Intervention de Françoise Descamps-Crosnier

Séance en hémicycle du 1er février 2017 à 15h00
Obligation de casier judiciaire vierge pour les candidats à une élection — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Descamps-Crosnier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, chers collègues, cette législature, comme d’autres qui l’ont précédée, a été marquée par une série de fautes graves de la part de responsables publics, heureusement sanctionnées par la justice lorsqu’elles ont fait l’objet de poursuites. La semaine dernière nous a encore fourni plusieurs exemples malheureux de manquements à la probité. Le système de transparence de la vie publique que nous avons mis en place à partir de 2013, grâce à sa logique préventive, doit nous permettre de voir ce type d’affaires diminuer.

Il n’en demeure pas moins que les affaires et les scandales politico-financiers laissent des traces durables dans l’opinion publique, laquelle est tentée de mettre l’ensemble des responsables publics dans le même sac. Les trois quarts des Français estiment que leurs élus sont plutôt corrompus et nos concitoyens attendent d’abord de ceux-ci qu’ils soient honnêtes. C’est l’enseignement du dernier baromètre de la confiance politique du CEVIPOF, paru le mois dernier. Ces résultats sont édifiants.

Si les outils que nous avons mis en place pour prévenir les conflits d’intérêts, comme la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, ont déjà prouvé leur efficacité en permettant l’identification et la résolution de situations problématiques du point de vue de la déontologie et du respect des règles, ils n’en contribuent pas moins, malgré eux, à renforcer cette idée en mettant sur la place publique des comportements non vertueux qui ne devraient pas exister. Ces situations confortent les Français dans l’idée d’un « tous pourris ». Il faut y remédier. C’est la crédibilité et la solidité des institutions républicaines qui sont désormais en jeu, à cause des errements et des fautes d’un nombre réduit de personnes publiques qui auraient pourtant dû porter haut l’exemplarité républicaine. Alors, comment faire ?

« Le sage ne s’afflige jamais des maux présents, mais emploie le présent pour en prévenir d’autres. » Cette phrase, attribuée à un auteur dont nous avons célébré le souvenir l’année dernière, William Shakespeare, me paraît particulièrement adaptée. Il nous faut avancer pas à pas dans la construction de garde-fous qui pallient autant que faire se peut la faiblesse et la lâcheté de certains. C’est, à mon sens, l’esprit qui doit guider nos travaux aujourd’hui. Ils s’inscriront ainsi dans la continuité de l’oeuvre législative entreprise depuis 2013.

Les deux propositions de loi, l’une organique, l’autre ordinaire, qui nous sont présentées par le groupe socialiste, écologiste et républicain, représentent l’une des dernières étapes du chantier que notre majorité a bâti tout au long de cette législature en faveur de la transparence de la vie publique et pour la déontologie des acteurs publics.

Les étapes précédentes, qui sont connues, ont bâti toute la réflexion qui nourrit aujourd’hui le texte que nous examinons : lois organique et ordinaire du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique ; loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie, aux droits et obligations des fonctionnaires ; loi organique du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature ; loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ; lois organique et ordinaire du 20 janvier 2017 relatives aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes.

Et je laisse de côté des textes plus spécifiques qui ont fait entrer dans les nouvelles dispositions déontologiques des fonctions importantes comme les juges consulaires. Je tiens à saluer le travail et la force de conviction mobilisés par l’inspiratrice du texte, notre rapporteure, Fanny Dombre Coste, dont l’énergie a permis que les textes soient votés à l’unanimité de notre commission des lois, ce qui, en fin de législature, peut relever de la prouesse. Ma chère collègue, je suis fière d’avoir signé ces textes avec vous et de les porter avec vous.

Ces propositions de loi se situent dans la même logique préventive que les textes que j’ai évoqués précédemment. Elles visent toutes deux à introduire une sorte de « condition de probité » pour les candidats à nos différentes élections, que celles-ci soient nationales ou locales. Aucune candidature n’est tenue en dehors du dispositif. De ce point de vue, je tiens à saluer le travail réalisé par la rapporteure pour la bonne inclusion de l’outre-mer dans le périmètre des propositions de loi.

Ainsi, en faisant de l’existence d’un casier judiciaire vierge un prérequis pour pouvoir se présenter à une élection, nous corrigeons également une situation que les citoyens ne peuvent pas comprendre : alors que plusieurs professions bien moins sensibles du point de vue de la responsabilité publique que des mandats électoraux, comme maître-chien – d’autres ont été citées – exigent un casier judiciaire vierge, ce n’est pas encore le cas pour les élus. Je pense également aux fonctionnaires, pour lesquels vous connaissez mon intérêt.

Comme le rappelle notre rapporteure dans son excellent rapport, l’article 5 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit : « Nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire […] le cas échéant, si les mentions portées au bulletin no 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l’exercice des fonctions ». Comment expliquer que les agents publics, qui appliquent les décisions prises par les élus, doivent montrer patte blanche, alors que les décideurs en sont exemptés ? C’est injustifiable.

Vous avez su adroitement proposer qu’une candidature soit subordonnée à un casier judiciaire vierge, comme le recommandait le Service central de prévention de la corruption dans l’un de ses rapports, pour éviter de donner au dispositif le caractère d’une peine automatique, qui l’aurait exposé à un risque d’inconstitutionnalité. En laissant ainsi la pleine possibilité au juge d’agir sur l’éligibilité, le dispositif s’inscrit dans une logique non pas punitive mais bien préventive.

Mme la rapporteure a proposé en commission des lois plusieurs amendements qui sont venus, sans en changer la philosophie, réécrire le texte de manière importante, notamment en ce qui concerne le champ des infractions couvertes. Désormais, sont visés l’ensemble des crimes ainsi que les délits d’ordre sexuel et, bien évidemment, les manquements au devoir de probité et les fraudes électorales ou fiscales.

Vous l’aurez compris, le groupe socialiste, écologiste et républicain apporte sont soutien plein et entier aux deux propositions de loi.

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