Intervention de Jacques Bompard

Séance en hémicycle du 2 février 2017 à 9h30
Revalorisation des pensions de retraite agricoles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Bompard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, en France, les pensions de retraites agricoles ne sont pas assez élevées. C’est un fait qui m’est rapporté sans cesse depuis que j’étudie les questions agricoles. Aujourd’hui bien des Vauclusiens viennent me faire part de ce problème incroyable : les transferts sociaux en faveur de nouveaux venus n’ayant jamais cotisé sont bien plus élevés que leur retraite, chèrement acquise tout au long de leur vie.

Évidemment, ce débat nous conduit à remettre en cause les régimes dérogatoires. Nous voyons en effet que les points de retraite complémentaire, s’ils semblent presque acceptables pour les chefs d’exploitation, ne prennent pas assez en compte l’investissement capital des proches dans le travail quotidien. Leur nette augmentation devrait, par exemple, permettre la reconnaissance du travail familial. C’est une aide d’autant plus nécessaire que la massification des divorces, à l’oeuvre dans notre société, se fonde, pour beaucoup, sur le mal-être social.

Conjoints collaborateurs et aides familiaux n’ont pas des carrières discontinues, dans les faits. Ils ont des vies humaines, pendant lesquelles la naissance, les difficultés économiques, les solidarités familiales peuvent exiger de délaisser un contrat mais certainement pas la nature de leur soutien permanent. La faiblesse des rémunérations devrait donc être complétée par la quantité et la qualité du travail effectivement fourni. Ainsi, les agriculteurs et leurs assistants pourraient envisager autrement les visites étatiques dans leurs exploitations, ce qui éviterait bien des drames – ils ont été évoqués à de nombreuses reprises pendant nos débats.

Environ 263 000 Français bénéficient de l’assurance de percevoir 75 % du SMIC et 430 000 de l’extension du régime, pour ceux qui ne s’y inscrivent pas à temps. À ce titre, une question demeure : l’État en fait-il assez aujourd’hui pour s’assurer du soutien administratif aux jeunes agriculteurs et à leur conjoint et de leur bonne inscription ? C’est une perspective qu’il nous faut absolument prendre en compte, d’autant que la part de bénéficiaires du RCO augmentera de 3,5 % par an jusqu’à 2020. En effet, le monde agricole n’a pas été épargné par la maladie étatiste de la paperasse, qui leur ajoute des heures de travail quotidiennes, en sus de leurs travaux. Nous devrions, à ce titre, proposer de cotiser à l’assurance vieillesse volontaire également en cas d’accident lourd du travail, car ce type d’événements surgit aussi dans la vie des agriculteurs et ne manque pas de leur apporter bien des difficultés supplémentaires.

Je tiens à dire qu’une partie des solutions proposées n’est pas acceptable. Ainsi, renchérir les impôts des exploitants agricoles comme premier moyen de financer le RCO reviendra souvent à prendre l’époux en otage pour augmenter, de manière très minime, le revenu de l’épouse. S’agit-il d’une lubie idéologique ou simplement d’une solution technocratique classique, qui n’envisage la société qu’à partir d’acteurs esseulés et non pas de la famille ? L’intégration des dividendes au calcul des prélèvements des exploitations n’est pas non plus une bonne solution.

La Coordination rurale écrit ainsi : « Nous nous sommes donc prononcés une nouvelle fois contre une augmentation du taux de la cotisation RCO, comme nous vous l’avions indiqué oralement, toute charge nouvelle ne pouvant qu’aggraver la situation de crise dramatique dans laquelle se trouvent les agriculteurs. » Le syndicat a donc également rappelé que la seule solidarité à laquelle il pouvait être fait appel était la solidarité nationale, par un abondement de la MSA à hauteur de son déficit, pour lui permettre de poursuivre le paiement de la RCO sans pénaliser les ayants droit.

Porter le minimum de la retraite à 85 % du SMIC est une mesure salutaire. Quoique je pense des méthodes socialistes et des inanités des réformes du Gouvernement en la matière, je la soutiendrai, notamment dans un contexte où la gauche fantasme sur un revenu global universel, alors qu’elle est toujours incapable d’apporter des solutions aux problèmes posés par un État qui favorise les technocrates par rapport aux travailleurs besogneux.

Je me permets de citer les mots prononcés par mon collègue André Chassaigne en commission : « Pour aborder ce débat, je citerai trois chiffres que chacun de nous doit garder à l’esprit : la retraite moyenne d’un non-salarié agricole s’élève à 766 euros par mois, c’est-à-dire un montant inférieur au seuil de pauvreté et à l’allocation de solidarité aux personnes âgées ; un non-salarié sur trois a une retraite inférieure à 350 euros par mois ; dans les départements d’outre-mer, enfin, un non-salarié sur deux a une retraite inférieure à 330 euros par mois. »

Chers collègues, un pays qui en est à ce niveau doit faire de vrais choix, alors que les choix actuels discriminent et excluent, et cesser de se voiler la face quand la France périphérique atteint ces niveaux. Je pense donc que le Gouvernement a très mal financé et très mal établi les premiers soutiens aux petites retraites, notamment dans le secteur agricole.

Plus globalement, cela pose la question d’un mode de gestion des régimes qui n’est pas efficace et dont les équilibres sont notoirement artificiels et oublieux des situations concrètes. Je pense à tous les paysans du Vaucluse et à leurs familles qui regardent avec intérêt nos travaux, et tout spécialement aux viticulteurs qui engagent souvent leurs familles dans des cultures qui allient héritages, passion et lourd labeur. Ils méritent que nous les défendions et qu’enfin nous les entendions.

Merci, monsieur Chassaigne.

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