Qui peut dire le contraire ? Il ne peut y avoir de citoyenneté, donc d’accession aux mandats publics, s’il y a condamnation. Qui, dans le cadre des élections à venir, pourra affronter les citoyens français sans réponse à ces sujets ?
Dès lors, il est nécessaire de comprendre le périmètre d’application de ces propositions de loi. Elles concernent l’élection, donc l’éligibilité. Je note que les ministres ne sont pas soumis aux obligations que nous allons voter – mais M. le ministre exprimera peut-être un point de vue différent tout à l’heure. Puisque les dispositions portent sur les élections, les ministres passent à travers.
Ensuite, quelles condamnations sont susceptibles d’être compatibles avec la participation à une élection ? C’est l’enjeu des fameux bulletins nos 1, 2 et 3 du casier judiciaire. L’usage du bulletin no 1 est réservé à l’autorité judiciaire : les condamnations pénales à compter de la contravention de cinquième classe y figurent, ainsi que les compositions pénales exécutées, les incapacités, ou divers éléments issus de la vie familiale des personnes, de leur activité commerciale, de leur situation. Donc, tout y est. Chacun peut très bien comprendre qu’il pourrait paraître excessif de se fonder sur ce document.
Dès lors, les bulletins nos 2 et 3 sont-ils plus pertinents ? Le bulletin no 2 est destiné aux administrations, aux autorités militaires et aux employeurs. Dans le cadre d’une de mes fonctions antérieures, lorsque nous étions amenés à défendre un fonctionnaire, une personne exerçant une mission de service public, ou même une entreprise publique, l’enjeu était l’inscription ou non au bulletin no 2. Lorsqu’une mention était portée au bulletin no 2, la personne n’avait pas la possibilité d’exercer la fonction concernée. Ce sont des centaines de milliers de personnes qui, en France, ne peuvent exercer une fonction, du seul fait d’une inscription au bulletin no 2. Et une telle disposition ne s’appliquerait pas aux élus ?
Le bulletin no 3 est le seul extrait du casier judiciaire, délivré sur demande de l’intéressé, que peuvent solliciter les employeurs qui justifient d’un intérêt légitime à connaître les antécédents de leurs salariés. Il ne fait apparaître que les sanctions les plus graves, à savoir les condamnations et les peines d’emprisonnement fermes de plus de deux ans, ou d’une durée inférieure si le juge en a ordonné l’inscription, ainsi que les condamnations à des interdictions, déchéances ou incapacités prononcées sans sursis.
Dès lors, comment devons-nous réfléchir ? Incontestablement, l’obligation de casier vierge est pertinente. Mais jusqu’où doit-on aller ?
D’abord, la réflexion doit être la plus approfondie possible, alors même qu’elle ne s’appliquera pas aux élections à venir. Ensuite, plusieurs observations doivent être prises en considération.
Premièrement, toute inscription au bulletin no 2 doit entraîner l’impossibilité de se présenter à une élection, puisque cette inscription n’est pas automatique, le juge ayant la possibilité d’exiger qu’aucune mention n’y soit portée. Autrement dit, en cas d’inscription sur le bulletin no 2, il doit être impossible de se présenter à une élection.
Deuxièmement, les infractions qui ont un lien direct avec le code électoral, les infractions dissimulées et les infractions occultes sont graves, mais ne figurent pas obligatoirement sur le bulletin no 2. Par leur nature même, elles devraient entraîner l’impossibilité de se présenter à une élection.
Il convient donc de distinguer deux blocs d’infraction : celles qui sont mentionnées au bulletin no 2 et celles qui ne le sont pas mais qui devrait y figurer en raison de leur gravité au regard de notre conception d’une république citoyenne.
On peut estimer que c’est excessif. Pour ma part, je ne le crois pas, car nous sommes à quelques mois d’élections majeures et, hormis la loi Sapin 2 et la loi portant réforme de la prescription en matière pénale, nous n’avons pas, à mon grand regret, examiné de textes sur le sujet, malgré la perte de confiance d’un certain nombre de nos concitoyens en leurs représentants, en raison des condamnations de certains élus. Nous aurions dû nous pencher sur la question dès 2012.
Madame la rapporteure, j’estime que vos propositions de loi constituent des progrès. Dans les mois à venir, il serait bon de reprendre les textes et d’aller plus loin dans le sens que j’indique : inéligibilité pour toute personne qui a commis une infraction figurant au bulletin no 2, mais aussi pour toute personne qui a été condamnée pour une infraction relative à un délit électoral ou pour un délit constitué par une infraction occulte ou dissimulée. Bien évidemment, nous voterons ce texte.