Intervention de Alexandra Koulaeva

Réunion du 12 janvier 2017 à 10h00
Mission d'information sur les relations politiques et économiques entre la france et l'azerbaïdjan au regard des objectifs français de développement de la paix et de la démocratie au sud caucase

Alexandra Koulaeva, responsable du bureau Europe de l'Est et Asie centrale de la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH :

Lorsque les charges sont politiques, nous constatons les dysfonctionnements de la justice depuis l'arrestation des personnes jusqu'à la période faisant suite à leur libération.

Pour prendre un exemple parmi beaucoup d'autres, Mehman Huseynov a été kidnappé il y a trois jours, et finalement condamné à une amende. Il a témoigné de tortures extrêmement violentes. À l'oeil nu, il est possible de constater qu'il a été battu, et lorsqu'il est sorti de son procès, il était dans un état qui témoignait encore des tortures qu'il avait subies. Il a rapporté l'utilisation de décharges électriques, de coups et d'humiliations. Le ministère de l'intérieur, saisi de ces accusations, a répondu que, dans les organes de la police en Azerbaïdjan, les gens ne sont jamais battus ni torturés à l'électricité, et que tout cela n'était que diffamation. Aucune enquête n'a été ouverte, aucune recherche n'a été faite. Le vice-président des services de presse du ministère de l'intérieur a rejeté toute possibilité d'enquête sur ces allégations.

Cet exemple récent et basique montre que dès qu'une personne devient victime de l'arbitraire, elle n'a aucune possibilité de recours. Les cas de tous nos collègues tels que le couple Yunus ou Intiqam Aliev et d'autres activistes sont identiques : non seulement ils sont accusés de choses qu'ils n'ont jamais faites, mais ils sont privés de la possibilité de se défendre et maltraités, parfois battus, toujours humiliés, et détenus le temps nécessaire avant d'être relâchés, selon les termes assez vagues d'un pardon présidentiel qui ne leur rend ni leurs droits civiques, ni l'usage de leurs comptes bancaires, ni la santé qu'ils ont perdue en détention, pas plus qu'il ne restaure leur réputation ou leur image qui a été traînée dans la boue pendant le procès par toute la presse gouvernementale.

En réponse à votre question : je pense que la justice est complètement instrumentalisée en Azerbaïdjan et que, dans les cas relevant de motifs politiques, l'influence de l'Exécutif sur les décisions judiciaires est extrêmement forte et décomplexée. Je peux fonder cette accusation sur de nombreuses décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) faisant état de ces dysfonctionnements, depuis l'arrestation jusqu'à la libération, et encore après, puisque les droits civiques des victimes ne sont pas restaurés après la libération, pour celles qui ont eu la chance d'être libérées.

L'influence éventuelle de la Russie est une question qui sort de notre champ de compétence. Nous travaillons sur des violations des droits humains précises, factuelles et documentées par nos organisations. Je ne peux pas, de manière documentée et factuelle, répondre à cette question dans le cadre de mon mandat.

Enfin, la FIDH rend publics ses rapports, communiqués de presse et appels urgents dans les cas d'attaques personnelles, et les diffuse largement auprès des instances internationales et de ceux qui nous semblent pouvoir être intéressés par ces informations. Nous n'avons pas d'action visant en particulier un des groupes que vous avez rencontrés, mais nous avons utilisé des moments tels que le Grand Prix de Formule 1 de Bakou ou d'autres activités qui portaient l'attention internationale sur Bakou et l'Azerbaïdjan comme point de départ pour les campagnes de sensibilisation sur la situation en Azerbaïdjan, notamment à l'égard des sociétés qui soutenaient ces grands événements. Par exemple, lors des Jeux européens de Bakou en juin 2015, tous nos collègues étaient encore en détention. Nous avons alors créé un outil sur les réseaux sociaux permettant à ses utilisateurs de saisir par Twitter ou Facebook des acteurs soutenant financièrement cet événement en faisant part de nos préoccupations.

Nos actions restent des démarches publiques de sensibilisation, d'alerte et de communication.

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