Intervention de Jacques Bompard

Séance en hémicycle du 1er février 2017 à 15h00
Obligations déontologiques applicables aux membres du conseil constitutionnel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Bompard :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, le Conseil constitutionnel a perdu beaucoup de sa légitimité, ces dernières années. Toute une série de révélations viennent appuyer cet état de fait : validation de comptes de campagne discutables, réunions d’anciennes gloires dont la probité fit toujours débat, embrouillamini partisan dans les discussions. Cette situation insupportable est une tache sur les valeurs républicaines, sans cesse brandies mais jamais définies. La désignation de son nouveau président, soutien des islamistes syriens, donne une actualité bien regrettable à ce fossé.

Votre exposé des motifs mérite un complet commentaire de texte, tant il est surprenant. Déjà, parler de « quinquennat frappé du sceau de la "République exemplaire" » pour désigner la majorité des ministres déchus en quelques jours, des secrets d’État étalés à des dizaines de journalistes ou des élus à scooter… Vous permettrez à tous les Français de se gausser. Si l’on ajoute l’instrumentalisation de la justice qui eut lieu durant tout le quinquennat, on croit rêver.

Dans La Cause du peuple, Patrick Buisson expose avec précision les méthodes employées par la gauche pour bafouer son honneur, au milieu d’un conflit d’intérêts où cabinets ministériels et associations de gauche travaillèrent main dans la main à son élimination. Sans aborder le fond, les déchaînements provoqués par l’affaire Fillon prouvent allègrement les relations intestines entre la grande presse de l’oligarchie et l’appareil d’État. La crédibilité de votre « République exemplaire » s’en trouve sévèrement atteinte.

Je note cependant que le Conseil constitutionnel est parvenu à rappeler à la gauche quelques réalités simples. Par exemple, dans le cadre du texte délirant relatif à l’égalité et à la citoyenneté, l’abandon du régime déclaratif pour l’ouverture d’écoles libres a été battu en brèche. Je rappelle avec quelle furie de communication la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche avait pourtant instrumentalisé la mesure pour s’attaquer à cette belle oeuvre de résistance à l’idéologie d’État. Il en est allé de même à propos de l’interdiction de la fessée, qui était un nouveau marqueur de la passion socialiste pour l’intrusion dans la vie des familles.

En revanche, il est des sujets sur lesquels ses décisions ont étonné jusqu’aux juristes les plus aguerris. Je pense notamment à la validation de la loi relative à la santé, ceux que l’on appelle « les sages » ayant accepté le principe des recherches sur l’embryon humain et la suppression du délai de réflexion avant de subir un avortement. Voici l’avertissement que cela inspire au professeur Alain Privat, directeur de recherche à l’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale : « Les recherches dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation pourront être destructrices de l’embryon humain, mais pire encore : elles pourront réaliser des modifications sur l’embryon humain, via la thérapie génique. Encore une fois, on ouvre la porte à l’homme augmenté. » Quand on connaît la très forte influence des lobbies pharmaceutiques jusque dans les plus hautes sphères de l’État, on est immédiatement pris d’un doute. Les juristes en viennent même à opposer de plus en plus clairement le droit interne et le droit externe, laissant à des institutions supranationales le soin de porter quelques idéologies à la mode. Espérons que ce texte permettra de prévenir et peut-être de faire la lumière sur l’influence des idéologues progressistes et de leurs commanditaires pharmaceutiques sur ces décisions aberrantes.

Le Conseil constitutionnel a mérité de voir son fonctionnement modifié. Le temps révolu des présidences dignes acte la nécessité de faire disparaître du Conseil les anciens locataires de l’Élysée.

À l’origine, le Conseil constitutionnel devait empêcher le Parlement de concurrencer les décisions du Président de la République. La gauche devrait le savoir, tant son idole François Mitterrand fit du respect de cette prérogative l’objectif de sa présidence. Aujourd’hui, le Conseil est devenu un organe de production de la loi, à travers les questions prioritaires de constitutionnalité. Cela pose d’ailleurs un vrai problème de séparation des pouvoirs, tant la marche des procès passe actuellement par celles-ci.

Les conflits d’intérêts apparaissent alors, Nous en sommes arrivés au gouvernement des juges, mais de juges parties prenantes dans les affaires qu’ils évoquent, comme le note Anne-Marie Le Pourhiet : « C’est une institution puissante. La preuve, c’est que le Gouvernement et les parlementaires se demandent toujours ce que le Conseil constitutionnel va dire au moment de préparer un texte. »

Enfin, la future opposition socialiste peut se rassurer : trois anciens premiers secrétaires du Parti socialiste siégeront au Conseil constitutionnel en 2017. Nous en venons donc à une « République solférinienne », qui sera très certainement insupportable aux Français – une situation qui s’approche davantage de la gouvernance bananière que de la « République exemplaire »…

Pour le reste des dispositions sises dans ce texte, personne ne peut s’y opposer. En revanche, tous les Français savent parfaitement que nous nous trouvons là devant des réformes cosmétiques, cherchant à habiller d’artifices vertueux un système aux abois.

Chers collègues, on ne peut s’opposer à ce texte, mais on ne peut non plus le cautionner.

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