Intervention de Yannick Favennec

Séance en hémicycle du 2 février 2017 à 9h30
Conférence des parties de la finance mondiale l'harmonisation et la justice fiscales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Favennec :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la crise financière et économique de 2008, qui n’a depuis cessé de muter, nous a brutalement mis aux prises avec les réalités d’un monde nouveau. Ce monde nouveau, dont les contours se dessinent à une vitesse vertigineuse, ne peut pas surgir des braises mourantes de l’ancien. Il ne doit pas se construire sur les vestiges d’une mondialisation, d’une économie et d’un système financier sans règles. Ce nouveau monde doit être celui d’une croissance et d’une économie placées au service de l’Homme. Notre responsabilité est par conséquent immense : nous n’avons plus le droit de continuer à ignorer le fossé qui s’est creusé entre l’économie et les enjeux sociaux et environnementaux qui devraient fonder sa soutenabilité ; nous n’avons plus le droit de nous laisser entraîner dans une course haletante à une concurrence toujours plus féroce, dont la ligne d’arrivée serait sans cesse repoussée.

Aussi, je me réjouis que l’Assemblée nationale soit aujourd’hui amenée à débattre sur la finance mondiale, et sur l’harmonisation et la justice fiscales. Si j’osais, j’affirmerais même, non sans dérision, que cette initiative du groupe de la Gauche démocrate et républicaine s’inscrit dans le prolongement de l’action volontariste de M. Nicolas Sarkozy pour moraliser le capitalisme financier. Au plus fort de la tempête qui menaçait l’économie mondiale, la précédente majorité a en effet su prendre les décisions qui s’imposaient. Avec le plan de sauvetage bancaire et les garanties apportées par l’État, nous n’avons pas sauvé les banquiers et les actionnaires comme l’actuelle majorité avait bassement tenté de le faire croire. Non, nous avons défendu l’emploi en empêchant que le financement de l’économie se tarisse, et protégé l’épargne des Français, sans que cela ne coûte un seul centime au contribuable. Répondre à l’urgence et circonscrire l’incendie étaient un impératif, mais la France a voulu aller plus loin. Elle a voulu affirmer avec force que plus rien ne pouvait – ne devait – être comme avant ! Elle a voulu être à l’origine d’une impulsion décisive pour réguler les secteurs économiques et financiers, en redonnant une raison d’être à l’institution poussiéreuse et rouillée qu’était devenu le G20 ! Oui, la France a voulu engager une véritable révolution, en luttant contre les paradis fiscaux, en faisant évoluer les normes prudentielles des banques, en encadrant la rémunération des traders, en instaurant la taxe sur les transactions financières, en introduisant des mécanismes de régulation pour les marchés de matières premières, et en modifiant profondément la gouvernance européenne et mondiale.

M. François Hollande a prolongé cette dynamique – il faut le reconnaître ! –, même si les déclarations martiales du Bourget sur le monde de la finance qui serait son véritable adversaire résonnent aujourd’hui comme une capitulation en rase campagne. En tout état de cause, des progrès considérables ont été accomplis depuis la crise de 2008, mais, comme le soulignent les auteurs de la proposition de résolution, il reste tant à faire. Car les scandales liés à la fraude et à l’évasion fiscales se multiplient et éclatent au grand jour, ce qui prouve, si cela était nécessaire, que la finance folle n’a pas encore été mise au pas. Or nous ne pouvons nous satisfaire de voir l’équivalent du budget annuel de l’Éducation nationale française partir en fumée et être illégalement accaparé par un tout petit nombre, au détriment de toute la Nation. En outre, la fraude et l’évasion fiscales minent la confiance en nos institutions, fragilisent le consentement à l’impôt et ébranlent notre cohésion sociale. Nous pouvons toutes et tous nous accorder sur ces constats, quel que soit le côté de l’hémicycle sur lequel nous siégeons.

