On constate que la séparation des activités bancaires peut être régie par un éventail de principes. Au-delà, se pose la question des objectifs que se fixent les banques. Selon un rapport de la Commission européenne, entre octobre 2008 et octobre 2011, les aides des États membres – pour l'essentiel en garantie - en faveur des établissements financiers ont représenté près de 40 % du PIB de l'Union européenne. C'est dire que les plans de sauvetage n'ont pas incité les banques à réduire les risques. Ne devrait-on les contraindre à justifier à quelles fins elles utilisent les fonds qui leur ont été confiés par les contribuables ? Ne devrait-on instituer des sanctions applicables aux banques qui préfèrent payer une amende plutôt que de rendre des comptes sur des pratiques plus que discutables ?
Sir John Vickers. Le Glass Steagall Act avait déjà pour objectif de scinder les activités bancaires pour garantir la sécurité des déposants. Si certaines dispositions de cette loi ont été abrogées en 1999, d'autres demeurent en vigueur, notamment celle qui fait l'objet de l'article 23A du Federal Reserve Act et qui règle les transactions entre les banques membres de la Réserve fédérale et celles de leurs filiales qui ne sont pas des établissements bancaires. Cette disposition a été complétée par le Dodd-Franck Act. Ainsi, aux États-Unis, la séparation des activités est structurée de longue date ; ce n'est pas le cas en Europe, où toutes sont indifféremment exercées au sein des mêmes entités. C'est à quoi les réformes proposées par les « frères» Vickers et Liikanen veulent remédier.
Vous avez évoqué le fait que les aides des États membres aux établissements financiers ont représenté quelque 40 % du PIB de l'Union européenne. Ce montant reflète l'exposition du contribuable, donne la mesure de l'incapacité du secteur bancaire à absorber ses pertes et indique qu'il y a cinq ans les gouvernements ne se sont pas lancés dans une réforme structurelle. L'impératif social et économique était certes de maintenir l'activité des banques classiques, mais cela a conduit à devoir sauver la Royal Bank of Scotland qui, aucune réglementation ne l'en empêchant, se livrait sans mesure à de tout autres activités que la seule banque de détail.
Le cantonnement que je recommande entraînera en soi plus de transparence : l'entité séparée aura un conseil d'administration propre et sera contrainte de publier un rapport d'activités distinct, ce qui facilitera la tâche du régulateur. Et, avec l'« électrification » de la barrière de cantonnement, celui-ci disposera en outre d'un pouvoir de réserve qu'il ne sera pas obligé d'exercer mais qui lui permettra d'exiger une séparation totale des activités de la banque en cas de nécessité.