J'ai entendu prononcer le mot d'utopie. Mais voulons-nous défendre pour une génération l'idée qu'il faut, dans ce monde dominé par la finance, créer les conditions d'un équilibre et d'une régulation qui permette d'éviter toutes ces dérives, voire des dangers, quant à l'avenir de la société, pour les générations futures ?
Dans l'évasion ou évitement fiscal, le blanchiment a pris ces dernières années une part grandissante, par le truchement d'établissements financiers reconnus. Comme le montrait un documentaire il y a trois semaines sur La Chaîne parlementaire, l'argent de la drogue, du terrorisme et des passeurs gagne de plus en plus d'influence. Auparavant très réticentes, les banques le sont de moins en moins, vu l'ampleur des montants en jeu… Car l'argent n'a pas d'odeur.
L'on organise des conférences des parties, ou COP, sur le climat. C'est légitime. Organisée à Paris, la COP21 a rencontré un succès d'estime. Il n'y a pas, dans ce type de conférences, que des experts, mais aussi des ONG, des représentants des parlements, des gouvernements… Les trous provoqués dans la couche d'ozone par les gaz à effet de serre sont bien repérés. Mais les trous provoqués par l'évitement fiscal et les paradis fiscaux dans les finances publiques mondiales, européennes et nationales sont aussi impressionnants. Certes, comme l'a dit Christophe Caresche, tout ce qui a été fait jusqu'ici est positif, et plus que globalement. Le rôle de l'OCDE est indéniable.
Mais, aujourd'hui, la donne a changé. Le président américain l'a dit clairement et un haut fonctionnaire nous a rappelé hier soir le temps où les États-Unis n'étaient pas coopératifs. Il semble qu'ils vont jouer en solo, en alliance avec le Royaume-Uni, dans le sillage du Brexit – l'on connaît déjà le statut de Jersey et de l'île de Man, ainsi que leurs liens avec la City. Ce n'est pas compliqué de faire des États-Unis un paradis fiscal ; il suffit de faire passer de 35 % à 15 % le taux de l'impôt sur les sociétés.
Dans ce contexte, quel rapport de forces doit-il se dessiner pour que la coopération internationale, incluant les pays en voie de développement, puisse endiguer ce qui se prépare, c'est-à-dire une déstabilisation mondiale ? L'Union européenne a un rôle à jouer. Mais quand la Commission européenne enjoint à l'Irlande de récupérer auprès d'Apple 13 milliards d'euros d'impôt sur les sociétés, l'Irlande n'en veut pas ! C'est pourquoi une évaluation est nécessaire au sein d'instances internationales qui regroupent banquiers, gouvernements, ONG, parlements…
L'Assemblée nationale donnera-t-elle un signe en ce sens ? Nous proposons d'organiser au Burundi, dans un pays en développement, la première réunion de cette nouvelle Conférence des parties, ce qui n'aura certes pas lieu dès demain. Mais qui pourrait d'abord porter cette idée ? Les sommes qui sont en jeu sont colossales. L'avenir de la finance mondiale et sa maîtrise démocratique posent les mêmes défis que l'avenir du climat.