Intervention de Fernand Siré

Séance en hémicycle du 1er février 2017 à 15h00
Obligation de casier judiciaire vierge pour les candidats à une élection — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFernand Siré :

Madame la présidente, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, tout d’abord, sachez que je me réjouis de pouvoir enfin défendre devant vous une mesure dont je suis le chantre depuis mon arrivée dans cette assemblée, en 2010.

En effet, pour avoir déposé des textes similaires, toujours massivement cosignés, dès la précédente législature, puis, en avril 2013, une proposition de loi visant à permettre le contrôle par le préfet du bulletin no 2 du casier judiciaire des candidats aux élections législatives, cantonales, municipales et régionales dans le cadre du contrôle des inéligibilités, et une proposition de loi organique visant à renforcer les motifs d’inéligibilité des personnes candidates aux élections législatives et sénatoriales, je suis satisfait que nous nous retrouvions enfin au sein de cette assemblée pour examiner des textes visant à instaurer une obligation du casier judiciaire vierge pour les candidats à une élection.

Concrètement, avec l’adoption de ces deux textes, les candidats à l’élection présidentielle, aux législatives, aux sénatoriales, mais aussi à toutes les élections locales, devront pouvoir justifier que le bulletin no 2 de leur casier judiciaire, celui qui recense les crimes et les délits, ne mentionne aucune infraction jugée incompatible avec la fonction d’élu. Dans le cas contraire, ils seront déclarés inéligibles.

Disons-le tout de suite : les députés du groupe Les Républicains, voteront ces deux textes, sans hésitation. Ce sont des textes attendus par nos électeurs, des textes qui dépassent les clivages partisans, et qui devraient faire l’objet d’un large consensus dans cet hémicycle. Les récentes enquêtes d’opinion, ainsi que le fort taux d’abstention aux dernières élections, montrent – et il faut le déplorer – une perte de confiance criante de nos concitoyens envers leurs élus. Il est donc de notre devoir de réagir, pour mieux nous faire entendre, et pour mieux nous faire comprendre.

Alors que nous avons eu à subir, au cours de ce quinquennat, des crises politiques sans précédent, les Français ont besoin de réponses adaptées pour retrouver la confiance envers leurs représentants. L’objectif est évidemment celui d’une République exemplaire. Nous ne pouvons prendre le risque que notre république soit entachée par de nouveaux scandales judiciaires. Cela doit passer, sans aucun doute, par des mesures de transparence. Nous devons, pour cela, veiller à la probité de ceux qui aspirent à exercer des fonctions électives.

Comme vous le savez, les sondages montrent que la défiance des Français envers leurs représentants politiques ne cesse d’augmenter. Les résultats de l’enquête menée par le Centre de recherches politiques de Sciences Po – le CEVIPOF –, publiée il y a quelques jours, témoignent de cette perte de confiance, et ils confirment l’existence d’une coupure parfois vertigineuse entre les citoyens et leurs représentants. Nous devons nous en inquiéter sérieusement, si nous ne voulons pas que les Français soient de plus en plus nombreux à accorder du crédit aux discours populistes et démagogiques tenus par les extrêmes.

Il ressort de ce sondage que la lassitude est le terme qui arrive en tête, parmi ceux proposés, pour décrire l’état d’esprit actuel des Français. Nous qui sommes sur le terrain, au plus près de nos concitoyens, nous n’en sommes pas surpris ; mais entendons-le, regardons les choses en face, mes chers collègues, avant qu’il ne soit trop tard.

Ce qui ressort de l’enquête, et qui malheureusement conforte ce qu’on entend çà et là, c’est le rejet de la politique et des politiques, d’une violence d’autant plus troublante que les Français sont un des peuples les plus politisés d’Europe. Bruno Cautrès, chercheur au Centre national de la recherche scientifique – CNRS – et au CEVIPOF, parle d’une « transformation profonde mais négative du rapport des Français à la politique ». Il évoque « un segment très important de démocrates insatisfaits ». En plus des 67 % des sondés qui jugent que la démocratie ne fonctionne « pas très bien » ou « pas bien du tout », 88 % des Français estiment qu’on ne se préoccupe pas de leur avis, quand 81 % des personnes interrogées éprouvent des « sentiments négatifs » envers les élus – déception mais aussi, à un degré moindre, dégoût et même détestation. Et que dire des 76 % des sondés qui les jugent « plutôt corrompus » ?

