Intervention de Patrick Hetzel

Réunion du 25 janvier 2017 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Hetzel :

En matière législative, le principe essentiel de clarté de la loi pénale est de valeur constitutionnelle. S'il n'est pas respecté, le régime de l'arbitraire prévaut malheureusement. Or, les débats qui se sont tenus au Sénat en première lecture montrent bien que ce texte pose un véritable problème de principe au regard de l'exigence démocratique. Le tâtonnement rédactionnel s'est soldé par une modification timide d'un texte qui avait déjà été modifié en 2014, ce qui illustre toute la difficulté qu'ont ses auteurs à concilier les différents objectifs invoqués dans l'exposé des motifs.

Selon nous, ce texte contrevient à l'évidence à la liberté d'expression ; il remet donc en cause les libertés fondamentales. La création de ce que l'on peut appeler un « délit d'entrave intellectuelle », selon l'expression du rapporteur de la Commission des lois du Sénat, M. Michel Mercier, s'apparente dangereusement à celle d'un délit d'opinion.

Pour étayer mon propos, permettez-moi de reprendre l'analyse de Mme Fabienne Siredey-Garnier, présidente de la dix-septième chambre du tribunal de grande instance de Paris, spécialisée dans le droit de la presse, selon qui cette proposition de loi, dans la rédaction proposée, reviendrait à « obliger le juge à entrer dans un débat de nature scientifique et médicale qui n'est pas le sien et dont toutes les données ne sont pas maîtrisées » par l'ordre judiciaire, et aurait pour effet « faire peser sur tous les sites qui prônent de manière générale d'autres solutions que l'avortement la menace de poursuites ».

J'insiste sur le décalage qui existe entre votre discours, madame la rapporteure, et ce que permettrait concrètement de faire le texte proposé, manifestement liberticide – et qui pose en outre un problème de constitutionnalité. Le rapporteur du Sénat souligne également que dans la version votée par l'Assemblée, ce texte pourrait conduire à considérer que les pressions psychologiques constituent une entrave physique. Voilà qui résume bien l'essentiel du débat, et qui montre que le raisonnement initial est biaisé. Même modifié, ce texte ne peut que contrevenir à la liberté d'expression, pourtant garantie par l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. C'est la raison pour laquelle nous demanderons la suppression de l'article unique.

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