Intervention de Arnaud Viala

Séance en hémicycle du 2 février 2017 à 9h30
Revalorisation des pensions de retraite agricoles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Viala :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je souhaite dire tout d’abord combien les membres de mon groupe – en particulier mes collègues et amis élus de territoires ruraux – et moi-même regrettons que l’inscription tardive de cette proposition de loi à l’agenda de l’Assemblée nationale la condamne malheureusement à demeurer un texte d’appel puisqu’elle ne pourra pas être définitivement adoptée avant la fin de la mandature.

Ceci n’enlève rien à l’importance du sujet et à toute la considération que nous devons aux dizaines de milliers de retraités agricoles qui, au terme de vies de labeur souvent longues et difficiles, connaissent la précarité et des niveaux de pensions souvent inférieurs au seuil de pauvreté et aux minima sociaux : de l’ordre de 570 euros en moyenne pour les femmes et de 710 euros pour les hommes.

Il ne faut pas que ces chiffres, très éloquents en eux-mêmes, dissimulent les conditions d’existence qui en sont l’inexorable résultat et des difficultés de plusieurs ordres.

D’ordre économique et matériel, d’abord car des niveaux de revenu aussi faibles rendent tout compliqué, depuis l’entretien du logement jusqu’aux déplacements, parfois même les premiers moyens de subsistance que sont l’alimentation et le chauffage. Peut-on tolérer encore longtemps que nos agriculteurs retraités doivent couper leur bois, élever leur volaille, cultiver leur potager pour vivre – ou plutôt survivre – souvent dans des maisons d’un confort insuffisant mais qu’ils ont, si je puis m’exprimer ainsi, la chance de posséder puisqu’ils ne pourraient pas s’acquitter d’un loyer ? La réponse est évidemment négative.

À ces tensions économiques s’ajoute ce que je qualifierais volontiers d’isolement sociétal, qui s’installe progressivement et se traduit par une solitude croissante, de tels niveaux de pension n’autorisant malheureusement pas, ou peu, les activités de loisirs et de détente auxquelles la plupart des retraités aspirent. Il n’est pas facile de voyager ou de s’adonner à ses hobbies lorsque les cordons de la bourse sont à ce point serrés, sans parler du fait que ces retraités restent souvent, à titre évidemment bénévole, de précieux soutiens pour les travaux de la ferme auprès de leurs enfants qui l’ont reprise, ne se ménageant que très peu de plages de temps réellement libre.

À ces difficultés sociétales s’ajoute trop souvent une détresse sociale qui se manifeste la plupart du temps par un isolement qui ne se voit et ne se dit pas. Très souvent, lorsque les enfants sont appelés à s’éloigner géographiquement, ces niveaux de retraite ne permettent pas les retrouvailles ; lorsqu’un des conjoints disparaît, les fins de mois sont encore plus dures ; lorsque la dépendance gagne, que l’on a du mal à maintenir son niveau d’autonomie, lorsque le placement dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD – s’impose, les choses deviennent très compliquées.

Je fais ce constat en pleine connaissance de cause, à la fois parce que je suis élu d’une commune, d’un territoire et d’une circonscription très ruraux et aussi parce qu’étant fils et petit-fils d’agriculteur, je sais de quoi mes grands-parents ont vécu à leur retraite. Si je le fais, c’est aussi parce que les premiers concernés ne le font pas, par pudeur, par abnégation, parce qu’on ne leur a jamais appris à se plaindre, parce qu’ils ont au contraire toujours eu à coeur de se débrouiller par eux-mêmes et de ne rien réclamer, et même de ne rien attendre.

Le problème est double et appelle donc deux types de solutions.

Tout d’abord, et fondamentalement, il est plus qu’urgent de donner à nos agriculteurs des perspectives d’avenir. Depuis plusieurs années, la situation de la « ferme France » et de ses agriculteurs ne cesse de se dégrader, tant sur le plan de la conjoncture, marquée par une série ininterrompue de crises tantôt économiques et financières et tantôt sanitaires, tantôt franco-françaises et tantôt européennes ou mondiales, que sur le plan structurel, avec une inadéquation toujours plus grande du modèle de transformation et de distribution à l’appareil de production agricole de notre pays et la désespérance croissante de nos paysans.

Chez Les Républicains, nous croyons à la place de l’agriculture dans le paysage économique français, et pas seulement comme pourvoyeur d’un équilibre écologique et environnemental. Nous savons aussi qu’à long terme l’amélioration du niveau des retraites passe par une meilleure rémunération pendant la période active et que l’État ne peut pas éluder plus longtemps cette question.

Nous pensons que la détermination qui a si cruellement manqué à ce quinquennat, monsieur le ministre…

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