Intervention de Arnaud Kalika

Réunion du 24 janvier 2017 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Arnaud Kalika, directeur du séminaire « Russie » à la chaire de criminologie du Conservatoire national des arts et métiers :

Pour ce qui est de la russophilie des Baltes, je crois qu'il faut se garder de considérer les pays baltes de façon uniforme, car selon qu'elle est vue d'Estonie, de Lettonie ou de Lituanie, la menace russe est perçue de manière très variée, en raison justement de la proportion de russophones. Ceux-ci sont beaucoup plus nombreux en Lettonie : Riga, où l'essentiel du commerce portuaire est aux mains de russophones, peut quasiment être considérée comme une ville russe. C'est moins le cas en Estonie. Pour ce qui est de la situation en Lituanie, un État territorialement inséré entre la Pologne, la Russie et la Biélorussie, elle est encore plus complexe, puisqu'on y trouve également une importante population polonaise.

Parmi les différents scénarios otaniens, il en est un que les Baltes craignent particulièrement, à savoir celui où une infraction de droit commun – une agression ou un viol, par exemple – commise dans une ville majoritairement russophone donnerait lieu à une escalade en termes de communication, qui ferait monter la pression à un point tel que Vladimir Poutine ne pourrait faire autrement que de réagir – soit directement, c'est-à-dire par la force, ce qui est peu probable, soit de manière indirecte, ce qui est plus probable. Une telle intervention serait alors perçue comme une ingérence dans les affaires intérieures de l'État balte concerné.

La Lituanie est particulièrement sensible à ce type de scénarios du fait qu'elle compte bon nombre de villes à majorité russophone, et que les régimes de droit administratif y sont aussi divers que les communautés en présence : régulièrement, des litiges surviennent sur la question de savoir quel régime juridique il convient d'appliquer à tel ou tel russophone – par exemple, certains se considèrent comme des apatrides parce qu'ils ne peuvent rentrer en Russie, mais ne sont pas non plus acceptés par l'État balte où ils se trouvent. La situation est donc complexe, et l'OTAN et l'Union européenne ne s'y intéressent malheureusement pas. Cela dit, il est difficile pour nous, Européens, de porter un jugement objectif sur des pays caractérisés par un éparpillement politique que nous avons du mal à percevoir.

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