Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne vais pas vous raconter d’histoires ni faire de citation, monsieur le ministre : je me contenterai de vous parler de deux personnes.
La première, c’est Alban. Il a trente ans et est éleveur de suffolks – vous connaissez ces moutons blancs à tête noire –, dans une petite bourgade du nord de l’Aisne. J’ai visité son exploitation hier. Il a commencé cette carrière sur le tard et, comme tout jeune qui débute, il a rencontré de nombreux obstacles. Il a dû tout installer seul car les banques se sont montrées bien frileuses pour l’accompagner dans ce projet. Il a finalement obtenu une aide à un taux exorbitant et aujourd’hui ses remboursements l’étouffent. Ces mêmes banques viennent de lui refuser, monsieur le ministre, le bénéfice d’une année blanche. Aujourd’hui, il ne peut pas vivre de sa passion. Le foyer compte principalement sur les revenus de sa compagne, si bien qu’il a repris une activité en parallèle. Pour Alban, comme pour beaucoup d’autres éleveurs de sa génération – de ma génération –, la question de la retraite ne se pose même pas. C’est le quotidien qu’il faut d’abord gérer.
Je veux vous parler aussi de Thierry. Il habite à deux kilomètres de chez moi. Il a commencé en 1979 comme aide familial, avant de devenir dix ans plus tard chef de son exploitation. Aujourd’hui, ce sont l’obsolescence de ses machines et les problèmes qu’il rencontre pour les remplacer qui le mettent en difficulté. Il commence à penser à la retraite. J’ai ici son estimation indicative globale : s’il part à 62 ans, il ne pourra compter que sur 727 euros bruts mensuels. S’il part à 65 ans, sa retraite s’élèvera à 857 euros bruts. C’est tout, et c’est bien peu après une vie de travail et de dévouement.
Vous avez rappelé que le montant minimum des retraites agricoles est équivalent à 75 % du SMIC et que les pensions moyennes étaient de 710 euros en 2014. Le 1,5 million de retraités concernés est donc exposé, comme vous pouvez le constater, à une situation extrêmement précaire qui n’est pas tolérable.
Elle est encore moins tolérable quand on connaît la richesse apportée par l’agriculture à notre pays : près de 73,3 milliards d’euros en 2014. L’agriculture française, c’est 18 % de la production européenne, devant l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Il serait donc normal de reconnaître le rôle crucial de l’activité de ces professionnels dans notre économie en leur permettre de vivre de leur métier. Or, parfois, il devient difficile de les aider, surtout avec un Gouvernement qui n’écoute pas toujours leurs revendications et qui veut faire passer des mesures risquant de créer des distorsions de concurrence aux dépens de nos agriculteurs – nous en avons débattu ici même il y a quelques semaines.
Mais cette proposition de loi, déposée par nos collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, a fait l’unanimité. Revaloriser les pensions de retraites agricoles est une nécessité : c’est même une urgence absolue. De nombreuses avancées, de droite comme de gauche, ont permis d’atténuer les inégalités de retraites entre les non-salariés agricoles et le reste de la population française.