Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la crise financière a mis en évidence l’ampleur de l’évasion fiscale pratiquée à l’échelle mondiale et le rôle majeur joué par les paradis fiscaux dans ce phénomène. Les montants en jeu sont considérables : selon l’OCDE, ils sont de l’ordre de 1 000 milliards d’euros par an à l’échelle européenne et de 60 à 80 milliards d’euros rien qu’en France. Nous devons agir sur ces sujets.
Chacun ici est bien conscient que l’évasion fiscale est un phénomène qui contribue à l’appauvrissement des nations et sur lequel nous devons intervenir. Nous avons tous la préoccupation d’assurer l’équité fiscale, l’égalité des citoyens devant l’impôt et l’équilibre budgétaire. Notre rôle de législateur doit cependant nous conduire à nous interroger sur l’efficacité et l’utilité effective d’une énième conférence internationale relative à la lutte contre ce fléau.
En effet, la question de la bonne procédure doit être posée, alors que ce combat est d’ores et déjà une véritable préoccupation des décideurs européens et internationaux. Rappelons, comme cela vient d’être fait il y a quelques instants à cette tribune, que les progrès réalisés par le G20 ou par l’Union européenne ont été particulièrement importants ces dernières années et ont permis d’aboutir à un ensemble extrêmement cohérent.
Dans ce cadre, l’OCDE s’est vue confier la tâche d’élaborer un plan de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, le projet BEPS. Tous les pays, au-delà des trente-cinq membres de l’Organisation, sont d’ailleurs invités à participer aux travaux de l’OCDE sur le sujet. Une telle convergence sur un projet aussi ambitieux témoigne du dynamisme dont fait preuve la communauté internationale. L’action 13 du plan d’action BEPS de l’OCDE sur les prix de transfert, l’action 14 sur le règlement des différends, ou encore l’action 15 sur l’élaboration d’un instrument multilatéral sur les mesures relatives aux conventions fiscales visant à lutter contre l’érosion de la base d’imposition, sont autant d’exemples illustrant les progrès très importants réalisés grâce au travail de l’OCDE.
Au titre des instances internationales, on pourrait encore citer le Groupe d’action financière, le GAFI, instance dédiée à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. C’est par exemple du GAFI que proviennent les règles d’identification des bénéficiaires effectifs des trusts.
Enfin, au sein de l’Europe, la conférence interparlementaire sur l’article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG, instrument de contrôle démocratique de la mise en oeuvre des règles de gouvernance budgétaire et financière en Europe, s’est également saisie du sujet.
On le voit, dans la lutte contre l’évasion fiscale, de réelles avancées aux échelons international et européen ont eu lieu au cours des dernières années. Certes, cela ne signifie pas que le combat contre l’évasion fiscale soit gagné, et nous devons le poursuivre. Les mesures du BEPS et du paquet européen doivent encore être appliquées de manière globale. Il faut donc continuer à travailler et à combattre l’évasion fiscale, mais pas dans le cadre d’une conférence internationale aux contours flous, qui risque d’être superfétatoire au regard des actions déjà menées qu’il convient de pérenniser. Si débat il doit y avoir, il doit plutôt porter sur les modalités de mise en oeuvre des accords internationaux et sur leur suivi, afin d’assurer une plus grande sécurité et une meilleure adaptation des procédures existantes.
Monsieur le rapporteur, je sais qu’avec le sénateur Éric Bocquet, votre frère, vous êtes très investis sur ces questions, et je veux à mon tour, après M. le secrétaire d’État, rendre hommage à votre engagement sur ce sujet qui nous intéresse tous. Toutefois, si la démarche visant à organiser une conférence internationale présente un certain intérêt, nous ne pouvons adhérer à cette idée, car nous sommes avant tout engagés dans une recherche d’efficacité. Nous cherchons d’abord à assurer une plus grande adaptabilité des outils existants, afin d’agir de manière plus efficace.