À quel danger la France peut-elle s'exposer en adoptant, avant tous les autres pays européens et avant même l'entrée en vigueur de l'accord Bâle III en 2019, une loi stricte de séparation et de régulation des activités bancaires ?
Sir John Vickers. Tout dépend de la nature des mesures adoptées. Étant donné la conjoncture économique, un État commettrait une erreur en imposant aux banques un ratio de fonds propres minimum de 10 % par rapport aux actifs pondérés des risques d'ici la fin de 2014. Ce serait trop hâtif. Il faut procéder par étapes et déterminer un calendrier du type de celui qui a été retenu dans l'accord Bâle III. En revanche, les réformes structurelles peuvent être menées à bien beaucoup plus vite. Ainsi, au Royaume-Uni, la loi ad hoc sera adoptée d'ici un an et le cantonnement des activités de détail entrera en vigueur bien avant 2019, selon des modalités qui ne mettront pas en péril l'économie « réelle ». De même, certaines recommandations relatives à la concurrence – celles qui visent par exemple à faciliter le passage d'un client d'une banque à une autre - pourraient entrer en vigueur dès septembre 2013, ce qui serait hautement souhaitable, car le plus tôt sera le mieux.
En bref, il faut des dispositions réfléchies prises selon un calendrier mûrement pensé par des législateurs et des exécutifs déterminés et vigilants. Une indéniable résistance à la réforme se manifeste, malgré laquelle les autorités politiques doivent mener à son terme ce programme international d'une extrême importance. Il y a encore beaucoup à faire, qu'il s'agisse de la proposition de directive, des recommandations de la commission Liikanen, des réformes engagées au Royaume-Uni et en France, de l'accord Bâle III ou du secteur des banques parallèles. Nous avons la responsabilité collective de saisir l'occasion qui nous est donnée de créer un système bancaire beaucoup plus sûr, comme le législateur américain et le président Roosevelt ont su le faire en leur temps.