Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la formation professionnelle, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, l’inégalité professionnelle entre les femmes et les hommes a pour source la domination patriarcale, qui veut cantonner les premières au foyer, les seconds étant en charge de la cité.
Cette vision du partage des tâches a justifié par exemple au fil des décennies la nécessité d’avoir l’autorisation de l’époux pour l’embauche de sa femme, la notion de salaire d’appoint, de temps partiel, ou encore la discrimination à l’embauche.
Ce n’est qu’en juillet 1983, avec la loi de Mme Yvette Roudy, que l’Assemblée nationale s’empare de cette question. Depuis, huit lois au moins se sont attaquées aux inégalités professionnelles. Pourtant, si les femmes représentent aujourd’hui 48 % de la population active, avec un taux d’activité de 66 %, l’égalité professionnelle ne leur est toujours pas assurée.
L’inégalité la plus visible est l’inégalité salariale. La France détient la 134e place sur 144 pays observés, selon le dernier rapport du Forum économique mondial.
La rémunération des femmes est en moyenne inférieure de 24 % à celle des hommes. L’écart est encore de 10 % si l’on tient compte seulement de l’écart « inexpliqué » de salaire, c’est-à-dire à compétences et expériences égales.
Les femmes occupent presque deux fois plus souvent que les hommes des postes peu qualifiés d’employés ou d’ouvriers – 27 % des femmes contre 15 % des hommes. Elles se trouvent donc plus souvent en bas de l’échelle des salaires.
Les femmes sont non seulement moins bien payées que les hommes, mais elles sont également beaucoup plus exposées à la précarité. L’une des principales causes de la précarité des femmes salariées est le temps partiel, une modalité d’organisation du temps de travail au coeur des inégalités, utilisée de façon totalement abusive dans certains secteurs d’activité. Loin d’être un temps choisi, pour concilier vie professionnelle et vie familiale, comme il est trop souvent défendu par ceux qui ne le pratiquent pas, il est le plus souvent imposé, et les femmes sont les premières touchées : huit emplois à temps partiel sur dix sont occupés par des femmes, faute pour elles de trouver un emploi à temps plein.
Temps partiel, cela signifie souvent des horaires atypiques et toujours des salaires et des retraites partiels. Mesurons ce que cela signifie, par exemple, dans le secteur de l’aide à domicile. Une salariée non qualifiée perçoit 972 euros brut par mois pour un temps plein. Or 79 % d’entre elles sont à temps partiel, avec une amplitude horaire de dix à douze heures.
Dans l’ANI du 11 janvier 2013 et la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin de la même année, les partenaires sociaux et la majorité gouvernementale avaient tenté d’agir contre cette spirale de la précarité en instaurant une durée minimale de vingt-quatre heures par semaine pour tout travail à temps partiel, mais, hélas, les trop nombreuses dérogations accordées depuis 2013 ont fait exploser cette durée minimale. Plus de vingt branches professionnelles ont ainsi négocié des durées minimales inférieures à dix-huit heures par semaine, certaines sont tombées à cinq heures.
Le déroulement de la carrière des femmes est également truffé d’obstacles. Ainsi, alors que les femmes sont désormais plus diplômées que les hommes, le plafond de verre, qui empêche les femmes d’accéder aux postes à responsabilités, n’a pas disparu.
L’arbitrage entre vie professionnelle et vie familiale se fait encore, le plus souvent, au détriment des femmes. L’inégal partage des tâches domestiques et du temps parental en est pour partie responsable, mais notre droit du travail ne corrige pas cette inégalité, puisqu’il encourage les hommes à reprendre rapidement le travail après la naissance d’un enfant en ne prévoyant qu’un congé facultatif de onze jours. Or cette situation est aujourd’hui en décalage à la fois avec les aspirations des femmes, qui souhaitent que la maternité ne soit pas un frein à leur carrière, et avec celles des pères, qui voudraient passer davantage de temps auprès de leurs enfants, et ce dès la naissance.
Les femmes sont aussi victimes de discriminations liées au sexe, qu’il s’agisse de discriminations directes, en raison de la maternité par exemple, ou de discriminations indirectes, comme la moindre rémunération des heures complémentaires effectuées par celles qui travaillent à temps partiel.
Enfin, dans la très grande majorité des entreprises, en dépit des incitations ou des obligations annuelles de négocier, la question de l’égalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes est insuffisamment abordée. Seuls 12 % des accords abordent cette question, et seulement 40 % des entreprises assujetties sont effectivement couvertes par un accord ou, à défaut, par un plan d’action.
Bref, le chemin est encore long vers l’égalité professionnelle. Nous ne pouvons rester inactifs face à un tel constat, réitéré année après année, loi après loi.
Nous devons nous interroger sur les raisons qui font que toutes les lois adoptées ne lèvent pas définitivement les freins qui existent en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
J’ai évoqué au début de mon propos la domination patriarcale et, en lien, la question des mentalités. On ne peut ignorer cette réalité. Naturellement, spontanément, le rapport de forces ne s’établit pas en faveur des femmes, c’est vrai dans le travail comme dans d’autres domaines. Nous avons dû légiférer contre toutes les violences faites aux femmes, sur la parité, la place des femmes dans le sport et bien d’autres sujets.
Reconnaissons-le, sur cette question de l’égalité, grâce aux combats féministes, la législation est en avance sur les mentalités. Elle a donc besoin d’être plus incitative. C’est l’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.