIDH dans ce contexte explique en partie le refus absolu de la part des autorités de notre présence dans le pays. Nos rapports relèvent les mauvais traitements dont font l'objet les personnes arrêtées sur le fondement de charges fabriquées, leurs avocats subissant une pression d'intensité presque égale à celle exercée contre leurs clients, au point que certains ont perdu le droit d'exercer leur profession pour avoir défendu des prisonniers politiques. À la suite de cette mobilisation internationale de grande ampleur, ces militants, dont Leyla et Arif Yunus, que vous avez mentionnés, monsieur le président, dans votre intervention liminaire, ont été libérés, mais leurs comptes demeurent gelés, leurs organisations fermées, leurs collègues sous pression. Nombre de ces militants remis en liberté qui souhaiteraient quitter le pays en ont l'interdiction, comme, de plus en plus, ceux qui sont considérés par les autorités comme des opposants ou même des voix critiques.

Selon nos travaux, la deuxième catégorie d'individus les plus menacés est celle des journalistes et, surtout, des blogueurs. Ainsi, il y a quatre jours, Mehman Huseynov a été arrêté, en fait attaqué par huit personnes qui l'ont jeté dans une voiture, l'ont bâillonné et ont enveloppé sa tête d'un sac ; ils l'ont frappé pendant tout le trajet les menant au commissariat, où il est arrivé dans un état physique assez critique – la tête blessée et le nez en sang. Il a ensuite été torturé trois heures durant – on lui a infligé des décharges électriques – afin d'obtenir de lui les codes de ceux qui avaient accès à sa page Facebook ainsi que la promesse de ne plus exercer ses activités. Puisque resté inflexible malgré les tortures dont il a été victime, il a été accusé de résistance à la police ; cela, à l'instar de bien d'autres blogueurs en janvier, en mars, en août et en novembre 2016. Je précise que trois de ces derniers, eux aussi arrêtés et frappés, ont été filmés en train de nettoyer les toilettes du commissariat, ce qui constitue, dans la culture de ce pays, une violente insulte pour un homme ; les images en ont été diffusées par la suite afin d'exercer sur eux une pression.

Enfin, troisième catégorie, les militants politiques, membres des mouvements d'opposition, comme Nida, organisation de jeunes en faveur de la démocratie, sont pour la plupart victimes de harcèlement judiciaire, de harcèlement physique, et sont souvent condamnés à des amendes ou à une détention prolongée. Au moins quinze personnes sont ainsi en prison pour le seul motif d'avoir exercé leur droit d'expression.

En dernier lieu, je souhaite mentionner les pressions dont sont victimes les personnes parvenues à quitter le pays, installées pour beaucoup à Berlinou en Suisse, et qui, comme journalistes indépendants, travaillent sur la situation en Azerbaïdjan. Souvent leur famille en paye le prix. Le frère de l'un de ces journalistes est en effet détenu et les proches des autres sont harcelés ou menacés de harcèlement, interpellés brutalement par les forces de l'ordre afin qu'eux-mêmes fassent pression sur le journaliste exilé pour qu'il cesse ses activités sans pour autant pouvoir revenir en Azerbaïdjan. Le cas le plus célèbre est celui d'Emin Huseynov qui préside l'Institut pour la sécurité et la liberté des reporters – organisation dont l'un des dirigeants a été tué au cours d'une attaque en 2015 et un autre emprisonné il y a peu pour son activité de blogueur. Emin Huseynov vit actuellement en Suisse et ses proches, restés en Azerbaïdjan, subissent en permanence la pression des autorités.

Voilà un aperçu d'une situation fort compliquée. J'insiste sur le fait que lorsque nous menons en Azerbaïdjan une mission, officielle ou non, nous sommes ouvertement suivis autant pour nous surveiller que pour nous intimider.

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