Quand on présente aux Français une liste d’organisations en leur demandant s’ils ont ou non confiance en elles, celles qui suscitent le plus de défiance – c’est peu dire – sont les partis politiques. Il ressort de cette étude l’image de Français un peu las, tentés par le repli, furieux contre une société sans solutions et souhaitant qu’on leur fasse confiance. À l’approche des futures échéances, c’est un ultime avertissement pour nous tous, sans exception.

Enfin, la forte abstention constatée lors des dernières élections marque une certaine défiance à l’égard de l’action publique et la perte de confiance dans les élus. Cela n’enlève rien à la légitimité des élus que nous sommes, mais cela doit nous conduire à renforcer notre exigence en matière d’exemplarité, et conforme la nécessité de dialogue et d’écoute.

C’est pourquoi je veux aussi défendre à cette tribune la probité et l’intégrité des élus, trop souvent mis en doute, à tort. En effet, la probité de l’immense majorité des élus et de ceux qui aspirent à le devenir ne peut être mise en doute. Les élus font battre le coeur de notre démocratie. Ils ont un rôle souvent difficile, au service de nos concitoyens. Ils se consacrent souvent entièrement à leur mandat, et ne doivent pas être systématiquement suspectés de malhonnêteté potentielle. Il serait dangereux de faire planer ce doute : cela consisterait à briser le pacte de confiance qui relie les élus aux citoyens.

Nous le savons bien, nous sommes nombreux à nous consacrer à nos mandats avec rigueur, droiture et dignité, mais nous ne pouvons pas nous permettre de laisser les actes d’une minorité jeter l’opprobre sur toute la classe politique, laquelle se trouve hantée par le spectre de la défiance. Alors que la présentation du casier judiciaire – le bulletin no 2 et éventuellement le no 3 – est imposée à tous les candidats aux concours de la fonction publique et qu’il est également demandé pour toutes les professions liées à la sécurité publique, les professions judiciaires et médicales, il nous semble normal et fondamental qu’il soit demandé aux représentants de la nation de n’avoir commis aucune infraction qui aurait porté atteinte à la sécurité, à l’ordre public ou aux bonnes moeurs. Il s’agit là de régénérer le statut de l’élu, afin de restaurer la confiance en notre système politique et en nos institutions. Afin de servir une démocratie transparente, l’exemplarité des élus s’impose.

Néanmoins, en défendant ces textes, ne donnons pas le sentiment, par des propos déplacés ou des accusations infondées, de mettre en doute l’intégrité des responsables politiques et des élus en général. Il ne faudrait pas que ce texte consensuel, qui sera voté par la quasi-totalité de nos bancs, soit le prétexte pour jeter le discrédit sur les parlementaires et les élus, ce qui consisterait à renforcer l’antiparlementarisme et l’accusation « tous pourris », que ces textes veulent, en premier lieu, combattre. Nous sommes unanimement d’accord : l’élu doit faire preuve d’une totale exemplarité, afin d’être capable d’assumer les responsabilités qui sont les siennes dans un climat de confiance vis-à-vis de ses concitoyens.

Je regrette seulement que ces textes nous soient présentés bien tardivement, et j’espère au moins que leur examen ira jusqu’à leur terme durant la présente législature. Je vous invite donc, évidemment, mes chers collègues, à les voter, comme vont le faire les députés de mon groupe, dans la mesure où les dispositions qu’ils contiennent vont dans le sens d’un renforcement de l’exemplarité et qu’ils sont très attendus par les Français, comme je le répète depuis plusieurs années.

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