Je voudrais, au nom du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, souligner un deuxième point d’accord avec les auteurs de cette proposition de résolution : la réponse à une crise qui a gommé les frontières géographiques ne peut être qu’internationale, globale et structurelle. La lutte contre la fraude et l’évasion fiscales doit par conséquent avoir une dimension européenne et mondiale. Pour autant, nous sommes réservés, pour ne pas dire sceptiques, sur l’approche proposée par nos collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

En effet, la proposition principale de cette résolution, à savoir l’organisation d’une conférence des parties, ne nous paraît pas pertinente pour obtenir des avancées concrètes sur les questions de la fraude et de l’évasion fiscales. Tout d’abord, parce que la question de la régulation de la finance mondiale est d’ores et déjà traitée dans le cadre du G20, et que l’organisation d’une conférence mondiale n’aurait dès lors qu’une portée symbolique et n’aurait pas d’utilité réelle. Ensuite parce que la comparaison entre la problématique du changement climatique et celle de la finance mondiale ne tient pas la route. Les pays en développement ont un rôle majeur à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique, tandis que les principales places financières se trouvent à Londres, à New York, à Paris, à Singapour ou à Hong Kong. Il nous appartient par conséquent de prendre nos responsabilités en la matière, en parvenant à des avancées concrètes sur des points précis, plutôt que de réunir tous les pays de la planète dans une grand-messe.

À cet égard, nous regrettons que l’harmonisation fiscale et sociale en Europe, pour laquelle M. François Hollande avait annoncé qu’il prendrait des initiatives fortes, en soit toujours au point mort. Nous regrettons plus encore que la taxe sur les transactions financières, initiée par la précédente majorité et maintes fois promise par ce Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, tarde tant à voir le jour et soit désormais réduite à peau de chagrin ! Nous regrettons enfin que ce gouvernement n’ait pas voulu faire sauter ce qu’il est désormais convenu d’appeler « le verrou de Bercy ». Cette majorité montre ainsi qu’elle veut que la décision de poursuivre ou non un délit de fraude fiscale se prenne dans le secret des alcôves de la République, alimentant ainsi l’idée que les puissants s’accordent entre eux faveurs et privilèges.

J’ajoute que notre groupe est en désaccord profond avec la philosophie même de cette proposition de résolution européenne. En effet, ses auteurs considèrent que la fraude et l’évasion fiscales qui accompagnent les dérives de la finance et de la mondialisation conduisent à des pertes de recettes pour les États – ce à quoi nous souscrivons –, mais ils considèrent également que ces dérives permettent de « construire » la dette « pour justifier les politiques d’austérité ».

Or le groupe de l’Union des démocrates et indépendants pense exactement l’inverse. La dette n’est pas une invention des gouvernements qui auraient des intérêts à placer nos démocraties sous le joug de la finance. La dette n’est pas un écran de fumée qui permettrait d’imposer aux peuples des politiques de rigueur contre leur volonté. La dette est une maladie, celle des sociétés qui refusent d’emprunter le chemin de la réforme pour conserver leur modèle social, sous prétexte qu’il serait trop aride, et qui le laissent ainsi mourir à petit feu, en se plaisant à penser que les factures laissées aux générations futures ne seront jamais réclamées. La dette est également un échec politique, car elle est devenue depuis trop longtemps un puits sans fond dans lequel les dirigeants ont puisé pour financer leurs promesses électorales. La dette est enfin un échec économique, qui consiste à croire qu’un modèle peut fonctionner en dépensant plus, en travaillant moins, et en empruntant la différence, ainsi que le disait Raymond Barre.

Aussi, même si nous estimons, comme nos collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, que la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales est un sujet vital sur lequel nous devons faire plus et mieux, nous sommes réservés sur la méthode proposée et opposés à l’idéologie qui sous-tend cette démarche. C’est pourquoi le groupe de l’Union des démocrates et indépendants ne peut soutenir cette proposition de résolution.

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