Intervention de Michel Zumkeller

Séance en hémicycle du 1er février 2017 à 15h00
Obligation de casier judiciaire vierge pour les candidats à une élection — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Zumkeller :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, dans un climat de défiance grandissante entre les citoyens et la classe politique, les deux propositions de loi que nous examinons aujourd’hui visent à empêcher les citoyens condamnés pour atteinte à la probité de se présenter aux élections. En effet, la procédure actuelle ne garantit pas que les candidats aient respecté leurs devoirs en matière de probité, puisqu’il leur est uniquement demandé d’envoyer une déclaration de candidature accompagnée d’un certificat d’inscription sur les listes électorales.

En comparaison, la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit qu’une personne ne peut avoir cette qualité « si les mentions portées au bulletin no 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l’exercice des fonctions ». Ainsi, ce sont près de 400 professions qui sont soumises à cette exigence, quand les élus en sont exemptés. Les propositions de loi exigent donc que le bulletin no 2 du casier judiciaire du candidat soit exempt de toute condamnation incompatible avec l’exercice d’un mandat électif.

Cette recommandation avait notamment été faite dans le rapport annuel de 2013 du Service central de prévention de la corruption, qui qualifiait une telle mesure d’« équitable et de simple bon sens » pour des candidats « qui devraient avoir à coeur d’aspirer à une relative exemplarité ». Nous en convenons, ces textes visent un objectif louable : restaurer la confiance entre les élus et les citoyens, et réaffirmer la légitimité de ceux qui oeuvrent dans l’intérêt public.

Il reste, cependant, un certain nombre d’interrogations, qui avaient d’ailleurs été soulevées lors des débats précédents. Dans une décision du 11 juin 2010, en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel avait censuré l’article L. 7 du code électoral, qui prévoyait une interdiction d’inscription sur les listes électorales emportant inéligibilité pour les personnes condamnées à un certain nombre d’infractions. Le Conseil constitutionnel avait considéré que la peine d’inéligibilité ne pouvait être appliquée que si le juge l’avait « expressément prononcée ». Il avait également indiqué que l’inéligibilité automatique méconnaissait les principes de nécessité et d’individualisation des peines.

Cette décision exclurait donc toute peine complémentaire automatique mais n’interdirait pas la fixation de nouvelles inéligibilités n’ayant pas le caractère d’une peine. Selon les auteurs de ces propositions de loi, ces dernières seraient conformes aux exigences constitutionnelles, puisqu’elles ne constitueraient pas une peine automatique mais s’inscriraient dans une démarche générale de moralisation de la vie politique pour l’avenir.

Nous avons quelques doutes sur cette argumentation. En effet, dans le dispositif proposé, c’est bien la condamnation pénale qui mènerait à une restriction de l’éligibilité. Il y aurait donc un lien entre la peine et l’inéligibilité. Je rappelle que Charles de Courson avait proposé de telles dispositions, par voie d’amendement, notamment lors de l’examen de la loi Sapin 2. Celles-ci avaient été rejetées par le Gouvernement et le garde des sceaux, au motif qu’il y aurait un risque d’inconstitutionnalité dû au caractère automatique de la peine. Pour quelles raisons cet argument ne serait-il plus valable aujourd’hui ?

Ensuite, les propositions de loi devraient s’appliquer dès les prochaines élections. Les juges auront donc prononcé des peines avant l’adoption de cette réforme, sans avoir connaissance de l’inéligibilité qui s’ensuivra. Enfin, le rapport intitulé Renouer la confiance publique, remis au Président de la République en 2015 par M. Jean-Louis Nadal, a qualifié de « problématique » le régime actuel des peines d’inéligibilité. Nous pourrions envisager de revoir ce régime.

Mes chers collègues, en dépit de ces remarques, nous soutiendrons cette mesure, qui entend garantir la probité des candidats aux élections. C’est la raison pour laquelle le groupe UDI votera en faveur de ces deux propositions de loi.

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